Avec Doktr, Proximus pose un pied en… télémédecine

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Par · 21/05/2021

En juin, Proximus lancera sur le marché un nouveau service: de la téléconsultation pour des entretiens vidéo, virtuels, entre un médecin généraliste et un patient. La solution prend la forme d’une appli (version patient, et version professionnel de santé), disponible pour iOS et Android, et d’une fonctionnalité de type appariement qui, en coulisses, met les deux parties en relation.

Nom de baptême: Doktr.

Sélection en amont

Dans un premier temps, le service ne sera activé que pendant la journée, en semaine, et uniquement entre 9 heures et 18 heures. Sans doute pour permettre à Proximus de “recruter” suffisamment de généralistes (autrement dit, en convaincre suffisamment de s’inscrire sur la plate-forme) et de doser efficacement l’offre pour répondre à la demande…  (voir notre encadré en fin d’article au sujet de l’accueil réservé à la vidéoconsultation médicale, en 2020, pendant la première période de confinement)

Proximus ne livre pas de chiffres à l’heure actuelle mais espère que “quelques dizaines de médecins devraient être a bord lors du lancement de l’appli. Notre challenge sera de surveiller de très près afin d’aligner parfaitement le nombre de demandes avec le nombre de médecins”.

Des médecins qui sont donc invités à se manifester auprès de l’opérateur pour faire acte de candidature.

“Ils auront alors droit à une réunion d’introduction avec notre responsable médical, et, en cas de réponse positive, il y aura un suivi avec plusieurs séances de formation.”

Comment ça marche?

Le patient qui désire obtenir une téléconsultation commence par sélectionner les symptômes dont il souffre parmi la liste pré-encodée dans l’appli Doktr et explique plus avant son problème via le chat. 

Un matching s’effectue alors en coulisses. Un médecin prend connaissance des données encodées par le patient et initie le contact. A noter que le patient (quelles que soient ses raisons) a la possibilité de refuser de dialoguer avec le médecin qui se propose ainsi. Auquel cas, le patient est replacé dans la “liste d’attente” jusqu’à ce que le médecin disponible suivant prenne contact avec lui.

Lors de la mise en contact, le patient donne son consentement d’accès à son Sumehr (dossier médical résumé) afin que le médecin puisse mieux comprendre sa situation ou ses antécédents.

Une clause dans la charte (“Livre des routines”) que signera tout médecin voulant effectuer des vidéoconsultations via l’appli Doktr précise que “les médecins s’engagent à ne pas prescrire de médicaments pouvant entraîner une dépendance ou nécessiter un suivi médical intensif.”
Cette “charte” fait office de “ligne directrice”. “Outre un certain nombre de principes médicaux, elle contient un certain nombre de conseils du genre plutôt pratiques (technique, éclairage pour une vidéoconsultation efficace…) et de communication. Les médecins sont bien sûr toujours libres de faire les choix médicaux qu’ils jugent nécessaires. Nous n’intervenons pas dans ce domaine.”
Les médecins bénéficient donc d’une formation et de conseils pratiques pour les familiariser à la “technique” de vidéocopnsultation: “Nous proposons un renforcement des compétences numériques dans le cadre de l’ionboarding et nous fournirons des mises à jour régulières de la formation en cours de route. Exemples: partage de la vision et de la stratégie globales, formation sur les outils et le système, jeux de rôle pour exercer les compétences de communication numérique.
Les médecins seront invités à travailler en respectant les dispositions du “Livre des routines” et auront également la possibilité d’y contribuer…”

A l’issue de la téléconsultation, le médecin fournit au patient un résumé de leur échange, et procure (ou non) une ordonnance ou prescription (voir encadré ci-contre). La décision que prendra le médecin pourra tout aussi bien être un conseil ou une réorientation pour un rendez-vous classique, au cabinet de son médecin traitant, ou chez un spécialiste.

Pendant 48 heures, après la téléconsultation, le patient peut retrouver toutes les informations (et l’éventuelle prescription) dans le volet chat de l’appli. Passé ce délai, les données seront supprimées et ne demeureront donc stockées nulle part. Pour des raisons de confidentialité et de respect de la vie privée.

Toutefois, pour assurer la continuité de soins et une gestion efficace du dossier du patient, le médecin téléconsultant enverra, avec le consentement du patient, l’information utile au docteur traitant de ce dernier. 

Entre autres fonctionnalités, l’application Doktr renseignera le patient sur la longueur éventuelle de la file d’attente, et génèrera l’ordonnance mais aussi l’attestation de soins donnés (envoyée électroniquement vers la mutuelle – les Mutualités (chrétiennes, socialistes et libres) ont, semble-t-il, décidé de “supporter” l’appli – voir en fin d’article). Doktr inclura également un module de paiement en-ligne.

D’après les éléments qu’a révélés Proximus, l’appli Doktr (inspirée de la solution suédoise doktor.se) héritera progressivement de fonctionnalités. Dans sa première version (lancement en juin), seuls des médecins généralistes ‘qualifiés” pourront intervenir, pour “des soins primaires”.

Par la suite, le contenu sera adapté de telle sorte à ouvrir le service à des spécialistes, à des acteurs paramédicaux, aux services de garde. Côté patients, l’évolution fonctionnelle de la solution a pour objectif d’autoriser à terme le suivi des malades chroniques ou encore des actions et campagnes de prévention. 

Du “matching” selon la disponibilité du médecin

Pour l’instant, mais qui peut présumer des fonctionnalités et évolutions futures?, l’appli Doktr vise à proposer au patient un médecin sur la seule base de sa disponibilité horaire. Il n’y a donc pas d’analyse de “profil” – par exemple un médecin généraliste qui serait plus particulièrement spécialisé en pédiatrie ou gériatrie – ou de sélection sur base du type de maladie ou de symptôme indiqué par le patient (cela viendra nécessairement lorsque l’appli s’ouvrira aux spécialistes).

Pour l’heure donc, l’appli pioche parmi les médecins généralistes disponibles pour initier la mise en contact. Explication de Proximus: “Les médecins se voient attribuer des créneaux horaires fixes dans notre planning hebdomadaire, pendant lesquels ils travaillent sur notre plate-forme. Pendant ces créneaux horaires, nous leur envoyons un flux de patients entrants. En dehors de ces créneaux horaires, ils ne seront pas dérangés.”

 

Proximus: “Les médecins disponibles dans le cadre de ce service sont tous des professionnels agréés par l’INAMI. Ils sont habilités à délivrer des ordonnances, mais s’engagent à ne pas prescrire de médicaments pouvant entraîner une dépendance ou nécessiter un suivi médical intensif.”

Sécuriser les échanges

On l’a vu, aucune trace de la téléconsultation ne sera gardée, par le médecin intervenu en téléconsultation ou par Proximus. Promis, juré. Pour sécuriser les échanges, plusieurs mécanismes ont en outre été imaginés.

Médecin téléconsultant et patient s’authentifient via l’appli Itsme. Tous les échanges de données sont par ailleurs chiffrés.

Pour ce qui est de l’efficacité de la session entre patient et médecin, Proximus affirme qu’une bonne connexion WiFi 4G garantira une qualité normale. Sans hiatus.” Evidemment, on connaît les problèmes de bande passante dans certaines régions, voire certains quartiers. Dès lors… “en cas de coupure de la vidéo, la téléconsultation se poursuivra en mode vocal et via le chat”.

Dans l’air du temps

Après des initiatives dans le domaine des entreprises, de l’enseignement ou encore de services bancaires, voilà donc Proximus qui fait son entrée sur le terrain des soins de santé.

L’opérateur y voit une occasion unique de se différencier, de proposer une nouvelle occasion à sa clientèle de faire appel à ses services, mais aussi – et ce fut largement souligné par Guillaume Boutin, son directeur général – de se positionner face aux “plates-formes dérégulées” (tout le monde aura compris à qui il est fait allusion) et aux futurs acteurs éventuels “moins bien intentionnés” et moins regardants en termes d’exploitation de données sensibles.

“Le Covid a encore accentué une tendance de fond”, déclarait en substance Guillaume Boutin. “C’en est fini de l’Internet impersonnel, des solutions globales sans lien direct avec le local. On voit se multiplier les réactions de la part d’acteurs technologiques européens. L’Europe donne une nouvelle impulsion, en ce compris en proposant un nouveau cadre réglementaire. On avance dans le bon sens”. Celui notamment, selon lui, de la souveraineté des données, d’un virage vers les marques locales “qui inspirent confiance”.

Proximus justifie donc en partie son initiative par la tendance pan-européenne à “reprendre en mains les services numériques”, à “créer une alternative aux grandes plates-formes internationales”. “Il y a là”, soulignait encore le directeur général de Proximus, “une opportunité inédite de développement pour les trois à cinq prochaine années”.

Proximus n’est évidemment pas le premier – ni le dernier – à se positionner sur le terrain de la télémédecine, ou de la télé/vidéoconsultation. Plusieurs applis et acteurs privés, start-ups ou non, ont réagi, en 2020, à la situation sanitaire en ajoutant des fonctionnalités vidéo à leur catalogue existant. L’argument que tente de faire jouer Proximus est son empreinte existante sur le marché et aussi – voire surtout – celui d’une concertation, voire collaboration étroite, avec les acteurs traditionnels de l’“écosystème” de santé belge. Notamment les mutualités. Voilà pourquoi, lors de l’annonce, Guillaume Boutin a souligné, à diverses reprises, que Doktr était conçu dans un esprit de “co-création” et de concertation avec les associations de médecins (l’Absym a levé le pouce en signe d’assentiment), les autorités fédérales (voire régionales) ou encore les mutualités. Un soutien est acquis, selon lui, du côté des mutualités chrétiennes, socialistes et libres. Avec la “possibilité”, pour les deux premières, d’“une collaboration plus stratégique”. A suivre…

Une vidéo-consultation encore très marginale

On dispose de très peu d’informations chiffrées sur le recours à la vidéo-consultation en Belgique. Citons toutefois les résultats d’une enquête menée, l’année dernière, par l’Institut Solidaris sur le recours aux téléconsultations (et notamment, mais minoritairement, via vidéo).

L’enquête, d’une durée de 12 semaines (six avant et six après la première période de confinement – 18 mars-5 mai 2020), a été menée auprès de 5.774 affiliés de Solidaris (mutualité socialiste) qui répondaient au profil de “patients souffrant de pathologies chroniques courantes – diabète, maladies respiratoires ou cardiovasculaires, hypertension, dépression).

Intitulée “Suivi des soins chez les malades chroniques durant la crise sanitaire”, l’étude avait révélé que le téléphone était largement demeuré le canal utilisé pour la téléconsultation, purement vocale donc. Pas moins d’un tiers des consultations des patients chroniques se sont déroulées à distance via ce canal.

Proximus n’est pas le seul à s’être lancé sur le terrain de la consultation. Le Covid étant passé par là, les solutions se sont et continueront sans doute de se multiplier…

Sur l’échantillon de référence, le recours à la vidéo-consultation a présenté des taux assez variables selon les pathologies et/ou spécialisations médicales concernées. Le suivi psychiatrique a davantage été assuré par ce biais:
– psychiatres: 13,9%
– gastro-entérologues: 6,3%
– rhumatologues: 5%.
Très loin derrière les consultations par téléphone dont les pourcentages, pendant le premier confinement, étaient respectivement de 43,3%, 30% et 21,9% auprès de ces trois professions.

Pour les autres professions (cardiologues, dermatologues, gynécologues, neurologues…), la vidéo-consultation ne dépassait pas 1% des consultations. Et la situation était sensiblement la même du côté des cabinets des généralistes: sur l’échantillon sélectionné pour son enquête, Solidaris n’a relevé que 1,4% de vidéo-consultations chez ces praticiens (contre 35% pour les consultations par téléphone).

Autre enseignement tiré de l’enquête Solidaris: à partir du moment où le déconfinement progressif a été annoncé, la part des téléconsultations, que ce soit par téléphone ou par vidéo, a reculé d’environ 50% par rapport à la période de confinement strict. Toutes professions confondues, les pourcentages sont passés de 29,1% à 12,4% pour les consultations par téléphone et de 2,5% à 1,4% pour les vidéo-consultations.  [ Retour au texte ]