Jobs@Skills: “incubateur” de démarches pédagogiques imprégnées de numérique

Portrait
Par · 15/03/2019

Jobs@Skills est le nom officiel que s’est choisie la SCES (Structure Collective de l’Enseignement Supérieur) active en provinces de Liège et de Luxembourg et à laquelle participent le Forem, l’Ifapme, l’ULiège et les Hautes Ecoles des deux provinces. Voir encadré en fin d’article pour plus d’informations sur les raisons d’être de ces structures mises sur pied en 2014.

“Le but est de développer, d’organiser et de proposer des projets de formation tout au long de la vie, stratégiques et innovateurs, pour les besoins socio-économiques de la région”, explique François Strykers, directeur de Jobs@Skills. De manière plus spécifique, la SCES se concentre sur les besoins de compétences correspondant à “métiers en pénurie, en émergence et/ou en devenir”.

A Liège, l’optique prise est clairement orientée nouvelles technologies, innovation numérique et compétences afférentes. Cinq secteurs d’activités prioritaires ont été identifiés: industrie 4.0, santé et biotech, construction, eau et environnement, bois. Le numérique, lui, sert de “dimension transversale”. Le but toutefois n’est pas de virer au tout-numérique mais plutôt de réussir le meilleur équilibre possible entre formation en présentiel, digital learning, auto-formation et apprentissage expérientiel.

Des exemples de rôle accru de la formation grâce au numérique que compte développer et expérimenter Jobs@Skills? Des formations destinées aux décideurs de sociétés de distribution d’eau, leur faisant découvrir les arcanes des techniques de “smart metering” et les avantages que le déploiement de compteurs intelligents peut apporter en termes de gestion efficace et d’aide à la décision.

Dans le secteur de la construction, Jobs@Skills planche par exemple sur des formations dédiées au BIM (Building Information Management), avec apprentissage de nouvelles technologies de gestion de chantier, de solutions 3D…

Dans le monde de l’industrie 4.0, Jobs@Skills fera équipe avec Technifutur pour des formations de type usine du futur. La plate-forme du futur démonstrateur 4.0 (voir notre article récent) installé au Liège Science Park du Sart-Tilman servira de socle pour une duplication virtuelle de certaines formations, via techniques de jumeau numérique.

Ces formations en simulation virtuelle et expérimentation à distance seront données sur le futur site du Val Benoît. Un site qui regroupera et mutualisera une série de ressources et de compétences en simulation et apprentissage “4.0”, en ce compris le Teaching with VR Lab de l’ULiège/HEC (relire notre article) et le Centre de Simulation Médicale de Liège (Smile) co-piloté par l’ULiège et le CHU de Liège (redécouvrir cet autre article)

Innover par la digitalisation

Jobs@Skills veut développer et promouvoir de nouvelles approches techno-pédagogiques, en privilégiant notamment la numérisation des contenus et des méthodes d’apprentissage. 

Voir également notre interview du professeur Eric Haubruge: “Ré-agencer les pédagogies et les mentalités”.

“L’industrie est très demandeuse de solutions qui permettent de réduire l’importance du présentiel”, indique François Strykers.

De manière plus fondamentale, le but est d’imaginer et d’expérimenter de nouvelles formes d’enseignement, basées sur des techniques et potentiels de simulation, virtualisation, participation, immersion… Une finalité que le professeur Eric Haubruge, conseiller du Recteur de l’ULiège, en charge de l’Innovation, et président du conseil d’administration de Jobs@Skills, résume comme suit: “opérer comme incubateur des métiers et de compétences”.

“Le but”, déclare pour sa part François Strykers, “est d’identifier des tendances, de nouveaux métiers, de nouvelles compétences via un exercice constant de veille, en ce compris à l’international, en collaboration avec les établissements d’enseignement mais aussi avec les Pôles de Compétitivité ou encore l’Awex.”

Jobs@Skills procèdera par expérimentation et prototypage de solutions et formules nouvelles. “L’idée est de créer ces nouveaux outils, d’organiser les formations nécessaires le plus vite possible, pour ne plus être systématiquement en retard de plusieurs années sur ce qui se fait par exemple aux Etats-Unis.”

Sur base d’idées propres ou sur sollicitation d’entreprises, de fédérations d’entreprises ou d’acteurs pédagogiques, Jobs@Skills concevra des démonstrateurs de formations de préférence numériques et de courte durée. “Le but est notamment de déterminer quels équipements, quelles solutions logicielles, quelles technologies pédagogiques peuvent faire gagner du temps, garantir un meilleur apprentissage, générer de la valeur…” Et ce, pour tous les secteurs d’activités identifiés (construction, industrie, architecture, gestion de l’eau…).

8 modules en cours. Une quinzaine dans le “pipeline”

Jobs@Skills existe désormais depuis plus d’un an. Depuis ses débuts, la structure a imaginé et entamé l’incubation de 8 modules de formation “nouvelle vague”. La moitié ont déjà été finalisés et déployés (construction, pharma…).

Une bonne quinzaine d’autres modules ont été proposés et sont en phase d’évaluation, selon la méthode à laquelle nous faisons allusion plus loin dans le texte.

“Certains secteurs sont plus demandeurs et porteurs que d’autres”, indique le professeur Eric Haubruge. “Les demandes émanant du secteur de l’eau et de la construction se multiplient. L’industrie 4.0 est également un secteur évident mais où les choses se concrétiseront d’ici trois ou quatre ans. Il nous manque encore en effet des outils pour cela…

Le secteur de la santé, lui, affiche une importante latence. D’une part, parce que beaucoup de choses existent déjà. Et d’autre part, et dans le même temps, parce qu’il faut encore instaurer la confiance, rassembler des partenaires pour construire ensemble de nouveaux modules….”

Pour chaque secteur, un gestionnaire de projet a été désigné. Il aura en charge la gestion d’un portefeuille de projets, d’importance et de durée variables – de quelques jours à plusieurs mois. “Au maximum un projet incubé ne peut dépasser un an, ce qui est déjà une durée extrêmement longue. Pour être efficace, il faut trouver des quick wins…”, insiste François Strykers.

D’une manière générale, la tendance est d’ailleurs à des contenus et formats de formation qui soient trapus, ciblés, et qui allient théorie et pratique.

François Strykers prend l’exemple de l’optimisation… de la découpe des grumes sur le terrain. Pour favoriser la ré-implantation des pratiques de sciage et de transformation du bois dans nos contrées, au lieu de les exporter vers des pays lointains, le “4.0” fait son entrée également dans ce domaine. La chaîne de sciage s’adapte à chaque grume, en fonction de ses caractéristiques et destination.

Les formations se font avec des experts, maîtrisant les nouvelles techniques innovantes, avec visite d’une entreprise qui applique déjà avec succès le nouveau modèle économique. “A leur tour, ces visites de terrain, en Belgique ou à l’étranger, donnent naissance à des contenus de cours, par exemple sur la gestion des flux de production. Un nouveau module de formation est ainsi en cours d’incubation. Une fois testé et validé, il pourra être déployé pour des formations à plus grande échelle et notamment sous forme de nano ou micro-masters…”

Ajoutons encore que la “dématérialisation” des espaces et formules d’apprentissage doit évidemment aussi permettre de mieux mutualiser les contenus et les compétences des enseignants et formateurs. En zappant les distances et en favorisant le partage, en ce compris au-delà des frontières géographiques.

L’équipe

François Strykers est à la tête d’une équipe (en partie virtuelle). Outre les cinq gestionnaires de projets, il peut s’appuyer sur un studio de production (voir plus bas), où officient une techno-pédagogue et un technicien monteur, ainsi que sur deux personnes qui s’occupent du business development (travaillant en mode mi-temps pour Jobs@Skills et pour l’ULiège) et de la com’.

François Strykers (Jobs@Skills): “identifier des tendances, de nouveaux métiers, de nouvelles compétences via un exercice constant de veille, en ce compris à l’international.”

Les idées de nouvelles formations ou modes de formation, qu’elles émanent d’enseignants ou d’entreprises, donnent lieu à des fiches-projet dont l’objet subit d’emblée un premier tri: “le porteur de projet doit démontrer la pertinence de son idée, prouver que la solution n’existe pas déjà, qu’il existe une demande pour ce type de formation du côté des entreprises ou des industriels. Le degré d’innovation est également un facteur déterminant.”

Passée cette première étape, le dossier est étudié par le comité d’accompagnement où siègent des industriels. “Si le feu vert est donné, on passe à la phase d’incubation. A ce stade, le gestionnaire de projet va chercher, sur le terrain, les experts du domaine qui pourront donner une évaluation correcte.

Pour un projet de formation lié à la gestion de l’eau, on a ainsi déjà sollicité Veolia et Suez, des professeurs de la Haute Ecole de la Province de Liège pour la gestion des réseaux IT, un autre professeur spécialisé en modélisation mathématique, ou encore un professeur de HEC Liège Executive Education pour l’évaluation du retour sur investissement…”

L’infrastructure

Pour créer ses contenus, ses prototypes de formation, pour les expérimenter mais aussi pour assurer les formations proprement dites, Jobs@Skills peut s’appuyer sur le studio de production de l’ULiège, qui conçoit, crée et produit des cours en-ligne (des MOOC notamment). 

Fin mars, une salle de séminaires virtuels entrera en piste, permettant de filmer cours et conférences et de les diffuser à distance.

Troisième “outil”: des “espaces cloud” permettant de diffuser des visioconférences ou exposés créés et donnés par des orateurs distants (en ce compris à partir de l’étranger). Les salles, connectées avec les serveurs utilisés par les conférenciers, orateurs et professeurs distants, seront équipées de “meubles connectés modulables” exploitables notamment en mode classe inversée. Ces équipements peuvent par exemple être formatés en “tables collaboratives” ou en “hubs d’apprentissage”, réunissant des groupes d’apprenants qui peuvent interagir avec les contenus qui leur sont proposés.

Les 4 SCES de Wallonie

Quatre SCES ont été constituées en Wallonie. Hormis Jobs@Skills à Liège, il faut en effet également citer Eurometropolitan e-Campus à Tournai, Form@Nam (Namur) et l’Université ouverte (Charleroi).

Deux des quatre SCES wallonnes – Jobs@Skills et son homologue hennuyère Eurometropolitan e-Campus – ont clairement la “fibre numérique”. Idem, mais dans une moindre mesure, du côté de Form@Nam.

Leur rôle: mener des activités de formation continue et d’apprentissage tout au long de la vie. Elles se définissent comme des “plate-formes mettant des infrastructures et des équipements de qualité à disposition des établissements d’enseignement supérieur en vue de développer, en co-organisation et/ou en co-diplomation, une offre de formation continue répondant aux besoins socio-économiques locaux.
Ces infrastructures et équipements sont également mis à la disposition du Forem et de l’IFAPME afin de leur permettre d’y développer, en partenariat avec des établissements d’enseignement supérieur, une offre de formation de niveau supérieur.
Cette offre vise les étudiants de l’enseignement supérieur universitaire, non universitaire et de promotion sociale, les enseignants et les formateurs dans le cadre de leur formation continue, ainsi que les travailleurs occupés (y compris les cadres et les chefs d’entreprises), les demandeurs d’emploi et les apprenants de l’IFAPME.
Elle doit être complémentaire et non concurrente, au niveau géographique et sectoriel, à l’offre de formation des établissements d’enseignement supérieur universitaire et non universitaire ainsi que des Centres de compétence existants.”