Voici quelques mois, en raison des contraintes de confinement et de fermeture des écoles qu’a provoquées la crise du Covid-19, les autorités régionales et communautaires ont pris le taureau par les cornes pour libérer de nouveaux moyens ou réfléchir à un nouveau cadre d’équipement informatique des écoles, des enseignants et des élèves.
Nous avions abordé ce sujet dans le cadre d’un dossier récent que vous retrouverez ici.
Reste à assurer le support tant fonctionnel, technique que pédagogique de cette manière nouvelle d’assurer la formation. Le distanciel impose en effet des moyens (matériels, logiciels, communications) sensiblement révisés et réorganisés, suppose la mise à disposition de ressources en mode égalitaire, ne laissant si possible aucun apprenant en rade sur le bord du chemin. Et c’est là que le bât blesse et qu’un pan du raisonnement n’a pas été abordé. C’est en tout cas le signal de détresse que lance la fédération des “coordinateurs ICT” scolaires en Fédération Wallonie-Bruxelles (FICT). Une “fédération” encore très informelle et peu structurée. “Depuis environ quatre ans”, explique Eric Pesser, l’un des principaux animateurs de ce qui a démarré sous forme de groupe Facebook, “nous tentons d’échanger et de réfléchir tous ensemble aux problématiques qui se posent à nous. Le simple fait d’ailleurs qu’il n’existe ni statut, ni description de fonctions, nous complique la tâche pour simplement nous compter ou savoir qui contacter dans les différents établissements scolaires…”
“Personne-ressource”
Le terme de “personne-ressource” est très générique, voire ”fourre-tout”. Il désigne un membre du personnel enseignant qui, selon la notion développée lors de l’arrivée des premiers centres CyberMédias (en 1996), a été formé à la gestion d’un serveur informatique, à la mise à jour des terminaux, à la bonne gestion du réseau, à la planification des interventions de réparations, à la création et gestion des identifiants pour les élèves et membres du personnel. Cette “personne ressource” exerce notamment des compétences de technicien informatique de première ligne.
Source: Livre blanc de la FICT.
Les “personnes ressource” comme on les appelle (voir encadré ci-contre) sont, dans la toute grande majorité des cas, de “simples” enseignants qui, en plus de leurs tâches éducatives habituelles, parce que ce sont des passionnés ou des débrouillards informatiques (parfois même, malgré tout, de frais techniciens), se chargent de veiller au fonctionnement des serveurs, des PC, des réseaux, des tableaux blancs interactifs et tutti quanti.
Sans statut clair et distinct, sans réelle description de tâches, sans moyens clairement balisés.
La notion-même, la réalité quotidienne, de ces “personnes-ressources” a d’ailleurs pris de l’âge et est devenue encore plus obsolète, ou décalée par rapport à la réalité de terrain, lors du basculement forcé dans le distanciel provoqué par le Covid-19. Même si l’on parvient finalement à clore le chapitre actuel de la pandémie et des contraintes de distanciation, il y a de fortes chances que l’enseignement adoptera une démarche plus hybride à l’avenir, mêlant une dose accrue de distanciel dans les pratiques pédagogiques. Les nouvelles dimensions prises par les conditions d’exercice de la fonction de “personne-ressource” resteront donc d’actualité.
“Le concept “fourre-tout” de personne-ressource n’a gêné personne durant de nombreuses années car les établissements qui disposaient de ce type de profil ont de cette manière pu les utiliser à bon escient”, lit-on dans le document publié par la FICT. “A cette époque [et rappelons que le concept est né en… 1996], le nombre d’équipements informatiques, souvent non intégrés à un réseau et non reliés à Internet, était fort limité tout comme le nombre d’utilisateurs.
Les temps ont bien changé depuis lors et la “personne-ressource” actuelle se voit confier une plus large palette de problématiques, un parc de matériel bien plus large et un nombre d’utilisateurs qui lui aussi a littéralement explosé au moment de la crise sanitaire mais également depuis l’arrivée du RGPD et des règles de protection des données personnelles.”
Vers un statut de “coordinateur ICT”
La FICT demande donc une avancée dans la définition du rôle ou, plus exactement, la création d’un statut de “coordinateur ICT” (school ICT administrator, en anglais), à l’exemple de ce qui a déjà été scénarisé en Flandre (le processus de mise en application est en cours).
Le but est à la fois de mieux documenter les besoins en compétences, de pouvoir lancer des recherches de candidats avec une description de fonctions la plus claire possible, mais aussi de sécuriser le parcours professionnel de ces personnes qui, sans statut et sur base volontaire, n’ont aucune garantie d’être maintenues dans leurs fonctions. De même, l’école n’a aucune garantie de pérennité de support dans la mesure où un professeur “décrochant” de son rôle de personne-ressource laisse inévitablement un vide. Et la personne qui prendrait le relais ne dispose que rarement du même niveau de compétences ou des mêmes talents que son prédécesseur…
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis l’époque CyberClasse quand le catalogue de tâches était pour le moins différent…
Un statut clair et une description de fonctions (même déclinée en plusieurs niveaux) pourrait par ailleurs inciter davantage d’enseignants, de pédagogues voire de personnes extérieures au monde de l’enseignement à postuler pour ce poste et/ou à se lancer dans des formations adéquates, adaptées au contexte éducatif.
Le rôle de “coordinateur ICT”, spécifiquement technique, viendrait s’ajouter et compléter celui de “Délégué-Référent au numérique”, dont le profil est évoqué dans le Pacte d’excellence et qui est chargé, après formation ad hoc, de “diffuser l’expertise numérique dans son établissement et d’établir un cadre collectif pour les projets numériques”.
“On peut imaginer qu’une seule et même personne cumule les deux rôles mais ce n’est pas une obligation”, souligne Eric Pesser.
Six demandes immédiates
La FICT formule six demandes spécifiques et précises à destination des autorités – autorités qui, déplore la fédération, n’ont pas tendu une oreille attentive à leurs appels jusqu’à ce jour et/ou ne comprennent pas correctement la nature du problème et des défis rencontrés. La seule réaction auxquels les membres actifs de la FICT ont reçu de la part de la ministre chargée de l’Education est venue sous forme de réponse à une question parlementaire “et était clairement insuffisante. On renvoyait par exemple à l’existence de l’équipe “AMI” (assistants à la maintenance informatique) – en tout et pour tout huit personnes, dans le cadre des projets wallons d’Ecole numérique, et ce, pour l’ensemble du territoire. Même en y ajoutant les 12 conseillers Ecole numérique, on est loin du compte. Sans compter que leur champ d’action est (en principe) strictement limité aux appels à projets Ecole numérique et qu’ils sont, au mieux, une équipe volante, loin d’une notion de proximité et de haute disponibilité.
La première demande de la FICT concerne donc tout simplement une rencontre avec la Ministre chargée de l’Education (Caroline Désir) afin de lui expliquer la réalité de terrain. Plus fondamentalement, leur attente porte sur la définition d’un profil de fonction et d’un statut.
Troisième demande: l’allocation d’un nombre d’heures (dans le quota NTPP – Nombre Total de Périodes Professeurs), afin d’éviter d’encore devoir “mettre en balance les heures consacrées à la technique avec des heures destinées à organiser les cours”. Le livre blanc de la FICT pointe vers la solution flamande qui consiste en un “système de points donnant droit à une fraction de ce type de personnel. Les établissements peuvent ensuite mutualiser leurs moyens pour engager du personnel.”
Ce principe de “mutualisation” est au coeur de la quatrième demande. A savoir: “réfléchir à un partage de ces ressources rares [coordinateurs ICT] entre écoles, entre plus grosses et plus petites implantations”. ”Une petite école primaire peut gagner beaucoup en déléguant les tâches IT à une Personne-Ressource d’une école plus conséquente et proche. Les outils en ligne permettent une assistance à distance, la proximité géographique permettrait une intervention sur site rapide.”
Gros point dans la liste des désidératas, indispensables pour tout bon fonctionnement: la formation des personnes-ressources ou coordinateurs ICT. La FIT milite en l’occurrence pour une “professionnalisation” de ces profils, avec, une fois encore, une mutualisation des connaissances et des compétences – chaque personne ne devant pas nécessairement disposer de la totalité des compétences nécessaires mais pouvant mettre son temps et ses compétences à disposition d’autres établissements, en croisant ainsi compétences et besoins. “Toutes les écoles n’ont pas besoin de toutes les compétences de pointe. A ce titre, une bonne collaboration entre membres du personnel des différents établissements serait bénéfique à l’ensemble des établissements de Fédération Wallonie-Bruxelles”.
Il est vrai que la liste des compétences est potentiellement longue et variée. Il faudrait donc prévoir suffisamment de formations pour y répondre: configuration de serveurs et de réseaux, connectique, sécurité IT, gestion de parcs informatiques (en ce compris mobiles)…
De quoi couvrir toutes les cases ou tous les branchements de la carte de compétences dressée par la FICT.
Enfin, dernière demande, elle aussi liée aux compétences: “Organiser un module de formation de base à l’outil numérique pour l’ensemble des membres du personnel [enseignant] afin de les rendre plus autonomes et permettre aux délégués-référents numériques ou aux coordinateurs ICT de se concentrer sur des actions plus collectives.”
A suivre dans un prochain article: une interview avec Eric Pesser, animateur de la FICT, lui-même “personne-ressource” à l’établissement d’enseignement secondaire spécialisé Le Chêneux à Amay.
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