En juin, le fournisseur de solutions de communication cloud (téléphonie et communications unifiées) Destiny annonçait le rachat d’Escaux, une société qui, à l’origine, avait choisi Wavre comme point d’attache et qui, elle aussi, très tôt, avait misé sur IP et sur le cloud, y ajoutant une dimension transversale open source, pour développer une expertise et des solutions de comm’ destinées à une clientèle d’entreprises et d’opérateurs ou prestataires de services.
L’une des choses qui intéressait plus particulièrement Destiny dans Escaux, c’était sa filiale/spin-out Fuzer qui, sur base des technologies Escaux, développe et commercialise diverses solutions “Unified Communications mobilo-centriques” (lisez: en adoptant une optique “mobile first”) et d’offres personnalisées pour les clients destinataires.
Escaux/Fuzer s’était bâti un répertoire de clients, essentiellement en Belgique francophone et dans la catégorie PME, qui faisait sérieusement de l’oeil à Destiny qui elle était davantage ancrée en Flandre – sans compter une présence internationale dont elle fait une stratégie future (à commencer par une incursion aux Pays-Bas).
Au-delà de l’argument “regain de clientèle”, c’est le socle technologique d’Escaux qui est considéré par Destiny comme un argument stratégique à valoriser sur le plus long terme. “L’adoption du cloud [dans le registre des communications] est un phénomène en accélération en Europe”, souligne Daan De Wever, CEO de Destiny. “C’est pour nous, clairement, une voie de croissance. On est à la veille d’un essor des communications intégrées. Pour l’heure, les solutions sont encore très ponctuelles, souvent encore limitées aux communications téléphoniques. Mais de plus en plus, le monde des entreprises se l’approprie, vient y greffer des applications vidéo, de partage de documents… Avec intégration avec les autres systèmes de gestion. Sans oublier la composante mobile…”
Daan De Wever (Destiny): “Escaux est un diamant trop méconnu, que ce soit en termes de fonctionnalités ou de mode de déploiement des solutions.”
En Belgique, la marge de progression est jugée énorme. “En raison de la mainmise de l’opérateur historique, qui défend ses investissements et infrastructures traditionnelles, le taux de pénétration des communications cloud dans les entreprises est encore minime – 6%.”
L’opportunité pour Destiny est de se positionner à temps et de manière suffisamment crédible (par la taille et le potentiel de développement) à l’heure où nombre d’acteurs, dans le champ des prestataires de services (traditionnels ou émergents), cherchent encore un modèle d’affaires pertinent et rentable.
Grandir vite pour s’émanciper des “majors”
Face aux grands ténors du marché, qui sont en pleine reconfiguration stratégique et cherchent à gommer un statut de “simples” fournisseurs pour se poser en prestataires de services, Destiny veut donc grandir, se poser en challenger de premier plan – sous la casquette d’opérateur réseau/cloud virtuel – et “garantir son indépendance par rapport aux autres acteurs” et à leur puissance de frappe technologique.
Escaux, dans cette optique, était – pour reprendre l’expression de Daan De Wever – “un diamant trop méconnu, que ce soit en termes de fonctionnalités ou de mode de déploiement des solutions. Ils ont développé, tout au long des 20 dernières années [Ndlr: en réalité, la société a été créée en 2003 – ce qui lui faisait 16 ans en date de son rachat par Destiny], un réservoir de solutions très innovantes. En termes de vision, la société n’a rien à envier par exemple à un BroadSoft [racheté par Cisco], avec une intéressante technologie, dûment brevetée, de communications unifiées ancrées sur le mobile.”
La bagarre, évidemment, s’avère rude – avec les Cisco ou Mitel de ce monde. Sans oublier d’autres noms, tout aussi redoutables, tels que Microsoft. Sans oublier non plus – et ils sont même en première ligne – les opérateurs historiques, locaux ou moins locaux.
Après avoir travaillé chez Colt et antérieurement chez Telenet, Christophe Hendriks fut l’un des co-fondateurs d’Escaux. Il y a assumé le rôle de CEO pendant huit ans, jusqu’en 2011, date à laquelle il troquait ce poste contre celui de Chief International Business Development Officer.
D’où viendra surtout la concurrence? “Difficile de le dire dans l’état actuel des choses”, estime Christophe Hendriks, Chief International Business Development Officer de Destiny/Escaux (voir ci-contre), “dans la mesure où beaucoup de ces acteurs sont eux-mêmes encore en train d’élaborer leur stratégie. “Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de fabricants veulent se transformer en prestataires de services. Mais le feront-ils en s’adressent directement à leur clientèle-cible ou passeront-ils par des opérateurs? Ce n’est pas encore clair.
Microsoft, par exemple, teste certains scénarios. Aux Etats-Unis, ils n’ont finalement opté pour la voie des opérateurs…” Affaire à suivre.
Pour sa part, Daan De Wever se dit confiant sur la capacité de sa société, gonflée par l’apport d’Escaux, à tenir le rythme de l’innovation, “en continuant d’investir grâce aux investisseurs qui sont montés à bord. Nous avons les ressources nécessaires pour d’autres acquisitions…”
L’appétit, dit-on, vient en mangeant…
Il n’y a pas qu’en Belgique que Destiny a enfourché le cheval des acquisitions. Pour se positionner sur le marché néerlandais, la société a également procédé à quelques rachats ces derniers temps.
En 2018, elle prenait le contrôle de Motto Communications, auteur d’une plate-forme de distribution cloud pour provisionnement de services cloud à destination de grands partenaires en marque blanche. Début 2019, c’était au tour de DSD Business Internet, détenteur d’un réseau en gestion propre, de tomber dans son escarcelle.
Et en juin de cette année, Destiny annonçait le rachat d’Ozmo cloud communications, fournisseur de solutions de téléphonie dans le cloud destinées à une clientèle de partenaires et de revendeurs de moyenne envergure. “Cela nous a permis de nous hisser en troisième position parmi les prestataires outre-Moerdijk”, souligne Daan De Wever.
Prochaine étape de la stratégie d’expansion, via acquisitions, de Destiny? La France, avec “l’espoir” de procéder à une première acquisition début 2020. L’Espagne aussi, du moins potentiellement mais pas forcément en premier lieu. Autres destinations possibles: la Suisse ou l’Italie.
Escaux aurait pu rester indépendante mais…
Pourquoi Escaux a-t-elle choisi de se faire racheter par Destiny? Demeurer indépendant n’était-il pas une option?
“Nous aurions pu continuer seuls mais nous unir à Destiny, avec lequel nous étions complémentaires – en termes de culture d’entreprise, de solutions et de présence géographique sur le marché – permet de progresser plus vite”, déclare Christophe Hendriks. “Nous avions reçu deux offres, non sollicitées, mais elles venaient d’acteurs internationaux. Ce qui inclut des risques, en termes de pérennité de la société. Souvent, un petit acteur est racheté par un plus grand parce que ce dernier veut éliminer un concurrent…”
Par ailleurs, ajoute-t-il, “les développements de solutions de connectivité cloud exigent d’importants moyens. Idem si l’on veut croître à l’international. Et nous n’avions pas derrière nous un investisseur solide prêt à nous soutenir.”
Côté clientèle, quelle était la situation du côté d’Escaux/Fuzer avant le rachat par Destiny? En nombre, la majorité des clients étaient de nationalité belge. Mais quelques belles références étrangères (Airbus Space & Defense, Tele2…) donnaient un tout autre visage à la répartition du chiffre d’affaires.
Pourquoi privilégier une stratégie d’acquisitions? “Notre principale difficulté pour réussir notre expansion européenne vient de la réglementation. Cela complique une démarche par croissance organique. Or, la taille est essentielle pour survivre.”
Une règle et une ambition dans le chef de Daan De Wever: “dans tout pays où nous nous implantons, nous désirons figurer, dans les cinq ans, dans le top 3 des challengers, si possible, bien entendu, être le numéro un…”
En termes de potentiel de marché, la France présente un profil sensiblement similaire à celui de la Belgique: des opérateurs historiques qui ont cadenassé le marché et ne voulaient pas voir leur business se faire cannibaliser par des offres cloud. Mais le processus est en marche, estime Daan De Wever et il désire être parmi les premiers acteurs de la curée.
Notons au passage que la situation est légèrement différente aux Pays-Bas où le taux de pénétration des offres communications cloud professionnelles a déjà atteint les 25%, “notamment en raison d’une stratégie wholesale plus volontariste de la part de KPN…” et l’émergence de nombreux nouveaux petits acteurs.
Stratégie? Marque blanche
Destiny n’est pas une société qui désire apparaître en toutes lettres sur la carte. Sa stratégie est plutôt celle de la marque blanche. A savoir: procurer à d’autres (intégrateurs, opérateurs, acteurs en mal de différenciation, revendeurs…) des solutions “aisément intégrables et déployables”.
“Notre discours est le suivant: nous pouvons vous aider à lancer rapidement vos propres services, grâce à des solutions matérielles, logicielles, de facturation… à déployer sur notre infrastructure, mais sous votre propre nom et image, et avec votre modèle propre de tarification.”
La pratique de la marque blanche, une fois encore, est davantage présente sur le marché néerlandais que belge: “chez nous, le white label ne représente encore que 10% du marché mais la demande est en augmentation”, estime Daan De Wever. Fuzer/Escaux en sera l’un des leviers majeurs.
Christophe Hendricks (Escaux/Destiny): “Nous nous différencions par une approche par segments verticaux. Nous combinons des composants logiciels en “service templates” en préservant le principe d’un déploiement automatisé.”
“Nous visons aussi par exemple une clientèle de revendeurs à valeur ajoutée ou d’intégrateurs de PABX qui ne peuvent plus survivre en vendant du matériel et en proposant des contrats de maintenance.” Autre catégorie de clients potentiels: des éditeurs de solutions IT (CRM, etc.) qui désirent proposer une offre IT/communications intégrée.
L’un des atouts de l’approche Escaux/Fuzer sur lesquels Destiny compte s’appuyer pour convaincre ses clients est celui du déploiement automatisé des solutions de communications unifiées qu’elle propose. “Nous tendons le plus possible vers une offre standardisée, avec mises à jour et mises à niveau automatiques. Mais on constate bien entendu que les grands clients veulent des solutions spécifiques, et ne s’accommodent pas d’une plate-forme partagée”, souligne Christophe Hendriks.
“Cela induit un risque de complexité de déploiement et d’évolution. D’où l’option que nous avons prise de travailler et de nous différencier par une approche par segments verticaux (grande distribution, secteur militaire ou gouvernemental, hôpitaux, maisons de repos…). Nous combinons des composants logiciels en “service templates” en préservant le principe d’un déploiement automatisé, quasi industrialisé.”
Les évolutions des service templates sont fréquentes, via “branches” (solutions spécifiques, “à la demande”). “Les branches spécifiques qui peuvent intéresser tous les clients sont réinjectés dans la solution standard.”
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