Les promesses qu’on fait valoir lorsque l’on parle de cloud computing sont telles que l’on oublie parfois que chaque médaille a ses revers ou que ce qui paraît simple et séducteur peut cacher aussi embûches et désillusions.
Passons en revue quelques-uns de ces “mythes”, généralement alimentés par les discours des prestataires, parfois nés d’un excès de confiance de la part des utilisateurs.
# Le cloud, c’est simple et sans souci
Cette affirmation relève à la fois de la réalité et de l’illustion.
Réalité parce que le cloud computing permet en effet de faire l’économie de certaines contraintes (investissements, mises à jour, maintenance…).
Illusion parce qu’on ne peut pas faire l’impasse sur certaines exigences, parce que des données mal structurées au départ ne seront pas plus vertueuses dans le cloud, parce que des processus inefficaces ne feront pas des miracles une fois expédiés en dehors des murs de l’entreprise.
Pas trop compliqué, en effet, voire parfois étonnamment simple que d’ouvrir un compte Dropbox ou Gmail. De se payer une tranche d’infrastructure sur Amazon. De confier à SalesForce la gestion de ses contacts commerciaux. De partager des documents (textes ou multimédias) via des logiciels de gestion hébergés dans le cloud.
Mais cette simplicité cache parfois un minimalisme fonctionnel et une grosse complexité pour y parer. Par exemple pour prévoir des mécanismes de back-up/sauvegarde (lorsqu’ils ne sont pas prévus dans le service de base), pour réduire l’envergure du service (diminution du nombre d’utilisateurs, réduction de l’espace de stockage requis…), pour récupérer ses données (qui sont souvent stockées et gérées dans des formats propriétaires, parfois quasi ésotériques…). Quant à changer de prestataire cloud, pour migrer ses applications et données vers un autre, ou intégrer des solutions éparpillées entre plusieurs fournisseurs, cela exige parfois, voire souvent, de solides compétences.
Comme on le verra plus loin, ce ne sont pas les risques, les embûches qui manquent. Un minimum de compétences doivent être maîtrisées- ou disponibles auprès d’un partenaire de confiance. Des compétences parfois nouvelles et inhabituelles, telles que la gestion de multiples fournisseurs (et contrats), une vision de l’impact que peuvent avoir des formats de données divergents, voire ésotériques…
Gregorio Matias (MCG): “Selon Gartner, après l’engouement des premiers temps, le marché se situe toujours- et ce, depuis 4 ans!- dans la phase de désillusion. Cela commencera à faire mal d’ici deux ans. Beaucoup seront déçus. Et les rangs des fournisseurs vont s’éclaircir…”
Ce qui est loin d’être simple, par exemple, c’est la nature du contrat, prévient Laurence Soetens, administratrice de la SSCI namuroise Thelis (auteur d’une solution de bureau mobile, téléphonie et sauvegarde, opérant sur infrastructure hybride (sur site et sur cloud privé). Il faut décrypter les conditions proposées: calcul des coûts, niveau de service, conditions d’accès aux données… “Il faut par ailleurs se rendre compte que l’on perd dans une certaine mesure le contrôle de ses données. Si une société ne dispose pas, en interne, des compétences pour les gérer à distance, elle se retrouve soumise au bon vouloir d’autres personnes.”
# Le cloud, c’est pas cher
Le fait est qu’il est aisé et économique de s’abonner à un service SaaS. Et ce, à partir de quelques cents ou de quelques euros, liés à une certaine dose ou durée d’utilisation ou de “consommation”. Mais attention à l’effet boule de neige. D’une part, les cents et euros peuvent rapidement s’additionner sans qu’on en ait conscience. D’autre part, les tarifs pour services ou ressources de base sont certes abordables et attractifs mais toute extension du service peut révéler des surprises et s’avérer nettement plus onéreuse. Qu’il s’agisse d’espace de stockage supplémentaire, de fonctions nouvelles qu’on veut rajouter, d’extension du nombre d’utilisateurs…
Les conditions financières pour tout upgrade de service varient sensiblement d’un prestataire à l’autre.
Logique, tout compte fait: pourquoi un prestataire vous octroierait-il monts et merveilles à prix plancher? Son intérêt premier demeure sa propre rentabilité. Et, en la matière, le volume clients ne suffit pas toujours. Pour illustrer ce point, Gregorio Matias, associé-gérant et consultant chez MCG (Wavre), évoque une analogie: “quand vous optez pour un leasing voiture, vous faites votre calcul, vous comparez avec le coût d’achat d’une voiture. Du leasing est-il aussi intéressant quand on roule 20, 50, 100.000 kilomètres par an? Le leasing est toujours calculé [par l’offreur] au pire, pour un kilométrage limité.”
Etude d’opportunité
“Toute décision cloud doit être précédée d’une analyse stratégique”, souligne Gregorio Matias. “Il faut par exemple déterminer le nombre de personnes dans l’entreprise qui tireront de réels avantages d’une solution cloud.” Il faut vérifier, en d’autres termes, si le jeu en vaut la chandelle. Et simuler divers scénarios, en ce compris avec l’évolution des services dans le temps. “Comparer des pommes avec des pommes”: tel fournisseur cloud avec tel autre, et une solution cloud avec ce qu’elle implique si elle reste sur site.
A ne pas perdre de vue, par ailleurs, pour certains besoins, le coût potentiel d’une bande passante plus confortable.
“Un conseil: le cloud peut très bien n’être qu’une solution parmi d’autres, dans le portefeuille existant.”
A cet égard, il n’y a pas de règle générale, pas de panacée. Chaque entreprise, petite ou grande, doit faire ce qu’on pourrait appeler un examen de pertinence.
Une start-up peut trouver son bonheur dans le cloud dans la mesure où elle pourra exploiter rapidement et aisément des services (logiciels, infrastructure etc.) de haut niveau ou spécifiques, à moindres coûts, sans devoir procéder à de gros investissements de départ. De même, un hébergement de ressources IT sur Internet permet à des structures et équipes qui fonctionnent beaucoup en mode mobile ou nomade, qui sont géographiquement dispersées, d’avoir toujours sous la main les outils et données dont elles ont besoin. Sauf , bien entendu, s’il y a rupture de connexion, perte de signal Internet ou indisponibilité des serveurs du prestataire…
Autre aspect des choses: la pérennité du tarif proposé. Un tarif attrayant aujourd’hui pourra fort bien être majoré, demain. Une fois encore, mieux vaut lire consciencieusement les conditions qu’annonce le prestataire. Or, qui lit, sur son écran, les dizaines de pages de contrat d’un fournisseur cloud avant de s’abonner à son service logiciel ou avant de réserver un temps système sur son infrastructure? “Sur Amazon, on crée sa machine virtuelle en un quart d’heure. Mais personne ne peut lire les 35 pages de contrat en un quart d’heure…”
Et que faire si soudain le “loyer” mensuel explose? Avaler la pilule ou retirer vos billes? “Partir ailleurs, transvaser applications et données, n’est pas simple”, prévient Gregorio Matias. “On ne quitte pas aussi aisément un prestataire cloud. Notamment en raison de la non-réversibilité des données [pour cause de formats spécifiques]”
# Le cloud, cela peut rapporter gros
En cause l’effet d’échelle. Tant pour le client (plus il y a de clients utilisateurs d’un même service cloud, plus les coûts sont attractifs) que pour les fournisseurs (plus il y a de clients, plus son investissement en infrastructure est rentable).
Selon Gregorio Matias, le seul véritable ROI, pour un prestataire, se situe dans la masse. “Il faut pouvoir travailler à un niveau global, procurer à bas prix un accès immédiat et souple à des pools de ressources partagées. Si l’on s’en tient strictement à la définition du cloud donnée par le NIST, un fournisseur cloud local wallon ne peut exister. Pour tirer avantage du cloud, en termes d’infrastructure, il faut mettre en oeuvre un tel niveau d’automatisation et d’industrialisation de cette infrastructure que cela implique d’office d’être immense. Les seuls, au niveau local, qui peuvent avoir une taille critique sont par exemple les fournisseurs télécom. Par exemple Belgacom qui dispose de plusieurs datacenters…”
Le cloud computing, vu sous l’angle IaaS (Infrastructure as a Service), lui semble donc (quasi) interdit à des prétendants locaux. “Par contre, là où le cloud offre des possibilités pour des acteurs locaux, c’est dans le registre SaaS (Software as a Service). Le principe: proposer des logiciels (génériques ou spécialisés) en mode services, que les utilisateurs peuvent exploiter en s’y abonnant et en ne payant que pour le degré de consommation réel qu’ils en font. Grâce à l’effet d’échelle et au principe de mutualisation, un prestataire peut espérer rentabiliser son offre tandis que le client réduit ses frais.
Autre perspective intéressante:une solution SaaS développée en local peut espérer trouver aisément des clients à travers le monde. De manière plus aisée, en tout cas, que ce ne fut le cas jusqu’à présent pour des logiciels vendus de manière traditionnelle. Tout simplement parce que la “distribution” est fondamentalement bouleversée par le concept de “software-as-a-service”.
De même, l’investissement de départ modéré dont un développeur ou éditeur pourra se contenter (en “louant” l’infrastructure) ne peut que maximiser ses sources de revenus.
Pour un éditeur mais aussi pour un prestataire de services, le cloud implique toutefois un changement essentiel de paradigme: plus de revenus de licences mais un lissage des revenus dans le temps, avec des rentrées dont il faut compenser la modicité individuelle en jouant sur la masse. Côté positif de la chose: des revenus potentiellement récurrents, même s’il ne faut pas perdre de vue que le client peut rompre aisément toute relation…
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