Un nouvel acteur en Intelligence Artificielle est en passe de voir le jour en Wallonie. Un acteur qui vient compléter les différentes “briques” qui ont pris forme depuis environ deux ans – Réseau IA, programme Digital Wallonia 4 AI, ateliers de sensibilisation, programme et projets de prototypage ou démonstrateurs Tremplin IA…
Manquait encore une brique essentielle, du moins si l’on veut mettre à disposition de l’écosystème (naissant) de l’IA wallon des ressources et compétences de haut vol. Cette brique manquante, c’est une coalition ou un “réservoir” mutualisé de chercheurs, de personnes-référence pouvant aider les entreprises ou porteurs de projets à réellement tirer parti des potentiels de l’IA – que ce soit dans l’industrie, le monde des affaires, la médecine, les médias, le secteur de l’énergie…
“Ce qui manquait encore à l’échelon régional, c’est une mise en commun de ressources et de talents de haut niveau, bien présents chez nous au niveau des universités et des centres de recherche mais qui restaient éparpillés et non coordonnés”, explique Benoît Macq, professeur en traitement de l’image à la Polytech (Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics) de l’UCLouvain.
D’où l’idée qu’il a portée avec son collègue montois Thierry Dutoit, directeur de l’ISIA Lab (Information, Signal and Artificial Intelligence Lab) de l’UMons, ainsi qu’avec quelques dizaines d’autres collègues universitaires, de mettre sur pied un “institut virtuel”.
Le TrAIL (acronyme de Trusted AI Labs) était ainsi placé sur la rampe de lancement.
Benoît Macq (UCLouvain): “Il manquait encore en Wallonie une composante recherche qui rassemblerait, même dans un schéma de collaboration virtuel, l’ensemble des forces vives existantes.”
“Rassembler l’ensemble des forces vives est quelque chose d’essentiel à la fois pour la visibilité des projets et ressources en IA, pour la visibilité, la réputation et l’image de la Wallonie à l’international, mais aussi pour se positionner vis-à-vis des appels à projets et des programmes européens – que ce soit Horizon Europe, le Green Deal ou les projets Feder…”
Voilà pourquoi les cinq universités francophones (UCLouvain, UMons, ULB, ULiège, UNamur) et quatre centres de recherche (Cetic, Multitel, Cenaero, Sirris) font cause commune.
Ce qui, au total, donne un réservoir virtuel d’experts et chercheurs en IA qui se chiffre à “600 Franchimontois”, pour reprendre l’expression-clin d’oeil de Benoît Macq. “Chaque année, quelque 250 ingénieurs décrochent une maîtrise comportant au moins un volet IA. L’idée est d’amplifier le phénomène, notamment via la composante “Institute” de TrAIL (voir plus bas).
Faire le poids
Autre argument justifiant la naissance de TrAIL , aux yeux de Benoît Macq: le fait que cette mutualisation des ressources (chercheurs, experts) “est un levier de taille critique, nécessaire pour favoriser l’innovation ouverte, la visibilité et la crédibilité, un levier que d’autres pays ont déjà adopté. Par exemple, le Canada et la France.”
Au Canada, l’université McGill, la Polytech de Montréal et l’UQAM (université du Québec à Montréal) ont fait cause commune. Démarche similaire en France dans le cadre du “Grand plan d’investissement” (inspiré du rapport Pisani), avec notamment l’ouverture, en début d’année, d’une “Maison de l’Intelligence Artificielle” à Sophia-Antipolis.
En Belgique, tous les chercheurs et experts ne se relogeront pas dans un même espace physique, chacun continuant d’opérer dans le cadre de son université ou de son centre de recherche, mais le maillage et la collaboration sont néanmoins l’objectif.
Pour l’instant, TrAIL n’existe encore qu’au stade du MoU ou de “pacte d’entente”. Sa concrétisation, en termes de structuration opérationnelle et de moyens (en ce compris financiers), doit encore faire l’objet de travaux – et de démarches – mais “les grands principes sont posés”.
Trois piliers…
Ce qui devrait se mettre en oeuvre, c’est trois axes d’action. A commencer par un “institut”, dédié à la formation d’experts en IA, aptes à rivaliser avec les meilleurs au niveau international, un institut qui soit en mesure de mener des recherches de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Deuxième axe: une “factory”. Autrement dit, une plate-forme de mutualisation des outils, “briques technologiques” IA et méthodologies conçus par les divers partenaires, qui les opérationnaliseraient au service des entreprises locales. Le but est de procurer aux entreprises (de toutes tailles, de tout secteur) des services de concrétisation de projets, d’apport de compétences IA sophistiquées, dans le cadre par exemple d’industrialisation de la recherche, dans des délais de réalisation à court ou moyen terme. La recherche fondamentale, sur demande, n’est pas exclue mais ne sera pas le seul but, loin s’en faut.
A noter que les entreprises wallonnes ne seront pas les seuls bénéficiaires potentielles de ces services TrAIL. “Pour ce qui est de l’application de l’IA aux secteurs de la médecine et des média, par exemple, nous desservirons aussi les entreprises bruxelloises. Dans cette optique, des discussions ont été engagées avec Hub.brussels…”
Troisième “pilier”: TrAIL4Ventures. Du “venture” à comprendre ici non en termes d’investissement financier mais plutôt au sens d’entreprise. Cet axe du TrAIL vise en effet à susciter davantage de “vocations” d’entreprises positionnées en IA, à multiplier les structures et spin-off. Et ce, “en captant au mieux les besoins et les idées issus du tissu économique – entreprises existantes et entrepreneurs – et en facilitant le développement de nouveaux produits et services sur base des outils et connaissances développés au sein de TrAIL.”
… Trois thèmes différenciateurs. Ou plus…
Le nom de baptême de TrAIL dévoile en partie le positionnement que ses initiateurs espèrent lui voir prendre. Pour placer utilement la Wallonie et ses acteurs (recherche et industrialisation) sur la carte, mieux vaut en effet cibler les aspects d’IA que l’on désire exploiter.
Le “Tr” de TrAIL devrait donc être l’un de ses traits thématiques distinctifs. En l’occurrence, le “trust”, la confiance dans l’Intelligence Artificielle, le sujet sensible de l’éthique (en) IA.
“Une réflexion doit encore être affinée – et des contacts en ce sens ont été pris avec la Région, notamment via DigitalWallonia4.ai – pour monter une plate-forme IA qui inclue et se repose sur quelques points forts wallons identifiés et reconnus.”
Benoît Macq en cite trois: la cyber-sécurité et la protection des données ; les interactions IA-homme ; le temps réel.
De quels moyens (mise en oeuvre du MoU, action), TrAIL bénéficiera-t-il? Trop tôt pour le savoir. Ils pourraient venir de la Région, via son plan Digital Wallonia et l’axe IA de ce dernier. Mais aussi de moyens extra-territoriaux (européens, Feder…). L’un n’excluant évidemment pas l’autre. Dossier à suivre donc…
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