A l’automne dernier, dans la foulée des élections communales, Aastra a procédé à une enquête auprès de 60 villes et communes belges (10 par province) en vue de “déterminer leur profil en matière d’utilisation de moyens de communications modernes [pour leurs communications] avec leurs citoyens.” Au programme de l’enquête: équipements mobiles, BYOD, e-guichets et réseaux sociaux. Entre autres.
“La problématique n’est pas de savoir si la commune dispose d’un site Internet, comme c’est généralement le cas actuellement”, explique Albano Masino, directeur marketing d’Aastra Belgique. “La problématique est de savoir si nos élus ont intégré les nouvelles technologies et les réseaux sociaux afin de réellement comprendre les impacts qu’ils ont sur notre quotidien à tous”.
Les conclusions qu’on peut tirer de l’étude?
- un taux de pénétration des “nouveaux outils numériques” légèrement plus important en Flandre qu’en Wallonie
- une propension plus nette des communes flamandes à utiliser, pour leurs communications, certains réseaux sociaux
- des taux d’adoption qui ne sont pas directement liés à la taille de la commune (si les communes les plus “progressistes” sont généralement de grandes entités en Flandre, on constate, du côté francophone (sur l’échantillon concerné), que les petites entités se montrent plus dynamiques que leurs grandes soeurs)
- l’absence de charte ou de note politique balisant les usages, ambitions et opportunités
- un manque d’exploitation des moyens connectiques modernes
- une utilisation des réseaux sociaux encore souvent balbutiante (“beaucoup d’élus ne comprennent pas les enjeux du Web social”) alors qu’ils souvent considérés comme moyens de se rapprocher ou d’impliquer plus étroitement les citoyens
- un manque de clarté dans la manière dont les nouvelles technologies et nouveaux supports numériques sont ou non permis sur le lieu de travail (équipements personnels, fréquentation des réseaux sociaux, ouverture du réseau de la commune aux usagers Wi-Fi…).
Pas de “note” de politique numérique
Rares sont les communes, francophones ou néerlandophones, qui indiquent l’existence d’un document officiel spécifique (note ou charte) traitant des moyens de communication avec la population. Généralement, si un texte existe, il est inclus dans la note de politique globale.
Pour les autres, Namur, par exemple, signale simplement le ROI (règlement d’ordre intérieur) du conseil communal “qui respecte les directives du code de la démocratie locale sur le droit d’interpellation du citoyen. Par ailleurs, de façon plus “spontanée”, chaque citoyen peut évidemment contacter par e-mail ou téléphone l’administration.”
Le phénomène du “BYOD” (recours à des équipements privés personnels sur le lieu de travail) n’a pas non plus fait l’objet d’une analyse spécifique. On ne relève aucun règlement ou disposition précise, si ce n’est à Beringen (Limbourg) où l’usage des équipements personnels est interdit, à Genk, où une charte a été définie, et à Diest, où une directive IT a été élaborée et où un code de conduite est en cours de rédaction.
Des médias sociaux encore boudés
Généralement, il semble que les médias sociaux soient interdits, voire bloqués. Ils sont par exemple expressément interdits de séjour aux administrations communales de Tournai, Dour, Charleroi, Mouscron, Arlon, Wavre, Nivelles, Trois-Ponts (province de Liège), Rochefort ainsi qu’à Ciney qui a pris cette décision pour cause d’abus.
Bastogne, par contre, les autorise. Sans avoir défini de code d’utilisation particulier.
Herstal les tolère “à condition qu’il n’y ait pas d’exagération” (notion floue, s’il en est). Même principe à Chimay qui avait commencé par les interdire avant de revenir sur sa décision mais en comptant sur les employés pour ne pas “exagérer”.
Et puis, il y a celles qui ne les bloquent qu’à certaines heures. C’est le cas de Verviers (comme de Wingene, en Flandre occidentale) où l’utilisation des médias sociaux est interdite et même bloquée sauf… pendant l’heure de midi.
Près d’un quart des communes francophones sondées n’ont édicté aucune charte ou règle en la matière.
Côté flamand aussi, l’utilisation des réseaux sociaux est souvent interdite. Turnhout en autorise une utilisation “limitée”. Beringen les interdit pendant les heures d’ouverture de l’administration. A
Beveren, l’interdiction s’accompagne d’un blocage d’accès.
Hasselt ne les autorise que pour les collaborateurs des services culture, tourisme, sports et jeunesse. Idem à Zonhoven où seuls les personnes chargées des contenus diffusés ont le droit de les utiliser.
Par contre, Harelbeke et Tielt en autorisent leur utilisation, sans limitation. Certaines communes indiquent qu’une réflexion en la matière est prévue à court ou moyen terme.
Une communication encore peu “participative”
Outre les sites Web, un certain nombre de communes (deux sur trois dans l’échantillon Aastra) disposent d’une page Facebook. Mais le clivage est sensible entre la Flandre et la Wallonie: trois-quarts des communes utilisant Facebook se situent en effet en Flandre.
Autre constat, toutefois: l’usage de Facebook n’est pas encore devenu une activité majeure:
- d’une part, les pages Facebook sont souvent associées à certains services ou organismes dépendant de la commune (bibliothèque, musée, centre culturel…). Facebook est essentiellement utilisé à des fins de communications culturelles et pas, réellement, pour communiquer ou faire partager la “vie” de la commune;
- d’autre part, parmi les communes qui ont créé une page Facebook, moins de la moitié l’actualisent fréquemment (au moins une fois par semaine).
Un compte Twitter est encore rare. Exceptions, côté francophone: Mons, Tournai, Namur, Braine-l’Alleud. Un compte Twitter devrait faire son apparition, à l’avenir, du côté de Huy et de Verviers,
En la matière, les communes flamandes semblent être plus “modernes”. Les comptes Twitter de communes y sont plus répandus. Un tiers des communes flamandes sondées en disposent d’un, selon l’étude. La commune de Tremelo, dans le Brabant flamand, signale toutefois qu’elle a décidé de ne l’utiliser que comme moyen de communication lors de situations particulières, telles que des incidents ou une catastrophe naturelle.
On signale même un compte LinkedIn à Lier et à Genk, et quelques applis mobiles (Kalmthout, Hasselt, St-Trond, Diest).
YouTube, Pinterest, Foursquare sont mentionnés par l’une ou l’autre commune flamande (à Tielt notamment) mais encore de manière très sporadique.
Albano Masino (Aastra): “En pondérant les réponses obtenues lors de l’enquête, nous avons établi un petit classement. Genk se montre la ville flamande la plus progressiste de l’échantillon. Suivie par Tielt-Winge. En Wallonie, il s’agit de Huy, qui devance Namur.”
Les e-guichets sont encore loin d’être une pratique généralisée. S’ils existent (voir à cet égard la dernière étude de l’AWT et l’article que nous y consacrions en juin dernier), ils sont souvent encore limités à des fonctions élémentaires: téléchargement de formulaires, demande d’attestations, signalement de changement d’adresse…
Les lacunes, en la matière, sont bien connues: souvent encore, il n’est pas possible de remplir et de signer en-ligne un formulaire. Il faut se contenter de le télécharger (voir de se le faire expédier par la poste) afin de le remplir manuellement avant de le réexpédier, par voie classique.
Parmi les 30 communes francophones interrogées dans le cadre de l’enquête Aastra, quatre ne disposent encore d’aucun guichet électronique. A savoir: Dour, Bastogne, Nassogne, Hotton.
Dans son Baromètre 2012, l’AWT signalait que 64% des sites communaux wallons proposent des services administratifs en ligne. 57% permettent de commander des documents d’état civil via des formulaires interactifs; 7% via courriel. L’identification en-ligne, elle, par exemple à l’aide de la carte d’identité électronique, a encore bien du chemin à faire: seules 37% des communes qui proposent des commande de documents en-ligne, la proposent (un petit progrès de 2% en 3 ans). Les autres exigent donc encore de passer par une authentification par mot de passe et numéro d’utilisateur.
Autres chiffres cités dans l’étude de l’AWT:
– 6% des communes sont actives sur les médias sociaux
– un-quart des communes proposent une interpellation en-ligne du conseil communal.
Ecolage nécessaire
Ces plates-formes de communication, voire d’interaction, sont-elles réellement utilisées par la population?
Les communes n’ont sans doute pas encore procéder à une véritable “étude de satisfaction”. Les réponses à cette question ne sont donc que partielles, voire basées sur de simples impressions. Bien souvent, elles ne sont pas en mesure de se prononcer sur l’effet positif généré (par exemple par un média tel Facebook ou l’existence de l’e-guichet). Ou sur l’impact qu’ont les relations “virtuelles” sur leur proximité citoyenne.
A Edegem, par exemple, on estime que le taux d’utilisation reste faible, limité aux “happy few” pour reprendre l’expression utilisée par la commune. “Les médias sociaux sont assez bien suivis mais rares sont encore les citoyens qui y participent activement.”
Les e-guichets, par contre, sont appréciés, dans la mesure où cela permet aux citoyens de gagner du temps. Même si, on l’a vu, leurs finalités sont encore rudimentaires et pourraient être sensiblement améliorées.
Smartphones et tablettes
Ces deux types d’équipements sont encore très rares au sein des administrations communales, côté francophone. Seule Herstal signale l’utilisation de “quelques iPhones”. Verviers dit utiliser “quelques tablettes pour des tâches spécifiques”. Parfois, comme c’est le cas à Ciney, la tablette est réservée au responsable IT (l’étude ne précise pas s’il s’agit de son équipement personnel ou si la commune lui en a octroyé un).
Dans l’ensemble, l’équipement se compose essentiellement de PC de bureau. Avec, de-ci de-là, quelques laptops pour les personnes appelées à se déplacer plus ou moins fréquemment ou mis à disposition pour les réunions.
En Flandre, les tablettes semblent être un peu plus fréquentes. On en trouve à Edegem, pour les “hautes fonctions”, ainsi qu’à Turnhout, Zonhoven, Tielt et Dendermonde. Un achat de tablettes est prévu à Kalmthout.
Réseau en huis clos
L’accès du réseau de la commune par des utilisateurs de smartphones ou de tablettes est encore souvent limité au seul personnel communal.
Souvent, comme à Malmedy ou Chimay, le réseau n’est pas accessible (en sans-fil) pour des tiers pour des questions de sécurité. Souvent le Wi-Fi est d’ailleurs totalement absent.
Côté sécurité, Namur se montre particulièrement prudente. Seul un accès sécurisé VPN est prévu “permettant à certains fonctionnaires (chefs de service et mandataires principalement) de relever leur courrier électronique à distance”.
Rochefort, par contre, a ouvert son réseau aux citoyens. Dinant, elle, a opté pour la ségrégation: réseau privé pour les usages internes; réseau public, accessible aux citoyens et aux collaborateurs (mais l’accès aux réseaux sociaux est bloqué).
Petits conseils d’Aastra
De cette étude, Aastra conclut que le fossé reste souvent profond entre le citoyen et sa commune et que cette dernière est encore loin de s’être appropriée les outils numériques qui lui permettraient d’être plus en phase avec lui.
Aux yeux d’Aastra, plusieurs mesures, relativement simples, pourraient être prises pour améliorer la situation:
- rendre l’infrastructure communale (réseau) accessible aux citoyens (via installation d’un réseau Wi-Fi public)
- équipements des lieux publics en potentiels Wi-Fi
- rédaction d’une charte précisant à la fois les conditions d’utilisation des réseaux sociaux par les collaborateurs de l’administration communale et la manière de les utiliser pour donner ou nonb “droit au chapitre” aux citoyens
- procéder à une étude globale des opportunités créées par une infrastructure télécom qui profiterait à l’ensemble des citoyens de la commune et pas uniquement à ceux équipés d’un terminal mobile. Parmi les premiers services à mettre en oeuvre: des communications par SMS pour avertir par exemple les citoyens lorsque leur nouvelle carte d’identité électronique est prête ou lorsqu’ils peuvent venir prendre livraison de certains documents commandés.
Autre conseil, davantage intéressé de la part d’un fournisseur actif notamment dans le domaine des communications unifiées: “faire des économies sur les dépenses communales en migrant vers des systèmes de communication VoIP qui permettraient d’offrir des e-services complémentaires tels que la communication vidéo pour des guichets virtuels.”
Méthodologie
- L’enquête d’Aastra a été réalisée auprès de 60 communes belges (6 par province), de petite ou grande taille. L’enquête s’est essentiellement déroulée par téléphone (55 communes ont répondu en direct; 5 ont complété le questionnaire envoyé par e-mail) L’interlocuteur ayant répondu aux questions fut généralement une personne du service Communications.
- Période de l’enquête: octobre 2012, après les élections communales (ce qui explique que certaines réponses n’aient pu être données, les nouvelles majorités devant encore se saisir de certains dossiers.
Les 60 communes sondées (par province):
Liège: Huy, Malmedy, Spa, Trois-Ponts, Herstal, Verviers
Hainaut: Chimay, Mons, Tournai, Dour, Charleroi, Mouscron
Namur: Ciney, Namur, Rochefort, Philippeville, Dinant, Houyet
Luxembourg: Bastogne, Houffalize, Vielsalm, Nassogne, Arlon, Hotton
Brabant wallon: Wavre, Waterloo, Jodoigne, Beauvechain, Braine-l’Alleud, Nivelles
Côté flamand:
Anvers: Edegem, Kalmthout, Lier, Ravels, Turnhout, Zandhoven
Flandre occidentale: Bruges, Diksmude, Harelbeke, Roulers, Tielt, Wingene
Flandre orientale: Oudernaarde, Melle, Geraardsbergen, Beveren, Dendermonde, Alost
Brabant flamand: Tielt-Winge, Tirlemont, Aarschot, Herent, Tremelo, Diest
Limbourg: Beringen, Genk, Hasselt, Lummen, Sint-Truiden, Zonhoven.
Les 10 questions
- existence d’une note de politique ou charte sur la manière dont le citoyen peut/doit être contacté, sur l’utilisation des équipements privés des fonctionnaires sur le réseau de la commune, sur l’utilisation des médias sociaux par les fonctionnaires
- les citoyens peuvent-ils contacter la maison communale par téléphone ou par Internet?
- quels canaux en-ligne la commune propose-t-elle à ses citoyens?
- quelles tâches le citoyen peut-il effectuer à distance?
- quelle expérience – positive ou négative – la commune a-t-elle fait avec le “citoyen virtuel”?
- existe-t-il un plan d’action permettant d’accueillir et d’aider le citoyen virtuel en-ligne via un e-guichet?
- quand doit-il être déployé?
- la commune dispose-t-elle de son propre directeur IT ou manager Web? En cas de réponse négative, qui s’en occupe?
- de quels types de PC la commune dispose-t-elle (desktops, portables, tablettes)? et dans quelles proportions?
- les équipements mobiles (smartphones, tablettes) sont-ils tolérés sur le site de la commune? ceux des fonctionnaires / ceux des citoyens?
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