L’une des tendances que l’on constate du côté des Centres de Compétences est l’augmentation des formations conçues “sur mesure” pour répondre aux désidératas spécifiques d’entreprises.
La tendance est plus particulièrement à la hausse du côté de Technifutur ou de Technofutur TIC.
Le degré de “sur-mesure” varie toutefois.
Relire la première partie de cet article consacré aux paramètres dont tiennent compte les Centres de Compétences pour faire évoluer leurs offres de formation en matière d’IT et de numérique.
Le programme “Coup de poing” (lancé par la Région en 2018) est emblématique de cette relation hyper-étroite entre Centre de compétences et entreprise puisqu’une société (ou un groupe de sociétés) bénéficie de la mise en oeuvre d’un cycle de formation pour une dizaine de profils précis (par exemple DevOps ou développeur Java) qu’elle s’engage à recruter à l’issue de la formation.
Autre formule assez proche mais sans garantie d’insertion au sein de la société: les formations Square Code de Technifutur, pour profils en pénurie (développeurs Web, Java, .net, développeurs d’applis mobiles, DevOps).
34 personnes ont ainsi été formées en 2018, en ce compris une petite cohorte de développeurs Java destinés à NRB.
Thierry Castagne (Technifutur): “Nous sommes le Centre de Compétences qui compte le nombre le plus élevé d’entreprises facturées [pour organisation de formations]”. Score 2018: 727 entreprises, dont quelque 200 dans le domaine du numérique.
Dans le cadre de Square Code, les entreprises sont intimement impliquées dans le programme. Non seulement pour le choix de la thématique mais dans la conception-même du contenu, la sélection initiale des apprenants (en ce compris sur le volet soft skills).
Elles siègent au comité de pilotage et peuvent ainsi aménager éventuellement le programme de formation en cours de route. Sans oublier bien entendu l’accueil des stagiaires en fin de formation. Mais sans exclusive. Une société partenaire ne sera pas forcément assurée de pouvoir engager autant de formés qu’elle le désire. Une séance de “job dating” est effet organisée en fin de formation afin de permettre à d’autres sociétés de venir repérer quelques profils pouvant les intéresser.
Boris Roland (Technobel): “Technobel propose aux professionnels de constituer des jurys d’évaluation en fin de formation ou durant l’atelier pratique Play-Zone, dédié au prototypage de solutions connectées. Les étudiants et leur degré de maîtrise des technologies sont ainsi évalués sur base des projets qu’ils ont pu réaliser tout au long de leurs formations.”
Même s’ils organisent de plus en plus de formations “sur-mesure” (à la demande d’entreprises), les Centres de Compétences se défendent d’en faire des formations personnalisées, exclusives. “Beaucoup se font en inter-entreprises. De 75 à 90% de la formation vise une base commune. Le vrai spécifique ne vient souvent qu’au moment du stage ou du projet de fin de formation”, souligne Thierry Castagne.
Etre trop “pointu”, trop spécifique par rapport à un besoin exprimé par une seule société n’est d’ailleurs pas une bonne idée, estime pour sa part Richard Roucour, directeur adjoint de Technocité. “Nous avons une obligation de former à un maximum d’opportunités sur le marché du travail. Les grandes sociétés ne sont d’ailleurs pas légion. Les formations, même pour l’opération Coup de poing, visent donc aussi et surtout les PME.” Même s’il admet qu’il est difficile de réunir plusieurs PME sur un même besoin thématique, pouvant donner lieu à une formation Coup de poing.
Un autre aspect de la question est celui du financement de ces formations “à la demande” pour les entreprises. Lorsqu’il s’agit de personnes actives, de salariés, il est normal – et habituel – que l’entreprise finance la formation. Il en va autrement lorsque les apprenants sont des chercheurs d’emploi. C’est alors le public qui intervient.
Et c’est encore le cas par exemple dans le cadre de l’opération Coup de poing.
Toutefois, estime Yvan Huque (Technofutur TIC), “les entreprises sont prêtes à payer pour que l’on forme par exemple une cohorte de 12 personnes si elles ont la certitude qu’elles pourront en recruter par exemple au moins la moitié.” C’est là un nouveau modèle de financement qui pourrait gagner en importance à l’avenir. Mais cela supposera davantage de souplesse et d’adaptabilité des programmes [des Centres de Compétences] ainsi qu’une pédagogie “plus agile”.
Yvan Huque (Technofutur TIC): “A quand une véritable stratégie des compétences?”
“La création des Pôles de Compétitivité a eu l’avantage de donner naissance à des points d’ancrage pour les secteurs d’activité. Cela nous a aidé à décliner les formations. Ce dont nous avons besoin pour demain, c’est de développer une réelle stratégie de compétences pour la région. L’Irlande y a réussi, avec un effet manifeste sur l’attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers.
Le défi est notamment de mieux aligner école, entreprise et marché, mais aussi de mieux aligner les acteurs de la formation, les réseaux d’acteurs. Certaines choses évoluent dans le bon sens par exemple entre Technofutur TIC et l’Ifapme mais cela se fait encore sur initiative personnelle, parce que les responsables s’entendent bien.”
Face à l’enjeu des compétences et compte tenu des conditions de financement (l’enveloppe ayant même tendance à se réduire), l’une des solutions serait de favoriser davantage la mutualisation des ressources. “Notamment parce que nous avons perdu des financements [publics], nous formons moins que ce qu’on pourrait faire. Il y a là un paradoxe par rapport au constat de pénurie des métiers qui est posé. Il faut dès lors formuler une vision à plus long terme.”
Renforcer l’adéquation
Un meilleur dialogue entre centres de formation et entreprises est, à l’unisson, jugé essentiel afin de mieux répondre aux besoins. Rien d’étonnant ou de nouveau en la matière.
Voici comment Boris Roland, responsable communications chez Technobel, l’exprime: “Bien que de nombreux outils (opération Coup de poing, notre propre programme Be a Maker, notre atelier pratique pluridisciplinaire Play-Zone…) soient mis en place pour accroître l’implication des entreprises dans le monde de la formation professionnelle, le “gap” entre les besoins attendus par les entreprises et les compétences portées par les candidats est encore bel et bien présent. Le secteur du numérique souffre à cet égard de l’évolution continue et extrêmement rapide des technologies qui complique au quotidien la formation aux métiers du numérique.”
Richard Roucour de Technobel estime pour sa part que l’apport et l’implication des entreprises ne sont pas encore suffisants: “Nous avons déjà de nombreux partenaires qui s’impliquent dans nos démarches de remise à l’emploi mais cela ne suffit pas à couvrir tous nos besoins. Il faudrait encore d’autres entreprises qui s’impliquent pour nous apporter des projets, héberger des stagiaires, participer à des jurys… ” Malheureusement, les PME ou encore les associations culturelles, pourtant très demandeuses, n’ont pas suffisamment de ressources et/ou de temps à consacrer à ce genre de choses…
Changer de méthode (pédagogique)
Dans quelle mesure les Centres de Compétences adaptent-ils leur démarche pédagogique aux nouveaux modes ou attentes d’apprentissage, aux (nouveaux) profils des personnes à former ou au contexte en mue constante des entreprises?
A des degrés divers, parfois encore de manière timide, de nouveaux outils, contextes ou schémas d’apprentissage y font leur apparition: co-construction de projets, apprentissage en équipe pluri-disciplinaire, émulation ludique…
En 2018, Technobel a injecté une certaine dose d“apprentissage par le faire” à ses méthodes pédagogiques. Nom choisi: “Be a Maker”. Le but? “permettre aux étudiants, tout au long de leur formation, de rêver, de créer, d’expérimenter et surtout de partager des projets concrets qui feront sens au regard de leurs envies professionnelles et qui les rendront directement opérationnels sur le marché de l’emploi”, explique Boris Roland, responsable communications chez Technobel. “Ils ont la possibilité d’explorer différentes technologies, de les mettre en œuvre et de les maîtriser au travers d’un prototype fonctionnel.”
Et les entreprises ont droit au chapitre… “Pour renforcer les apprentissages par le “faire”, nous proposons aux entreprises d’alimenter une Project Box avec des projets sur lesquels les étudiants pourront travailler durant leur formation.”
Autre accent nouveau: un renforcement de l’accompagnement individualisé des étudiants en formation, afin de “détecter beaucoup plus rapidement des situations potentiellement problématiques et de mettre en place des outils pour y répondre”.
Pour former davantage aux “soft skills” (et plus uniquement à des compétences techniques), mais aussi pour “accrocher” un public qui, on l’a vu dans notre précédent article, est largement composé d’apprenants n’affichant qu’un faible niveau de diplomation, les Centres de Compétences se rendent compte qu’il leur faut adapter et/ou diversifier leur démarche pédagogique.
“Nous évoluons clairement dans un espace sous contrainte, devant former des individus dont beaucoup font preuve d’une faible aptitude à l’autonomie d’apprentissage”, constate Yvan Huque (Technofutur TIC). “Par ailleurs, tout ce que nous enseignons se trouve aujourd’hui aisément sur Internet. Nous ne pouvons plus nous différencier par le contenu. On constate toutefois que les contenus sur Internet sont peu exploités, preuve qu’un intermédiaire demeure nécessaire et l’est d’ailleurs de plus en plus.
L’évolution se fait et se fera donc toujours plus vers du coaching, de l’accompagnement des apprenants, via du présentiel augmenté.”
C’est-à-dire? Il faut ici dissocier la forme et le fond. L’aménagement de l’espace voit naître de plus en plus de classes ouvertes, d’espaces-atelier, de labos favorisant l’auto-apprentissage mais avec une dose variable de guidance, selon chaque personne.”
Par ailleurs, “l’apprentissage se fera par le biais de modules assemblés en parcours pour les différentes filières métier. Cette approche a l’avantage d’être plus flexible, de permettre de réorienter rapidement un apprenant si on constate que ses attentes ou potentiels ne répondent pas à la formation choisie, de l’évaluer plus vite.”
Et de conclure: “Il n’y a pas un modèle à mettre en oeuvre mais plutôt un portefeuille de solutions pédagogiques afin de pouvoir répondre à la plus grande variété possible, tant est grande la diversité des publics.”
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