La 4ème édition du forum 3D Stereo Media s’est déroulée, début décembre 2012, à Liège. Ce “forum européen de la 3D-stéréo pour la science, la technologie et l’art numérique” semble aujourd’hui avoir pris ses marques et devenir peu à peu une référence dans ce domaine. Nous avons rencontré le professeur Jacques Verly de l’ULg, l’un des fondateurs et fidèle cheville ouvrière de l’événement. Petit tour d’horizon de ce qu’il estime avoir été les points forts de l’édition 2012 ainsi que des perspectives d’avenir de la “3D Stéréo” dans divers secteurs d’activités.
Propos recueillis par Benoît Rensonnet
Régional-IT: Quels étaient les principaux objectifs de 3D Stereo Media en 2012, et comment ont-ils été atteints?
Jacques Verly: L’objectif principal de l’événement est de faire se rencontrer les scientifiques, les ingénieurs et les artistes. Ce genre de rencontre n’est pas fréquent, quel que soit le domaine! La 3D est un sujet idéal pour réunir des personnes d’horizons si variés. Pour y arriver, 3D Stereo Media a toujours misé sur la qualité et non sur la quantité. D’où le nombre relativement restreint de conférences, d’ateliers, etc. Cette année encore, nous avons pu composer un programme qui combine de la formation, des conférences scientifiques, des conférences professionnelles et un marché du film. Chacune de ces composantes a été animée par des grands spécialistes de leur secteur. Pour les conférences scientifiques par exemple, l’association avec l’I3DS (International 3D Society) a été un vrai gage de qualité, cette institution privilégiant les relations avec le monde académique, tant aux Etats-Unis, en Asie qu’en Europe.
3D Stereo Media veut couvrir plusieurs aspects de la 3D- artistiques, techniques, scientifiques, financiers, commerciaux. Comment les aspects techniques s’intègrent-ils dans ce schéma?
La question technique est un grand défi pour 3D Stereo Media, à la fois dans l’organisation et dans la mise en perspective. La 3D reste compliquée et il faut réunir beaucoup d’éléments pour que la technique soit parfaite. Par exemple, il n’a pas été possible d’organiser une expo technique cette année, en raison de la disposition des lieux, de l’espace qui aurait été nécessaire pour bien présenter les images, etc. Faire une démonstration du HFR [Ndlr: High Frame Resolution, film en plus de 24 images/seconde] a été un défi. Pour rendre cette technique plus abordable, nous organisons des formations à la 3D: initiations à la science de la vision, master-class, etc. Cela donne l’opportunité à des professionnels de mieux connaître la technique et de la gérer de mieux en mieux.
Jacques Verly: “La 3D reste compliquée et il faut réunir beaucoup d’éléments pour que la technique soit parfaite.”
Pour illustrer l’importance que revêt la technique en 3D, il est utile de rappeler que plusieurs personnalités essentielles de ce domaine sont à l’origine des scientifiques. Ces personnes, par passion, ont un jour franchi le pas vers les aspects artistiques et créatifs, en apportant leurs connaissances techniques très développées. C’est le cas, par exemple, de Robert Neumann responsable de la 3D [Stereoscopic Department] aux Walt Disney Animation Studios qui a longuement travaillé au plus haut niveau dans des agences fédérales américaines de l’informatique.
Il est donc évident que la formation, la connaissance technique des personnes évoluant dans la 3D, sont primordiales pour obtenir des films et des produits de qualité.
Quels sujets, parmi les contenus des conférences professionnelles, vous ont-ils marqué, surpris?
Le sujet qui semble actuellement le plus attirer l’attention est le LIP [laser-illuminated projector]. C’est LA voie du futur pour la projection des films 3D. D’autres sujets, tels que les techniques 3D évoluée ou le “spatial-3D audio”, ont eu un réel impact sur les visiteurs. Le ”spatial-3D audio”, diffusé via haut-parleurs ou via les casques audio, a des effets vraiment impressionnants. On néglige trop souvent le son. Or le son “en relief” possède une force étonnante sur le public, et la relation entre le son et l’image en 3D n’est pas encore suffisamment étudiée.
D’un point de vue plus concret, pratique, comment la 3D va-t-elle se développer et s’intégrer dans la vie de tous les jours? Par exemple dans les domaines du divertissement, di médical, de la sécurité…?
La 3D va s’imposer à la maison via le jeu vidéo en 3D, et, parmi les différents vecteurs, la Kinect est l’outil le plus abouti, une véritable source inépuisable d’innovations technologiques. Par ailleurs, quelques chaînes de télévision investissent dans la 3D et sont occupées à prendre des positions fortes dans ce domaine.
Dans les autres secteurs, il y a encore beaucoup de chemin à faire avant qu’une certaine généralisation apparaisse. Dans le secteur de la chirurgie par exemple, les évolutions sont lentes, pour différentes raisons. Tout d’abord, les hôpitaux n’ont pas toujours les moyens de s’équiper complètement. Ensuite, il faut attirer les médecins et les former, briser certaines vieilles habitudes.
Jacques Verly: “ Les champs d’application sont vastes. Les avancées pourront être variées: holographie, multi-vue, audio 3D, impression 3D. Certaines concrétisations ont déjà vu le jour. D’autres sont encore très futuristes.” – Crédit : Jean-Louis Wertz.
Quelles sont les avancées qui vous apparaissent les plus notables pour les prochaines années?
Les champs d’application sont vastes et laissent penser que les avancées pourront être variées. Pour citer quelques pistes: l’holographie, le multi-vue, l’audio 3D, l’impression 3D. Certaines concrétisations ont déjà vu le jour. Il est par exemple possible d’imprimer des prothèses médicales en 3D. D’autres sont encore très futuristes. Il est difficile de pronostiquer celle qui se frayera un chemin plus rapidement qu’une autre. Je pense que le “sommet” de la 3D sera atteint lorsque la société Disney nous présentera un film en 3D holographique. Nous serons littéralement plongés dans les images. Est-ce que cela se fera dans 10, 20 ou 30 ans? Impossible de le dire.
Est-ce que l’association de 3D Stereo Media avec la International 3D Society permet des avancées sur les aspects techniques de la 3D en Belgique et en Europe? Pouvez-vous citer quelques exemples?
L’International 3D Society (I3DS) met en avant l’importance de la recherche et du travail des universités. Elle axe une grande partie de son action sur la validation par les corps académiques de ses initiatives. Il ne s’agit pas seulement de mettre en avant des artistes (c’est important, notamment par la remise de ses prix) mais de tisser des liens solides entre toutes les parties prenantes de la 3D. Le réel apport pour nous, Européens, se situe donc à ce niveau. Cette collaboration ouvre des portes, braque les projecteurs sur des talents, sur des centres de recherche. C’est à nous, dès lors, de faire fructifier ce capital et de le transformer en opportunités d’affaires, en avancées technologiques, en créations artistiques de qualité.
On a évoqué les contacts avec Hollywood et les Etats-Unis. Envisagez-vous d’établir des contacts du même type avec des instances et sociétés d’Asie? La Chine semble un territoire fort porté sur la 3D. Y a-t-il des contacts dans ce pays?
Les contacts avec l’Asie sont établis! C’était déjà le cas avant l’arrivée de la I3DS, et cela a été notablement renforcé cette année. La I3DS, qui a des implantations en Chine, en Corée et au Japon, nous a demandé d’accueillir un spécialiste japonais lors de notre édition 2012. Ce que nous avons fait avec le plus grand plaisir! Les ponts sont jetés. Par ailleurs, un prix a été décerné à une production chinoise et c’est l’Ambassade de Chine à Bruxelles qui a dépêché un représentant lors de la cérémonie de clôture. Ce représentant a confirmé que la délégation chinoise sera plus importante l’année prochaine!
Pouvez-vous pointer des sociétés locales qui présentent des perspectives intéressantes dans ce monde de la 3D?
Il faut reconnaître que la 3D n’attire pas encore suffisamment d’entreprises de notre région. Nous avons des fleurons- EVS, Dcinex, Digital Graphics, nWave- mais ce n’est pas suffisant. Nous nous permettons d’insister sur le fait que la 3D est un vecteur très intéressant d’innovation, de création d’emplois. La 3D regroupe beaucoup de disciplines, de savoir-faire, et touche beaucoup de marchés. Il faut rassembler des scientifiques, des techniciens, des créateurs, des financiers, etc. pour apporter au public des produits intéressants et innovants. L’événement 3D Stereo Media existe, il a établi des contacts avec les Etats-Unis et l’Asie. C’est aux entrepreneurs et au monde politique à présent de prendre le relais et de concrétiser ces premières démarches.
Benoît Rensonnet est journaliste pour AV-INTRA, le portail francophone créé pour les professionnels et les techniciens de l’audiovisuel et de la télévision.
Bio rapide de Jacques Verly
Détenteur d’un diplôme d’ingénieur civil électricien (électronique) de l’ULg, Jacques Verly est professeur au département Ingénierie électrique et Science informatique de l’Institut Montefiore de l’ULg. Il a décroché une maitrise et un doctorat en ingénierie électrique à l’université de Stanford et fut chercheur au MIT, de 1980 à 2000.
Actif depuis près de 30 ans dans le domaine de la “3D relief”, il pilote nombre de projets de recherche en matière de traitement de l’image et du son, que ce soit en 2D ou en 3D relief.
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