Une start-up (que ce soit dans le domaine des technos numériques ou dans d’autres), c’est d’abord une idée, petite ou grande. Un “concept” encore mal dégrossi. Deux acteurs viennent de décider de se positionner sur ce jalon précoce du parcours d’une (possible) société pour procurer aux “idéateurs” une source de financement, en pre-seed.
Make It, startup studio et incubateur wallo-bruxellois, et le réseau francophone de business angels francophone BeAngels, font cause commune pour lancer Make it Capital I, une “structure d’investissement entièrement dédiée au financement des idées dans le domaine de la tech”.
Des moyens financiers ne seront pas les seuls que Make it Capital I allouera puisque des “ressources techniques” seront également mises à disposition des porteurs de projet.
C’est en fait ce que fait déjà le “startup studio” Make It mais en devant limiter le nombre de dossiers dans lesquels il investit et s’investit. L’alliance passée avec BeAngels permet donc en réalité de décupler le potentiel d’intervention. Le pari semble risqué, tout dépendant de la facilité avec laquelle les business angels et autres investisseurs accepteront de miser sur des idées qui sont encore loin d’avoir fait leurs preuves, voire même d’avoir simplement validé la “traction” du marché ou d’avoir clairement identifié leur cible et futur terrain d’action.
Claire Munck (BeAngels): “Il y a plus d’argent disponible que de bons projets, cela a pour conséquence une hausse des “prix” qui rend ces projets moins attractifs pour les investisseurs.”
Du côté de BeAngels, on avance toutefois un autre argument: “Beaucoup d’investisseurs et et de business angels sont frustrés de ne pas rencontrer suffisamment de start-ups tech de qualité dans lesquelles investir. Et comme il y a plus d’argent disponible que de bons projets, cela a pour conséquence une hausse des “prix” qui rend ces projets moins attractifs pour ces derniers.”
Autrement dit: en finançant davantage les idées non encore dégrossies mais potentiellement intéressantes et à haute valeur finale ajoutée, on pourrait améliorer le degré qualitatif intrinsèque des projets et faire émerger davantage de jeunes pousses pouvant se transformer en réelles pépites. Ce dont la Belgique (surtout francophone) manque en effet cruellement, en comparaison d’autres régions et pays. Même si – et cette restriction est importante – les projets qui seront sélectionnés doivent démontrer (ou laisser deviner) une mise sur le marché rapide, ce qui exclut dès lors des projets de type deep tech, ce dont le marché local, justement, manque cruellement (voir ci-dessous au sujet des critères de sélection)
Dix projets pour commencer
Pour ses débuts en mode “pilote” – principe du lean et du “try and fail fast” -, Make it Capital I pré-sélectionnera et supportera dix projets, venus des quatre coins de la Belgique. Trois projets ont déjà été sélectionnés. L’appel à candidatures, lui, est lancé. Les porteurs de projet intéressés peuvent poser leur candidature via la plate-forme prévue à cet effet.
Qui passera les projets candidats en revue et sélectionnera les “dix heureux”? C’est Make It qui est à la manoeuvre, “sans accord préalable des investisseurs”, souligne Margaux Evenepoel, porte-parole de BeAngels. Make It peut évidemment demander à consulter les investisseurs sur certains projets, notamment pour savoir si certains d’entre eux ont des expertises qui peuvent aider pour le projet, mais leur avis n’est que consultatif. L’objectif est de créer un processus qui ait un minimum de friction en vue d’accélérer le processus de levée de fonds.”
Certains sujets ou thèmes, voire technologies, pourraient-ils retenir plus particulièrement l’attention du “jury”? Et, d’une manière générale, Make It Capital I a-t-il une quelconque prédilection pour certains domaines high-tech? La réponse est négative: “Il n’y a pas de secteur ou de thématique qui soient privilégiés. Nous estimons qu’au stade de l’idée, c’est la capacité à transformer une idée en un business qui génère des revenus qui est l’élément-clé.
Les compétences spécifiques aux domaines dans lesquels seront actives les start-ups sélectionnées seront recrutées par la suite [par Make It]. Pour être plus précis, nos critères de sélection sont les suivants:
– projet ayant une composante numérique, que ce soit dans le produit en tant que tel ou dans la manière dont il est distribué
– go-to-market de maximum 6 mois – nous ne visons donc pas de projets deep tech ou biotech pour le moment
– projet qui soit « market-driven », autrement dit qui émane d’un problème rencontré sur le marché, et non pas « product-driven », c’est-à-dire basé sur une technologie innovante pour laquelle il faut encore trouver une application sur le marché
– modèle économique “scalable”
– marché qui ait un potentiel international.”
Quatre mois pour convaincre
Chaque projet retenu bénéficiera d’une mise de fonds de 20.000 euros, selon un des principes-clé de ce nouvel acteur, à savoir la possibilité de miser, au départ, de plus petits “tickets” mais dans un nombre potentiellement plus élevé de start-ups, et en ayant la possibilité de réinvestir plus, lors des étapes suivantes, en bénéficiant de conditions avantageuses.
Voilà pour le volet financier. Côté apport de ressources techniques, c’est en effet le startup studio Make It qui jouera son rôle habituel, c’est-à-dire hébergement dans ses locaux et accès aux conseils, expertises et support concret de ses équipes, sur des questions et problématiques touchant à l’entrepreneuriat, à la conception de produits et de fonctionnalités, de développement d’applications mobile et Internet, de marketing numérique…
Bryan Bogdanic (Make It): “Investir dans des start-ups dès le stade de l’idée laisse espérer un retour sur investissement plus élevé qu’en investissant à des stades plus avancés.”
A noter ici au passage que Make It Capital I ne rejette pas forcément des collaborations ou implications d’autres structures d’incubation ou d’accompagnement (après tout, certains projets pourraient avoir l’intention de s’y arrimer). Le message passé est donc qu’“ n’y a pas d’exclusivité prévue [de la part du studio Make It]”. Chez BeAngels, on ajoute même: “nous serions ravis de collaborer sur des projets faisant partie d’autres structures d’accompagnement.
Par contre, dans l’intérêt du porteur de projet et de la “cap table” (1) de la start-up, il vaut mieux que ces autres structures ne prennent pas d’equity dans la start-up en échange de leur accompagnement.”
Si tout se passe bien, la phase d’incubation de quatre mois, au sein du “studio” Make It, permettra d’amener les projets au stade du pre-seed, avec présentation aux investisseurs potentiels de BeAngels (investisseurs directs, structures et fonds d’investissement).
Dernière info: ce fonds d’un nouveau genre (ou finalité) bénéficie d’un “pot” de 200.000 euros, apporté par divers investisseurs privés, parmi lesquels figurent notamment François van Uffelen, fondateur et ancien patron de Babelway, devenu business angel et conseiller pour start-ups, et Yves Caprara, précédemment directeur général de Prayon qui se positionne désormais comme “conseiller en stratégies durables”.
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(1) Une “cap table” est la version abrégé de “table de capitalisation”, autrement dit “un tableau fournissant une analyse des pourcentages de propriété, de dilution des capitaux propres et de la valeur des capitaux propres d’une entreprise à chaque cycle d’investissement par les fondateurs, les investisseurs et d’autres propriétaires.”
Selon BeAngels, dans le cas qui nous occupe, “pour qu’une start-up soit intéressante pour des investisseurs à des stades plus avancés, il faut que la cap table soit « propre », autrement dit il ne faut pas qu’il y ait trop d’acteurs qui, à un moment donné, deviennent passifs et ne participent pas à l’évolution de la start-up.”
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