Van In, éditeur de matériels et de plates-formes didactiques (Wazzou, destinée à l’enseignement primaire francophone et baptisée Bingel pour la Flandre, et Uddidit, tournée vers le secondaire), a voulu savoir comment les enseignants s’étaient adaptés, contraints et forcés, aux méthodes et pratiques d’un enseignement en distanciel lors du confinement Covid.
L’éditeur a pour ce faire mené une enquête auprès de quelque 5.300 enseignants dans 11 régions d’Europe – dont la Flandre et le duo Bruxelles/Wallonie (découpage institutionnel local oblige) (voir méthodologie en fin d’article). Les résultats de l’enquête, au niveau local, sont malheureusement inexploitables – ou fort peu. En effet, côté Fédération Wallonie-Bruxelles, seuls… 73 enseignants, soit 0,2% des 30.000 sollicités, ont répondu à l’enquête, rendant les résultats purement “indicatifs”, reconnaissent les auteurs de l’étude. Ils ont eu plus de chance du côté flamand, où 1.649 enseignants ont participé.
Qu’en déduire?
Le but de l’enquête était de comprendre quels (nouveaux) moyens numériques les enseignants avaient mis en oeuvre pour assurer leurs cours et le suivi pédagogique à distance: choix d’outils, adaptation des pratiques et/ou des contenus de cours, recours à des webcasts ou plates-formes…
Premier constat général – qui n’étonnera personne: les cours à distance, donnés pour l’ensemble des élèves d’une classe, ont fait un bon pendant le coronavirus, passant de 17% (moyenne européenne) avant la crise à 79% pendant la période de confinement. Avec, parfois, quelques variations majeures d’un pays à l’autre (le distanciel, par exemple, n’a pas réellement progressé en Suède, ce pays n’ayant pas pratique le confinement).
En Fédération Wallonie-Bruxelles, il y a également eu augmentation mais dans une proportion sensiblement moindre (mais l’échantillon, rappelons-le, est des plus étriqués…): seuls 44% des 73 enseignants interrogés ont déclaré avoir donné des cours à distance à l’ensemble de leur classe, contre 16% avant la crise.
Soulignons toutefois qu’il s’agit bien ici de “cours à l’ensemble de la classe”, ce qui n’exclut pas des contacts plus individuels ou d’autres actions favorisant l’apprentissage (voir ci-dessous).
Qu’en est-il en Flandre? Le score est nettement supérieur à celui relevé en Fédé. Pas moins de 77% des enseignants interrogés (77% au primaire et 74% au secondaire) disent avoir fait la “télé-classe” à l’ensemble de leur classe. Or, avant le confinement, la pratique n’était pas plus généralisée, que du côté francophone puisqu’elle n’atteignait alors que 10%.
Mais l’approche différente qu’ont choisie les autorités publiques du Nord et du Sud du pays a eu un impact majeur sur le basculement vees les classes virtuelles. “En Fédération Wallonie-Bruxelles”, rappelle Vincent Maldague, “la consigne fut de ne pas procéder à de nouveaux apprentissage pendant la période de confinement et de privilégier l’exercisation et la remédiation. Une restriction qui n’a pas eu lieu en Flandre…”
Tests et exercices en-ligne
21% des enseignants de la Fédé participants ont procédé à des tests et évaluations d’acquis de leurs élèves – ce qu’on appelle des “tests formatifs” – via le canal numérique. “Les tests certificats – du genre interrogations ou examens – ne sont pas encore autorisés par voie numérique”, rappelle Vincent Maldague, responsable Edition chez Van In.
Le “score” de 21% qui n’a pas trop à rougir face à la moyenne des 11 pays et régions sondés: 27%.
En Flandre, le pourcentage est d’ailleurs largement similaire: 22% en moyenne mais avec un écart non négligeable entre primaire (15%) et secondaire (38%). [Petite remarque: Winfried Mortelmans, directeur général de Van In, explique cet écart entre le primaire et le secondaire par le fait qu’en primaire, les instituteurs connaissent suffisamment leurs élèves et leur parcours pour avoir moins besoin que les professeurs du secondaire de recourir à des tests formatifs.]
La fréquence des “tests” fut en outre au rendez-vous puisqu’ils ont été pratiqués “au moins une fois par semaine”.
Ce pourcentage (21% en Fédé, 22% en Flandre) ne doit par ailleurs pas être confondu avec celui qui correspond à des exercices et tâches en-ligne au quotidien, où le pourcentage est nettement plus élevé: 64% en Fédé, alors que la moyenne européenne, elle, se situe à 87%.
Et en Flandre? 89% des enseignants ayant participé à l’enquête de Van In (pour rappel 1.649 personnes) ont proposé des cours et tâches en-ligne (93% au primaire, 75% au secondaire).
A noter que 67% des enseignants belges francophones (contre “seulement” 59% de leurs homologues européens) disent avoir éprouvé davantage de difficultés pour évaluer les résultats des exercices et des tests numériques effectués par les élèves qu’ils n’en éprouvent selon les méthodes classiques.
En Flandre, la proportion est même plus importante: 72%. Preuve que le numérique et la dématérialisation des pratiques pédagogiques doivent encore faire l’objet d’un regain d’apprentissage et d’acculturation. Mais confirmation sans doute aussi que le présentiel et la proximité demeurent essentielles dans un cadre pédagogique.
Par contre, l’enquête a révélé que certaines tâches étaient considérées comme “faciles à très faciles” à effectuer via des canaux virtuels. Le volet flamand de l’enquête a ainsi donné les résultats suivants: 57% des 1.649 enseignants participants estiment qu’assigner des exercices ou des travaux aux élèves par voie électronique est “facile à très facile” – tant au primaire qu’au secondaire.
La communication avec les élèves et les parents ne pose pas non plus de problèmes: respectivement 42% et 41% estiment que le virtuel ne leur pose pas de souci. Pourcentage quasi identique pour les tâches administratives à accomplir en mode dématérialisé: 41%. Mais là, les enseignants du primaire sont plus positifs (43%) que leurs collègues du secondaire (33% seulement estiment le canal en-ligne facile).
Quid de la préparation des cours? Les réponses et pourcentages de réponses enregistrés réservent, en la matière, une surprise. Non pas en termes de difficulté ressentie – dans l’ensemble une majorité d’enseignants disent avoir dû consacrer plus de temps de préparation aux leçons à distance qu’en temps “normal”. La surprise vient de l’importance de ce pourcentage…
Moyenne européenne: 80% des enseignants disent y avoir passé plus de temps. Flandre: 79%. Fédération Wallonie-Bruxelles? … 67%.
Explication: non pas un manque de “sérieux” ou d’engagement de la part des enseignants belges francophones mais peut-être (ce qu’il faudrait valider) l’effet d’un recours à des formes et contenus numériques moins “poussés” que dans les autres régions. Le fait que la directive ait été “pas d’apprentissage nouveau” a évité d’alourdir la tâche de préparation des enseignants…
67% des enseignants belges francophones interrogés disent avoir éprouvé davantage de difficultés pour évaluer les résultats des exercices et des tests numériques effectués par les élèves. Et 73% estiment qu’il a été difficile pour eux d’inciter les élèves à passer ces tests et examens en monde virtuel.
Par ailleurs, 59% ont déclaré que leurs élèves ont consacré moins de temps aux cours et devoirs (en-ligne) qu’en temps normal.
Vidéos pédagogiques
29% des enseignants de la Fédé y avaient recours avant le confinement. Pendant la crise, ce pourcentage est passé à 38%, bien en-deçà du raz de marée qui a semblé déferler à l’échelle européenne (dans les 11 pays et régions sollicités par l’enquête) où le pourcentage a atteint 70%, contre 46% avant la crise.
Et en Flandre? La pratique des vidéos pédagogiques a été très généralisée: 84%, au-delà donc de la moyenne européenne. Alors même que la pratique était certes déjà présente mais dans de moindres proportions (36%).
webcasts et autres canaux
Un peu plus d’un cinquième des 73 enseignants belges francophones participants (21%) ont choisi le “canal” du webcast pour diffuser des contenus d’apprentissage qu’ils ont eux-mêmes enregistrés. Ils n’étaient que 11% avant la crise.
L’enquête de Van In a donc relevé un certain regain d’intérêt pour la “vidéo-classe” en Wallonie et à Bruxelles mais nettement moins qu’à l’échelon européen où la moyenne calculée par Van In sur les 11 pays et régions étudiés atteint 35%.
Côté francophone, les envois de matières de cours se sont beaucoup faits par courriel (66% des réponses). Sans pour autant que le bon vieux courrier postal soit pour autant oublié puisqu’il a recueilli 16% des suffrages.
A noter que les 66%, côté mail, sont supérieurs à la moyenne européenne (56%). L’effet sans doute d’un plus grand désintérêt pour le canal vidéo direct.
Et en Flandre?
73% des enseignants ont envoyé du matériel pédagogique par mail (ils n’étaient que 12% à le faire avant la crise).
Les webcasts créés par les enseignants, eux, ont eu plus de succès que du côté francophone: 50% des enseignants flamands interrogés disent y avoir eu recours (53% au primaire, 38% au secondaire). Alors même qu’ils n’en étaient que très rarement adeptes avant la période de confinement (4%).
Une fois encore, la raison majeure de la disparité entre les pourcentages flamand et francophone (50% contre 21%) s’explique, selon Vincent Maldague, par les directives spécifiques des autorités.
Live vs webcast
Tous pays étudiés confondus, on relève un “succès” plus important des cours à distance “live” donnés à l’ensemble de la classe par rapport à l’utilisation de webcasts. Les moyennes européennes sont éloquentes en la matière: 79% pour le live ; 35% pour les webcasts.
La raison en a été donnée par les enseignants eux-mêmes: “l’interactivité avec le groupe est plus grande en live. C’est là un souci majeur du webcast évoqué par les enseignants”, indique Winfried Mortelmans.
Dans son enquête européenne, Van In n’a pas demandé aux enseignants quelles plates-formes de diffusion ils avaient utilisées. Par contre, la société a analysé cet aspect des choses sur base de l’utilisation que les enseignants font des outils de diffusion vidéo proposés avec ses solutions Wazzou et Uddidit. Pour les diffusions live, deux solutions sont supportées: Microsoft Teams et Google Classroom. En Fédération Wallonie-Bruxelles, pendant la crise, “11% des enseignants ayant participé à notre enquête ont dit utiliser Microsoft Teams chaque jour, 4% de 2 à 4 fois par semaine, 8% une fois par semaine et 10% moins d’une fois par semaine”, indique Winfried Mortelmans.
A l’échelle européenne, 13% des enseignants disaient utiliser Google Classroom avant la crise. Pendant le confinement, ce pourcentage est passé à 28%.
L’augmentation a encore été plus sensible du côté Microsoft Teams: de 9%, le pourcentage est passé à 36%.
Un retard en Fédé
Même si – répétons-le une nouvelle fois – les résultats engrangés côté enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne sont que (vaguement) indicatifs, Winfried Mortelmans, directeur général de Van In, se livre toutefois à une analyse contrastée. Il souligne, d’une part, que “l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles a fortement accéléré l’utilisation des outils numériques pendant la période du coronavirus” et que “la majorité des enseignants s’est rapidement mise à la page. Ce qu’ils ont accompli est spectaculaire”.
Source: Eurometropolitan eCampus.
Mais il émet par ailleurs une critique non voilée: “Nous constatons toutefois un retard par rapport à la moyenne européenne pour ce qui est de la forme la plus courante de numérisation de l’enseignement, et plus particulièrement concernant la réalisation des tâches ou des exercices en ligne par les élèves.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, c’était le cas pour 30% des enseignants avant la période corona, contre 59% en moyenne dans tous les pays interrogés. Durant la crise corona, 64% des enseignants y ont eu recours dans notre région, contre 87% en moyenne dans les pays interrogés, et 89% en Flandre, ce qui constitue un retard évident.
[…] Nous avons enregistré moins de webcasts en Belgique pendant la crise du coronavirus (21%) qu’en Europe (35%).”
Il relève par ailleurs un fait contre-intuitif: “avant la crise, 18% des enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles utilisaient déjà le canal virtuel pour soumettre leurs élèves à des tests [formatifs], ce qui était un score supérieur à la moyenne européenne (13%).” Pendant la crise, le pourcentage belge francophone a quelque peu progressé, passant à 21%, tandis que celui de la moyenne européenne évoluait plus fortement, se situant à 27%. “Nous avions donc une longueur d’avance ici mais nous n’avons pas surfé sur la vague numérique durant la crise du coronavirus.”
Il en appelle par ailleurs à ce que les évolutions constatées en faveur du numérique, en période de confinement, ne disparaissent pas des radars et des habitudes une fois la crise passée. “Nous pensons que combiner le numérique avec l’instruction en classe, et en particulier en faisant jouer leur valeur ajoutée respective, est le moyen idéal pour parvenir à construire le meilleur des mondes. Nous lançons donc un appel aux écoles pour qu’elles continuent d’utiliser la force du numérique de la bonne manière. La qualité de notre enseignement s’en trouvera encore améliorée”.
Méthodologie de l’enquête Van In
L’enquête, menée entre le 3 et le 10 juin 2020, a été effectuée auprès d’enseignants (enseignement primaire, secondaire, professionnel) dans 11 régions d’Europe. Outre la Flandre et la “zone” Fédération Wallonie-Bruxelles pour la Belgique, l’enquête s’est également déroulée auprès d’enseignants néerlandais, français, allemands, espagnols, suédois, finlandais, norvégiens et polonais.
Au total 5.300 enseignants ont participé (alors que 30.000 d’entre eux, par région, avaient été sollicités).
En Fédération Wallonie-Bruxelles, le taux de participation fut malheureusement trop faible pour que les résultats puissent réellement être considérés comme significatifs. Tout au plus sont-ils considérés, par les auteurs de l’étude, comme “indicatifs”. En effet, Van In n’a pu compter que sur… 73 participants belges francophones, soit un taux de réponse de 0,2%. 21% d’entre eux évoluent dans le primaire, 75% dans le secondaire tandis que les autres sont actifs dans l’enseignement professionnel.
Les conclusions tirées du côté des enseignants flamands, par contre, sont plus pertinents dans la mesure où 1.649 réponses ont pu être enregistrées, dont 73% venant d’enseignants du primaire, et 27% de l’enseignement secondaire.
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