La chose n’est pas encore possible mais des pistes de solutions sont à l’étude, voire en passe d’être développées. Dans notre pays (comme dans d’autres), c’est le patient qui est “propriétaire” de ses données de santé. Encore faut-il qu’il y accède et puisse en disposer. Du moins dans certaines circonstances. Par exemple, s’il déménage à l’étranger.
Des solutions de stockage et de mise à jour du dossier médical par le patient ont commencé à voir le jour. Telle celle imaginée par Andaman7. D’autres pistes sont à l’étude (et en discussions) au niveau européen pour autoriser l’“itinérance” des dossiers, pour gommer les frontières et permettre un accès par-delà ces limites territoriales. Nous vous avons par exemple présenté récemment le projet européen InteropEHRate.
Un autre projet, belge, a vu récemment le jour, porté par trois personnes ayant, depuis quelque temps déjà, fréquenté les milieux médicaux (ou les couloirs des autorités fédérales chargées d’orienter la santé publique). A savoir: Vincent Dupont, ancien coordinateur national du projet MaSanté, Etienne Maeriën, ancien conseiller en matière de santé eHealth auprès de Maggie De Block pendant trois ans, et Johan Uvin, fondateur de PraktijkCoach et de CareCoach, deux solutions destinées aux médecins généralistes.
Nom de la solution qu’ils ont dévoilée au début de l’été: PatientSupportR.
Le principe: donner la possibilité à un Belge allant s’établir à l’étranger (ou y résider pour une période assez longue) d’emmener avec lui son Sumehr (dossier santé résumé) ou d’ailleurs son dossier complet tel que constitué par son médecin traitant (hormis les notes personnelles prises par ledit médecin), et ce, afin de le confier au futur médecin traitant auquel il fera appel.
Une clé sécurisée
La difficulté, dès que l’on passe une frontière, est la diversité des législations (ce qui est ou non autorisé en termes de disponibilité des données de santé, par exemple), des formats de données dans lesquels ces données sont consignées dans les dossiers médicaux, ou encore des principes qui dictent la manière dont une personne – qu’elle soit patient ou professionnel de santé – peut ou doit prouver, quand elle accède par exemple à un service en-ligne, qu’elle est bien celle qu’elle prétend être.
Une autre difficulté majeure tient au caractère intrinsèquement sensible des données de santé, à la nécessaire sécurisation et limitation des accès et au tout aussi indispensable respect de la vie privée.
Le trio à l’origine de PatientSupportR a dès lors imaginé un dispositif qui limite le plus possible la “transhumance” incontrôlée des données tout en permettant une continuité dans le suivi des soins, en ce compris quand on déménage à l’étranger.
La solution? La possibilité pour le patient de demander à son actuel médecin traitant (belge) de transférer son dossier sur la clé USB personnelle qu’il lui présentera pour l’occasion. Une clé sécurisée via inclusion d’un système de chiffrement. La clé comporte un logiciel qui gère et contrôle une connexion vers un espace cloud. Sur ce “cloud”, pas question de stocker des données médicales. Il donne uniquement accès à des mécanismes logiciels qui serviront à authentifier le détenteur de la clé USB ainsi que le destinataire médical.
En effet, via connexion à ce cloud, la clé déclenche un processus d’authentification par envoi de messages SMS (destinataires: à la fois le patient et le médecin). Les codes permettent de déverrouiller la clé pour y recevoir le fichier contenant le dossier.
Marché potentiel de la solution PatientSupportR? Etienne Maeriën: “En Europe, 3 millions de personnes déménagent chaque année vers un autre pays.”
La vérification d’identité du patient se fait en parallèle via vérification de son numéro de registre national. Condition sine qua non avant l’envoi de tout code SMS.
Le même processus sera utilisé dans le pays de destination pour l’opération inverse (transfert du dossier Sumehr vers le nouveau médecin traitant).
Les processus logiciels qui sont à l’œuvre entre la clé et le cloud PatientSupportR ont une autre finalité – fondamentale: convertir les formats de données, différents selon les pays.
Un premier exemple en est donné par les deux premiers pays-cible que vise, à ses débuts, la solution PatientSupportR. A savoir: la Belgique et les Pays-Bas.
En Belgique, l’opération de transfert du dossier médical (de l’ordinateur du médecin vers la clé USB cryptée du patient) se fait via PMF (patient migration format), un format basé sur XML. Aux Pays-Bas, le format usuel s’appelle MedOVD (medische overdracht), basé sur… EDI. Outre-Moerdijk, une évolution est toutefois en cours vers le format ZIB (zorginformatiebouwstenen), basé sur la norme FHIR (Fast Healthcare Interoperability Resources).
Pour résoudre cette petite tour de Babel médicale, le dispositif PatientSupportR passe par un intermédiaire commun: FHIR. Le parcours des données est donc le suivant pour une expatriation vers les Pays-Bas: logiciel du médecin – PMF – couche FHIR – format hollandais.
Reste à surmonter deux autres obstacles. D’une part, les particularités nationales d’encodage de thérapies (PatientSupportR s’appuie ici sur la norme ICPC-2 – International Classification of Primary Care) et les différences de dénomination des médicaments (“en stockant également les composants d’un médicament, une correspondance peut être établie”).
D’autre part, l’écueil de la langue. En effet, au-delà de la codification des pathologies et autres médicaments, le dossier médical résumé contient également des notes en texte libre, des lettres de sortie et autres portions de texte. Pour surmonter cet obstacle linguistique, l’équipe PatientSupportR a conçu un Viewer qui permet d’envoyer directement le texte pour traduction vers… Deepl. Un type de contenu, toutefois, ne pourra pas être traduit par cette voie: en l’occurrence, les documents en Pdf qui auraient été créés via scanning plutôt que par un processus de conversion à partir d’un texte.
Pour l’instant, la solution PatientSupportR n’en est encore que dans les starting blocks. “La solution est un prototype MVP qui doit encore évoluer”, reconnaît Vincent Dupont. Mais il est malgré tout d’ores et déjà possible de commander une clé sécurisée via le site du projet.
Pour ses débuts, la solution ne permettra donc une conversion de données que si l’on déménage vers les Pays-Bas. “Nous espérons vendre de 500 à 1.000 clés USB sécurisées d’ici la fin de l’année”.
D’autres pays sont toutefois déjà en ligne de mire. A commencer par le Grand-Duché de Luxembourg (“dès que possible”) et la France, à suivre sans doute par l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. Tout dépendra de l’accueil que les associations de médecins ou encore les mutuelles réserveront à l’équipe…
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