CyberClasse: épilogue d’un parcours mouvementé

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Par · 24/06/2013

Où en est le plan d’équipement des écoles wallonnes (plan CyberClasse)?

Voilà ce qu’on peut en lire dans le Baromètre 2013 publié par l’AWT:

Fin février 2013, 1.318 des 3.257 implantations éligibles étaient complètement livrées et installées, tandis que 694 autres sont en cours de câblage ou d’installation et que 1.193 finalisent leur dossier de demande ou réalisent des travaux préparatoires. Ce sont aujourd’hui surtout les petites et même les très petites implantations qui restent à livrer. Au moment de l’enquête, 81% des ordinateurs avaient été commandés au bénéfice de 61% des implantations éligibles.”

Ces chiffres datant déjà de quelques mois, nous avons demandé une mise à jour. Ce qui donne…

Fin mai, selon les chiffres fournis par la Cellule CyberClasse, 77,3% des écoles (soit 2.503 implantations) seraient aujourd’hui “équipées ou en cours d’équipement” (un certain volume de commandes devant encore être honorées). En deux ou trois mois de temps, 500 nouveaux sites auraient donc vu leur projet avancer.

Au total, toujours selon la même source, 34.572 ordinateurs “ont été installés ou sont sur le point de l’être.”

Répartition par type: 31.024 PC et 3.548 Mac mini.

C’est todi les p’tit…

Les scores ne s’amélioreront sans doute plus beaucoup. En effet, les inscriptions pour les écoles désireuses de bénéficier du plan d’équipement, ont été clôturées en juin 2012. A cette époque, 98% des écoles (3.341 établissements étaient concernés) avaient confirmé leur intérêt, en s’inscrivant via la plate-forme en ligne, et peuvent donc espérer être services, à condition de passer commande dans les temps.

Pour des raisons d’organisation des livraisons et des installations, les grands établissements ont été équipés plus vite que les plus petits. Autre raison: la présence, bien souvent, dans ces établissements de personnes attachées à l’école pouvant piloter le projet là où les établissements plus modestes devaient faire appel à la Cellule CyberClasse instituée par le Cabinet du ministre de l’enseignement. Une cellule qui a longtemps manqué de bras et qui, au fil du temps, a hérité de quelques renforts, aptes à aider les écoles à mieux préparer leur dossier et à veiller au déploiement du matériel.

Cette inégalité de traitement, bien entendu, reste une grande injustice- essentiellement pour les élèves. Ce sera l’un des points que le prochain plan d’équipement (Ecole Numérique) tentera de résoudre en adoptant une approche et une méthode différentes. Voir plus loin.

Pour bénéficier de l’aide de la Région, les dernières commandes aux fournisseurs concernés (câblage, matériel…) devront se faire dans les tout prochains mois: octobre pour les travaux de câblage; décembre pour les commandes d’ordinateurs.

Ecole numérique

Le nouveau plan “Ecole numérique” vise à doter les établissements d’enseignement de la Fédération Wallonie Bruxelles de nouveaux outils informatiques et numériques propres à “dynamiser et motiver les apprentissages par des outils et des approches plus en phase avec la réalité des jeunes et l’évolution de notre société et des technologies”.

Fin 2011, 28 projets-pilotes, déposés par des écoles, étaient retenus dans les différents niveaux d’enseignement- fondamental, secondaire, hautes écoles, enseignement spécialisé, promotion sociale. Ils concernent l’usage de divers types de ressources (portables, tablettes, tableaux interactifs, réseaux sociaux…) à exploiter dans une série de scénarios d’apprentissage: création numérique, apprentissage linguistique, maîtrise d’Internet et de ses ressources, remédiation, auto-apprentissage, formation des futurs enseignants, cours dématérialisés…

Aujourd’hui arrivés à mi-parcours, un premier bilan de ces projets-pilote est sur le point d’être tiré mais il est très tôt apparu que les volets accompagnement et dimension purement pédagogique nécessitaient une approche à la fois mieux construite et plus spécifique.

Le doigt a ainsi été mis sur certaines carences: manque de connaissances des arcanes des marchés publics, difficultés à définir un cahier de charges, incapacité à se regrouper entre établissements pour passer une commande en commun…

“Le constat a également été fait que les enseignants sont peu outillés, en termes pédagogiques, pour utiliser l’ICT à des fins éducatives”, déclare Raymonde Yerna, responsable du projet au Cabinet Marcourt. “Leur formation initiale et continue est donc essentielle, notamment au vu de l’évolution rapide des technologies.”

A chacun son métier

La conclusion en a été tirée qu’il fallait recompartimenter les compétences demandées aux divers acteurs: les enseignants ont surtout besoin d’acquérir des compétences pédagogiques qui soient en synchronie avec leur temps. Par contre, tout ce qui est compétences purement technologiques et logistiques peuvent être, jusqu’à un certain point, “externalisées”.

“Les conseillers de la cellule CyberClasse s’occuperont donc davantage à l’avenir des problèmes techniques: maintenance, soutien logistique, dépannage, support et conseils techniques- par exemple comment dépanner une tablette… Déchargeant ainsi les enseignants porteurs de projets de ce genre de considération.” La cellule, pour ce faire, compte aujourd’hui 15 équivalents temps plein, au profil d’“assistants IT”.

Un autre constat posé est le côté chronophage de ces nouveaux outils et méthodes: “il ne suffit pas de mettre son cours à disposition en format PDF. Il s’agit d’enrichir le contenu enseigné, de rechercher l’individualisation de l’apprentissage, de favoriser la remédiation, de revoir son approche pédagogique.”

Décision fin juin

Voilà pourquoi le nouvel appel à projets lancé récemment se concentre-t-il sur des aspects plus pédagogiques afin “d’amplifier et d’accélérer la dynamique mise en place avec le premier appel à projets” mais aussi – et de manière plus fondamentale- d’“accompagner les enseignants dans l’utilisation pédagogiques de outils afin de les rendre autonomes.”

Les outils, scénarios, bonnes pratiques pédagogiques qui seront développés par les écoles-pilotes seront placés dans un pot commun en vue d’être mutualisés par tous les enseignants et établissements qui le désirent.

16 des projets à sélectionner devraient porter sur la formation initiale des enseignants: chaque Haute Ecole se verra ainsi confier la responsabilité de mener à bien une réflexion concrète sur un projet pédagogique applicable à l’une des 16 catégories pédagogiques existant en Fédé.

“Procéder de la sorte permettra d’avoir un effet multiplicateur”, raisonne Raymonde Yerna. “Les futurs enseignants formés dans ces Hautes Ecoles et ayant bénéficié de ce projet-pilote iront essaimer les pratiques dans les écoles dans lesquelles ils enseigneront.

Appel à projets entendu de la part de la communauté éducative puisque pas moins de 453 dossiers ont été rentrés. Une cinquantaine seront retenus. Un jury statuera ce 24 juin et la décision finale sera prise avant la fin de l’année académique. De telle sorte que les marchés publics puissent être émis pendant les congés.

Prochain plan d’équipement moins dirigiste?

Ce qui est sûr, c’est que le “modèle” CyberClasse ne sera pas répété. Son démarrage et son déroulement ont connu trop de couacs: multiples recours des candidats fournisseurs évincés, retards de déploiement (qui ont mis à mal certaines dispositions contractuelles), contraintes trop importantes pour les écoles (implantation d’un réseau, sécurisation des lieux…), dirigisme jugé inapproprié, enjeux pédagogiques trop peu abordés, déploiement ayant davantage bénéficié aux “grands” établissements, lenteur extrême du processus de déploiement (puisque… 5 ans après le début officiel du déploiement, certaines écoles n’ont pas encore vu la couleur de leur matériel!).

Le nouveau plan d’équipement des écoles (2015-2022) ne ressemblera pas à son prédécesseur en ce sens qu’une plus grande latitude sera laissée aux établissements au sujet du choix de matériels et solutions. “Le dossier CyberClasse a été construit selon une philosophie de matériel standardisé parce qu’il répondait, à l’époque, à un besoin. A savoir que peu d’écoles et peu de directions d’école avaient alors les compétences nécessaires, ne savaient pas quels matériels et infrastructure informatique utiliser”, déclare Raymonde Yerna.

Raymonde Yerna: “L’espoir [avec la méthode d’équipement Ecole Numérique] est “que toutes les écoles avancent au même rythme”.

La Région agissait donc comme source de compétences. Ou prétendue telle. Le résultat escompté fut loin d’être probant. Du moins dans la manière dont les choses se sont déroulées.

Equipement à la carte

Pour le plan Ecole numérique 2015-2022, on devrait en principe s’orienter vers une enveloppe budgétaire globale, mise à disposition des écoles, avec une liste de “canevas de bonnes pratiques” qui les guident dans leurs choix. Cette liste reprendrait un certain nombre de scénarios et de “packs” (ou “kits”) correspondant à certaines classes de besoins. En fonction des matières, des publics visés. Chaque “pack” étant par ailleurs quantifié en termes de financement.

L’espoir: “que toutes les écoles avancent au même rythme”, déclare Raymonde Yerna.

En dehors de ce futur déploiement de solutions, largement mobiles et connectées, devant garantir une accessibilité optimale à Internet et aux ressources pédagogiques, la conviction reste que le principe des “cyber-classes”- c’est-à-dire d’un ou plusieurs locaux par école, d’espaces dédiés, équipés en matériels- demeure d’actualité. Mais il est clair, estime Raymonde Yerna, que cela ne suffit plus à l’heure actuelle.