Le centre d’expertise en smart city FuturoCité publie les résultats d’une nouvelle étude “Baromètre”, réalisée cet été auprès des villes et communes wallonnes, sur la perception et l’appropriation du concept et de pratiques open data par les pouvoirs locaux wallons. Voir l’encadré en fin d’article pour plus de détails sur la méthodologie.
Premier constat en matière de gouvernance de la donnée – c’est-à-dire de définition de règles de gestion et d’exploitation des données, d’aménagement d’un budget spécifique, ou encore de la mise en place d’un suivi et de processus de contrôle (projets et stratégie), l’enquête réalisée par FuturoCité n’identifie pas de grand changement par rapport à l’étude 2018/2019. En effet, 49% des répondants n’ont pas encore instauré de politique de gouvernance. 26% l’ont fait mais un peu plus de la moitié seulement ont pris le soin de documenter la chose.
Par contre, FuturoCité a relevé des progrès que le centre d’expertise qualifie de “sensibles” dans le registre des mesures de protection des données mises en oeuvre. Résultat d’ailleurs de l’accroissement des risques et des (cyber-)attaques qui ont sensiblement augmenté ces dernières années et dont les pouvoirs locaux, eux aussi, ont pris, parfois douloureusement conscience: pas moins de 77% des communes ayant répondu à l’enquête déclarent avoir été “confrontées à une attaque ou à une tentative d’usurpation de données” au cours des deux dernières années…
Autre chiffre, cette fois étonnant ou en tout cas interpelant, qui émerge de l’étude (mais peut-être dû au fait que la question n’a pas été posée à la bonne personne): 7% des répondants disent ne “pas savoir” si elles ont ou non subi une telle attaque.
Pour ce qui est des solutions et des mesures mises en oeuvre en matière de protection des données et de sécurité au sens large, les chiffres progressent – que ce soit pour le déploiement d’une infrastructure informatique sécurisée (+ 8% depuis 2018), pour la définition et l’instauration d’un plan de sauvegarde des données (+ 3 points en quatre ans) ou pour la création d’un document formel de sécurité et d’une charte de sécurité (+ 13%) – même si, sur ce dernier point, à peine plus d’un quart des communes participantes ont procédé à l’exercice. Ce qui est encore largement trop peu…
De l’open data encore peu pratiqué
Seulement 15 communes sur les 96 ayant participé à l’étude disent avoir constitué des jeux de données librement publiés. Le nombre total de jeux de données publiés a d’ailleurs doublé en l’espace de deux ans. La progression est le fait de grandes entités – telles que Namur ou Liège qui font fuir de précurseurs open data en Wallonie – mais aussi d’autres entités plus modestes. C’est ainsi par exemple que Marche-en-Famenne a décroché le prix “Open Data territoriale” décerné cette année par l’AdN, en raison des efforts déployés ces deux dernières années pour augmenter sensiblement le nombre de jeux de données publiés sur le portail ODWB (Open Data Wallonie Bruxelles). La ville a publié à ce jour pas moins de 21 jeux de données qui concerne les points WiFi, les parcours touristiques et statues, le petit patrimoine, les bibliothèques, musées,, cinémas, brasseries, chambres d’hôte, campings…
Une démarche qui, soulignait Isabelle Rawart, en charge de l’axe “Smart Région” à l’AdN lors de la remise du prix, a en partie été rendue possible grâce aux activités de formation et d’accompagnement déployées ces dernières années par FuturoCité. Signalons ici au passage que les trois autres entités nominées pour ce prix “Open Data territoriale” étaient Liège, Namur et Andenne.
Revenons aux résultats de l’étude “Pouvoirs locaux et open data” de FuturoCité: outre les 15 communes déclarant avoir constitué et publiés des jeux d’open data, 27 autres disposent certes de jeux de données ouvertes mais sans pour autant respecter tous les paramètres d’une gestion efficace et vertueuse des open data (données complètes, scrupuleusement mises à jour, accessibles à tous, directement exploitables par des systèmes et logiciels, créées en format ouvert).
Un quart des répondants déclarent que “l’open data ne fait pas partie” de leurs objectifs. Un autre quart est même totalement ignorant de cette thématique.
Il y a par ailleurs ceux qui y croient et qui s’y disent favorables (sans forcément se lancer effectivement) mais une frange d’entre eux rechignent encore, craignant soit une “perte de souveraineté” sur leurs données, des “critiques vis-à-vis de la stratégie communale”, ou encore des “reproches liés à l’utilisation de l’argent public”…
Conclusion des auteurs de l’étude: “une certaine culture de la donnée est en train de s’installer doucement dans les villes et communes wallonnes, même si cette progression est encore timide par endroits. Le plus souvent par absence de conscience politique, mais aussi par manque de moyens, humains et financiers, alloués à ce domaine.”
[…] “Le défi pour les mois et années à venir consistera à raccrocher les plus petites communes à ce train numérique, en les éveillant d’abord à cette culture et en les formant aux nouveaux outils ou en les accompagnant dans l’opérationnalisation de projets tels que la mise en production de l’Open Data dans leurs territoires ou la valorisation de leurs gisements de données pour augmenter l’efficience de leurs politiques publiques, ou pour améliorer l’expérience utilisateur des usagers de leurs territoires.”
En plus de ces commentaires de Nicolas Installé, directeur de FuturoCité, un autre levier d’action était souligné par Pascal Poty, directeur Prospective et Intelligence territoriale à l’AdN à l’occasion du récent salon Smart City Wallonia: il s’agit aussi de travailler davantage sur les shared data.
Echanger, mutualiser
La notion de “shared data” fait allusion aux pratiques de partage, de mise en commun, de mutualisation. L’un des axes sur lequel l’accent sera plus spécifiquement mis en Wallonie à l’avenir sera d’inciter les villes et communes pratiquant l’open data à faire en sorte que ces données et processus soient exploitables par d’autres. De même, l’intention est de favoriser davantage des efforts collectifs entre petites entités. A la fois pour leur faciliter la tâche, mettre leurs ressources en commun et donner plus d’impact à leurs projets et réalisations.
Un autre aspect des choses sera de faire prendre davantage conscience aux pouvoirs locaux des avantages potentiels qu’il y a pour eux – au-delà de l’exploitation de leurs propres données – de conjuguer ces dernières à celles d’acteurs privés. L’un des arguments et éléments mutilateurs peut en être l’effet démultiplicateur que le mariage de données venant du public et du privé peut avoir – à la fois pour les objectifs premiers des pouvoirs locaux et pour le développement territorial.
Lors du même salon Smart City Wallonia, la ville de Liège soulignait par exemple combien les partenariats établis avec des acteurs privés dans le domaine de la mobilité avaient été bénéfiques pour l’efficacité des solutions mises en oeuvre. Par exemple, pour la gestion de la mise à disposition de trottinettes électriques partagées. Le nombre de locations est en hausse sensible au niveau de la ville, laissant supposer un impact à la fois sur le désengorgement du centre et sur l’accessibilité ou la fréquentation des commerces locaux. Liège Métropole s’est d’ailleurs vue récompenser d’un “Grand Prix Territoire intelligent” par l’AdN pour son projet Mobility in Lège Métropole, en duo avec l’autre projet-phare de l’intercommunale SPI qu’est “Mind Your Territory”, un outil de surveillance et d’aide à la décision à destination des services municipaux (administration, tourisme, commerces…), basé lui aussi sur l’open data.
La “collusion” des données entre public et privé suppose bien entendu que les conditions de confiance nécessaires soient établies. Mais, toujours lors de ce salon Smart City Wallonia, plusieurs exemples de sources parfois inattendues de données et de partenariats ont été cités.
En voici un petit exemple… Dans le cadre d’un vaste et ambitieux projet de “jumeau numérique” de la ville, Amsterdam s’est tourné vers… un fabricant de pneus afin de pouvoir faire se matérialiser visuellement dans ce digital twin les données de freinage récoltées par les capteurs insérés systématiquement dans les pneus des voitures et véhicules.
L’objectif est ainsi de détecter et de documenter les endroits de la ville où des freinages brutaux, fréquents, illogiques… se produisent, laissant supposant des situations de danger ou inattendues. Cette cartographie visuelle peut alors être confrontée à celle des rues et artères et aux éléments de terrain: signalisation déficiente, chaussée dégradée, absence de panneau, zone à limitation de vitesse mal pensée, quartier hyper-fréquenté, etc. etc.
Méthodologie de l’enquête FuturoCité
Enquête réalisée entre fin mai et mi-juillet 2022.
96 communes wallonnes ont participé à l’enquête
Répartition:
– moins de 5.000 habitants: 15
– de 5 à 20.000 habitants: 59
– de 20 à 50.000 habitants: 14
– plus de 50.000: 8).
Plus de détails à propos du Baromètre “Pouvoirs locaux et open data” sur le site de FuturoCité.
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