Websie, l’une des six start-ups orientées e-santé que le dernier programme d’accélération MoveUp en date a accompagnés, a choisi le domaine de la santé mentale pour se positionner.
Sa solution, TheGoodPsy, est une plate-forme et, désormais également, une appli mobile qui permet aux patients de trouver, d’entrer en contact et de se faire accompagner par un psychologue ou un psychothérapeute, selon une démarche d’aide psychologique de premier niveau. Le but n’est pas de transposer totalement les séances dans un modèle de relation à distance, virtualisé. Mais plutôt de pallier à un manque de praticiens qui se traduit par de longs délais que ce soit avant le premier rendez-vous ou en termes de rythme de séances.
Les patients peuvent utiliser la solution pour de petites séances live en visio ou pour des contacts et un suivi en mode asynchrone (le psychothérapeute leur procurant réponses, conseils et exercices avec un léger décalage temporel).
Sélection amont et sélection aval
Pour garantir aux utilisateurs que les psychologues et psychothérapeutes avec lesquels ils sont mis en contact sont des professionnels sérieux, soumis au secret professionnel, qu’il ne s’agit pas d’étudiants en psycho ou de simples “coachs”, l’équipe de TheGoodPsy ne fait pas réellement passer l’équivalent d’entretiens d’embauche mais procède à une vérification via l’existence de diplômes et d’un numéro d’inscription auprès de la commission des psychologues de Belgique – ou, pour les psychothérapeutes français, qui constituent actuellement 70% des professionnels inscrits, leur numéro Adeli (acronyme de automatisation des listes), un répertoire national français recensant les professionnels de santé réglementés.
A noter ici au passage que la mise en relation patient-thérapeute se fait toujours sur base d’un critère territorial: un patient belge ne sera donc jamais télésuivi par un professionnel français… Essentiellement pour des questions de remboursement.
Une fois inscrits sur la plate-forme et avant d’être “activés”, les thérapeutes ont droit à une petite session de mise au point par un membre de l’équipe de TheGoodPsy. Cette session sert à expliquer aux psychothérapeutes candidats le fonctionnement de la plate-forme, les règles en vigueur, mais aussi à les classer dans une catégorie via description de leurs compétences, voire spécialisation – psychothérapie comportementale, analytique… – ou encore du type de démarche thérapeutique qu’ils privilégient. Ils ont ainsi droit à un profil agrémenté d’une petite vidéo de présentation de 30 secondes.
A partir de là, l’algorithme conçu par la start-up sélectionnera le ou les thérapeutes qui répondent le mieux au problème soumis par le patient, selon que ce dernier parle de problèmes d’anxiété, de couple…
Par la suite, le “succès” d’un thérapeute auprès de sa patientèle potentielle et son maintien sur la plate-forme dépendront en partie des avis que laisseront les patients. Non pas selon un système d’élimination sur base d’un score en étoiles qui serait trop bas et ne serait pas expliqué, mais sur base d’un suivi de réactions négatives de patients devenues trop nombreuses. “Les profils de thérapeutes sont désactivés si on enregistre un nombre élevé de retours et commentaires négatifs de la part des patients. Au minimum cinq. Ou si le thérapeute pèche trop par manque de sérieux, par exemple en “oubliant” des rendez-vous”, explique Martin Bragard, co-fondateur de la start-up bruxelloise.
Les commentaires ne sont pas réellement spontanés dans la mesure où la plate-forme et l’appli demandent systématiquement aux patients, après leur téléséance, de communiquer leur feedback via messagerie. Cet avis prend la forme d’une notation chiffrée, accompagnée potentiellement d’un commentaire expliquant la note attribuée. Environ 45% des patients se livrent à ce petit exercice…
Outre ces commentaires directs concernant les séances, TheGoodPsy a une autre source d’information sur la qualité, le sérieux ou le professionnalisme des psychothérapeutes qui exercent via sa plate-forme. Cette source est en effet plus épisodique mais qui peut être révélatrice. Le principe de la relation patient-thérapeute est celui d’une prise d’abonnement pour un suivi étalé dans le temps. “L’abonnement est automatiquement renouvelé”, explique Martin Bragard, “sauf mise en pause à l’initiative du thérapeute ou de l’abonné. La mise en pause s’accompagne obligatoirement d’une explication. Par exemple: le patient peut opérer en autonome pendant un certain temps, ayant reçu suffisamment d’exercices à faire pour progresser dans sa thérapie.” L’explication obligatoire est parfois l’occasion d’un commentaire par le patient, sur la manière dont il perçoit son psychothérapeute…
Des données sensibles à gérer avec précaution
Dès que l’on touche à la santé, y compris naturellement à la santé mentale, toute information concernant le patient devient sensible. Pour développer sa plate-forme et son appli, Websie a donc veillé à prendre les précautions qui s’imposent. On a déjà parlé de la vérification du profil professionnel des psychothérapeutes inscrits. Qu’en est-il des informations et données qui sont échangées entre patients et praticiens? Martin Bragard: “L’historique des échanges est conservé mais en respect des règles du RGPD. Les échanges se font par ailleurs via messagerie cryptée. Et seuls le psychothérapeute et le patient ont accès à cet historique. Sur l’appli, les données ne sont conservées que 90 jours.” Pas pour des raisons de protection de vie privée toutefois mais de manière nettement plus prosaïque pour limiter l’espace de stockage.
Quel est-il d’ailleurs? Le cloud et, sans doute un élément qu’il conviendrait d’améliorer, un cloud public. Amazon en l’occurrence. “Mais à Dublin, sur territoire européen”. C’est toujours ça…
Une appli qui va s’enrichir…
L’équipe de TheGoodPsy s’est concocté un agenda de fonctionnalités à ajouter à plus ou moins court terme à sa solution. “Le but est de faciliter au maximum la vie des patients et des psychothérapeutes. De nouvelles fonctionnalités seront ainsi rajoutées notamment pour enrichir la messagerie, pour y permettre d’y ajouter des notes prises par le psychothérapeute en cours de session, avec possibilité pour lui de sélectionner celles qu’il communique ou non. Le patient, lui, pourra noter ce qu’il a essentiellement retenu de la session.”
Martin Bragard (à dr. sur la photo aux côtés de Baptiste Michiels, co-fondateur): “Enrichir la solution pour en faire une solution la plus utile possible dans le quotidien des psychothérapeutes.”
Autres potentiels nouveaux: la constitution d’un dossier, la compilation des exercices donnés par le psy, des questionnaires à remplir (sur l’impact des exercices par exemple), une fonction de type tableau de bord pour le patient “où il pourrait noter son état d’esprit, le corréler avec des événements de son quotidien”…
Autres fonctionnalités davantage orientées gestion: des fonctions d’automatisation comptable pour les psychothérapeutes, une fonction d’envoi des revenus perçus via TheGoodPsy à leur comptable (pour rappel, la start-up leur verse leur “rémunération” tous les mois, sur base de leurs prestations, après prélèvement d’une commission).
Ces nouveaux développements devraient être financés par un tour de table que prépare la start-up d’ici la fin de l’année. De quoi compléter le petit capital constitué à ce jour, essentiellement sous forme de prêt convertible (un d’une hauteur de 100.000 euros obtenu auprès de Sambrinvest via le programme d’accélération MoveUp, et un autre de 50.000 euros).
Pour l’heure et dans un horizon à court et moyen terme, la solution TheGoodPsy n’existe encore qu’en français. “La solution évolue encore trop vite en termes de fonctionnalités, dont certaines sont finalement abandonnées, pour que nous puissions tout développer en double {Ndlr: en français et en néerlandais]. Mais une fois qu’elle sera stabilisée, l’intention est bel et bien de la proposer également en néerlandais.”
Dans un premier temps, dès lors, le marché visé sera la francophonie: Belgique francophone, France, Suisse, “sans oublier les expats de Londres ou de New York, qui seront très heureux de pouvoir s’adresser à un psychothérapeute parlant leur langue”.
Start-up cherche institutions intéressées
Ce qui fait l’une des particularités du programme d’accélération MoveUp de Digital Attraxion – la mise en relation entre start-up et “corp” (dans le secteur médical, un hôpital ou une association orientée santé) – n’a pas fonctionné pour TheGoodPsy. La start-up n’a en effet pas réussi à trouver un hôpital pour évaluer, valider voire faire évoluer sa solution pendant le programme. “Quand nous avons démarré le programme, nous ne proposions encore que l’option téléconsultation et notre démarche était encore peu mature en termes de thérapie asynchrone”, explique Martin Bragard.
“Les psychothérapeutes opérant en hôpital ayant déjà un horaire complet, cela ne pouvait pas les intéresser d’ajouter des téléconsultations en mode asynchrone. La proposition n’avait que peu de valeur ajoutée pour un hôpital.
Le temps est par contre désormais venu pour nous de recontacter les hôpitaux. Notamment parce que la crise a eu pour effet une surcharge de travail pour les psychothérapeutes. Avec un personnel hospitalier lui aussi débordé, en sous-effectif. Il n’a pas le temps à consacrer à des patients qui sont en inconfort mental, qui souffrent de fragilité mentale. Il n’est d’ailleurs pas formé à la santé mentale Or, si on n’aide pas ces patients maintenant, ils se retrouveront en psychiatrie dans deux ans. Notre solution de première prise en charge, à un stade préliminaire, peut s’avérer intéressante.” Sous-entendu, les hôpitaux pourraient proposer ce service supplémentaire à leurs patients habituels.
TheGoodPsy va donc reprendre contact avec les hôpitaux – belges dans un premier temps. “Ensuite, quand nous aurons accumulé un peu d’expérience dans ce registre, on se tournera sans doute aussi vers les hôpitaux français”. Pour rappel, environ 70% des télésessions de psychothérapie via TheGoodPsy concernent des utilisateurs français. Une prédominance française que la société explique par trois facteurs: la taille du marché français, une plus grande ouverture au concept de téléconsultation, en ce compris en santé mentale, et un plus grand nombre de… “déserts médicaux”.
En plus du secteur hospitalier, TheGoodPsy est en quête d’autres partenaires pouvant choisir sa solution pour en faire une offre ou un service supplémentaire. A l’image de son premier partenaire, français – une banque qui a trouvé intéressant de proposer à sa jeune clientèle (18-30 ans) trois consultations gratuites via l’appli TheGoodPsy. “C’est pour eux un moyen de renouer avec cette tranche de population.” Les consultations TheGoodPsy y côtoient par exemple des séances gratuites de conduite automobile ou d’aide à la rédaction d’un CV…
Quels autres prestataires TheGoodPsy tentera-t-elle de séduire? Des contacts avaient été tentés du côté des assureurs (belges) mais le principe du remboursement de téléconsultations doit encore évoluer avant que cette piste ne puisse réellement être exploitée. Autre possibilité: des gestionnaires de plates-formes orientées bien-être. Ou des entreprises qui cherchent à bâtir un portefeuille de services pour leurs employés. En mode EAP (employee assistant program). “Le fait de pouvoir ajouter une solution de thérapie asynchrone à leur catalogue, sans devoir la développer elles-mêmes, pourrait intéresser les grandes entreprises…”
Un complément
Si la solution est présentée comme permettant d’établir un premier contact et de fournir une aide de premier niveau (devant être, dans la plupart des cas, doublée d’un suivi psychothérapeutique plus traditionnel et régulier), TheGoodPsy fait également valoir son côté “complémentaire” pour les activités des psychologues et thérapeutes. “La demande que nous enregistrons de la part de ces professionnels émane essentiellement d’indépendants, de thérapeutes qui y voient une opportunité de prestations et de revenus complémentaires. L’appli de téléconsultation leur procure une flexibilité intéressante pour l’organisation de leur travail.”
Rappelons en effet que les interactions proposées sont de plusieurs types: messages audio, session “’live” en visuel mais aussi messagerie textuelle. Ce dernier mode, asynchrone, permet au patient de laisser un message au thérapeute qu’il a choisi et d’obtenir une réponse par la même voie, le jour-même. “Cinq ou dix petites minutes suffisent au thérapeute pour répondre”. Créneau qu’il peut organiser comme il l’entend, mais en garantissant une réponse au minimum une fois par jour.
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