Territory Tools: acteurs locaux de tous poils, réunissez-vous (en ligne)

Pratique
Par · 25/09/2018

L’animation, la promotion et la gestion – multi-facettes – d’un territoire (commune, ville, région ou sous-région) sont sensées se faire de plus en plus dans un contexte et avec des outils numériques, en-ligne. Pour l’instant, c’est encore largement l’heure de la débrouille, des premiers essais, de la profusion de solutions nouvelles, pas forcément matures, qui rendent un choix pertinent difficile pour les acteurs de ces territoires (services municipaux, associations, commerçants, acteurs culturels ou touristiques, établissements d’enseignement…).

“C’est un peu la jungle. En-ligne, un “territoire” perd ses repères traditionnels, balisés par des limites géographiques claires. Chaque acteur se choisit ses propres outils de visibilité et de présence numériques, sans concertation avec les autres. Chacun opère en silo.”

Résultat? Une bien peu joyeuse cacophonie et un véritable capharnaüm 2.0.

C’est le constat posé par Territory Tools, une nouvelle initiative belgo-française qui ambitionne de remettre un peu d’ordre dans les bergeries. Initiateurs? Dominique Moraux, qu’on a connu, ces dernières années, comme étant active dans la problématique du commerce connecté pour petits acteurs locaux, et ses partenaires français, les sociétés Dinao et Lydaxius, toutes deux sont basées à La Ciotat, dans le sud de la France (à proximité d’Aubagne et de Marseille). Dinao est spécialisée dans l’hébergement de sites (notamment de sites d’e-commerce) et est certifiée VMWare, Cisco et Microsoft. Lydaxius, quant à elle, est une agence de marketing digital et de développement de solutions Web.

(Re)créer un véritable écosystème

“Une ville, une commune, un espace territorial, c’est ou ce doit être un écosystème. Celui-ci doit être efficace, avec ses différentes parties constituantes se renforçant mutuellement.

Or que constate-t-on aujourd’hui? Que divers projets surgissent: smart city, commerce connecté, participation citoyenne… Mais quelle en est l’efficacité, la cohérence? Souvent aussi, on constate que les projets estampillés “transformation numérique” ne parviennent pas à s’installer dans la durée, souvent par manque d’accompagnement pour leur mise en oeuvre et une utilisation pertinente.”

Source: Action “Coeur de ville” (France). Objectif: redonner de la cohérence aux initiatives locales

Pour faire agir toutes les parties concernées – administrations, commerçants etc – dans un but cohérent, Territory Tools ambitionne de proposer une solution globale mais pas pour autant monolithique. “Territory Tools n’est pas quelque chose de “clé-sur-porte”. C’est plutôt un environnement, un ensemble d’outils mis à disposition – pour de la diffusion d’informations, de la création d’événements, de sondages, des campagnes de marketing en-ligne, de la gestion de statistiques sur les actions menées…

Chaque ville et commune pourra le paramétrer, conserver et intégrer d’éventuelles solutions qu’elle aurait déjà mises en oeuvre – par exemple, une plate-forme de sondage-citoyen.”

L’idée de base est que Territory Tools serve de plate-forme centrale où chaque acteur territorial (pour rappel, service municipal, association, commerçant, acteur culturel ou touristique, école, club sportif…) disposera de son propre espace de visibilité et qui prendra en charge, pour eux, la diffusion d’informations, messages, avis, promotions…

Données publiques, données ciblées

En termes de données que sera amenée à gérer la plate-forme Territory Tools, il faut établir une distinction entre celles qui serviront de contenus, visibles par tous les internautes, et celles qui seront diffusées via divers canaux vers une cible précise.

Première catégorie: les informations constituant la “fiche” de chaque acteur territorial. Par exemple, la présentation d’un commerce, d’une association, la liste des événements qu’ils organisent ou sponsorisent, des promos commerciales.

Deuxième catégorie: les informations destinées à être diffusées.

Il n’y aura pas de centralisation, combinaison ou échange de données. Les acteurs territoriaux (commerces, associations…) ne procurent pas des listes de diffusion ou des bases de données à Territory Tools.

Chaque partenaire indique simplement à la plate-forme le type de destinataires qu’il veut informer ou contacter. A quelle fréquence et via quel canal.

Ce “type” de destinataires est une sorte de “profil” de chaque citoyen. C’est en effet chaque citoyen qui décide de la teneur des informations que collecte la plate-forme à son sujet. Il doit s’inscrire et, en signifiant son intérêt pour tel ou tel type d’informations ou thématique d’intérêt pour lui, il se bâtit ce profil, acceptant de recevoir des informations s’y rapportant et venant de tout type d’acteur.

Ces données, fournies spontanément ou livrées au travers des pôles d’intérêt signalés (en s’abonnant à un fil d’actualité, en répondant à un sondage, en “suivant” l’association X ou l’acteur culturel Y sur les réseaux sociaux…), seront également enrichies par d’autres paramètres tels que son lieu de résidence ou l’endroit où il se trouve en temps réel (s’il a accepté, via son smartphone, d’être géolocalisé). Le tout en respect donc de la législation GDPR.

La plate-forme se charge alors de la diffusion, pour le compte des acteurs territoriaux, via ses outils de distribution (mail, messagerie SMS, appli, réseaux sociaux…).

Jean-Luc Santarelli, Territory Tools France et directeur de Lydaxius: “Nous avons volontairement évité le principe de la diffusion sur base de listes que nous confieraient des commerçants, par exemple pour des campagnes marketing préconfigurées. Et ce, afin de ne jamais pouvoir être suspectés d’avoir usurpé des données ou des informations extérieures”.

Prenons un exemple. Une association de commerçants désire informer un large public d’une action ou d’un événement commercial. Elle procure à Territory Tools le contenu de son message et le type de personnes qu’elle désire toucher. Par exemple, les personnes aimant les produits bio et résidant dans le périmètre d’un quartier de la ville.

Autre exemple, davantage orienté géolocalisation: une action de sensibilisation ou un sondage d’opinion concernant l’aménagement de la place du marché, action qui doit viser non seulement les riverains mais aussi, potentiellement, les personnes fréquentant actuellement cet endroit – qu’ils soient des habitants locaux, des personnes de passage, des touristes… 

Côté citoyen, le fait de “suivre” tel ou tel commerce, de choisir une thématique (#bio, #théâtre, #braderie, #bénévolat…), permettra au système de le repérer comme destinataire de toutes les communications, de tous les acteurs territoriaux, correspondant à ces sujets.

Site-portail et appli

La solution Territory Tools existera à la fois sous forme de site-portail – que chaque municipalité pourra déployer en “marque blanche” (en l’insérant donc dans son propre site ou en lui conférant la charte graphique existante) – et sous forme d’application mobile.

Dominique Moraux: “L’idée est à la fois d’éviter que chaque acteur doive développer et gérer ses propres outils et de recréer de la cohérence dans les initiatives locales.”

Sur le site, tous les contenus et informations des différents acteurs locaux seront visibles mais, à terme, la plate-forme devrait être suffisamment “intelligente” pour filtrer et présenter en priorité à chaque internaute les sujets et thèmes qui correspondent à son “profil” ou à son rôle.

Idem via l’appli: l’utilisateur pourra sélectionner le type d’informations (sources, thèmes…) qu’il désire recevoir. “Par exemple, uniquement ce qui a trait à la culture, aux produits bio, aux commerces de son quartier et aux travaux publics dans sa rue.”

Mais, ajoute Dominique Moraux, une même personne pourra avoir plusieurs “rôles”, avec donc possibilité d’accéder à divers contenus: “On peut être simple citoyen. Ou citoyen d’une ville et commerçant dans cette même ville. Ou encore, en dehors de sa vie professionnelle, président ou membre d’une association sportive.”

Un citoyen-commerçant aura droit, outre les informations pour son quotidien de citoyen, à certains “outils” pour la gestion de ses activités, messages et actions en tant que commerçant.

Quelles données et quel profil des destinataires?

L’une des premières questions qui vient à l’esprit quand on découvre le projet Territory Tools est de se demander qui détient et gère les données des citoyens destinataires, quelles sont les données que la solution détient ou utilise les concernant pour préciser leur “profil”, leurs centres d’intérêt, les informations à leur fournir…

“Aucun des acteurs n’aura accès aux listes des autres. La confidentialité des données des citoyens sera garantie. Toutes les données des destinataires de campagne d’informations seront systématiquement anonymisées”, promettent les initiateurs de la plate-forme Territory Tools. “Les villes et communes clientes, elles non plus, n’auront pas accès ou une vue sur ces données.”

Jean-Luc Santarelli, Territory Tools France et directeur de Lydaxius: “Nous avons volontairement évité le principe de la diffusion sur base de listes que nous confieraient des commerçants, par exemple pour des campagnes marketing préconfigurées. A terme, s’il y a une forte demande de ce type, nous pourrions importer de telles listes. Mais nous ne prendrions pas alors la responsabilité [vie privée] de ces listes”.

Précisons ici que la solution est proposée en mode SaaS (software as a service).

Qui gère les serveurs? En France, ce sera Dinao. En Belgique, le partenaire choisi est Econocom.

Multiples défis

L’initiative est encore toute neuve, pas encore réellement portée sur les fonts baptismaux. Une société (de droit français, similaire à une sprl, co-propriété des trois initiateurs) est en passe d’être constituée (les statuts ont été déposés).

Le trio de partenaires recherche de cinq premières villes ou communes-pilote. Avec l’espoir de signer les premiers accords “bêta” avant la fin de l’année. Taille de ville (ou de zone territoriale) visée en priorité pour cette phase: “de 30 à 100.000 personnes.” Des villes ou communes-pilote, crédibles et représentatives, auprès desquelles la réussite des projets sera cruciale pour l’avenir de Territory Tools.

Durée du projet-pilote: 24 mois. Avec structuration en plusieurs phases afin de “déployer progressivement les différents outils et fonctionnalités. Un premier test avec une population limitée sera effectué avant déploiement plus généralisé. 

Territory Tools s’est d’ores et déjà engagé à respecter la charte Smart Région wallonne…

Pour faire accepter son concept, Territory Tools devra relever de nombreux défis. A commencer par l’important travail d’intégration avec des solutions pré-existantes qui risque fort d’être nécessaire dans de nombreuses villes et communes. A moins – scénario idéal pour la nouvelle société – que ces entités territoriales ne s’en remettent à son seul catalogue de modules et fonctionnalités…

Mais si intégration il doit y avoir, il faudra veiller à ce que les ressources, techniques et humaines, soient disponibles, les administrations locales ou municipales voulant éviter toute surcharge de travail, en particulier pour celles qui ne disposent pas des ressources et compétences internes pour le faire.

Il faudra pour ce faire convaincre de la solidité de la nouvelle société, de sa capacité à agir – tant en Belgique qu’en France.

Pour l’heure, quatre personnes sont prévues pour assumer la phase de lancement de la plate-forme, dans les deux pays. “Nous sommes suffisamment dimensionnés pour cette étape et pour accompagner les villes-pilote”, estime Jean-Luc Santarelli, responsable de Territory Tools France et directeur de Lydaxius. “Pour la suite, nous ferons appel à des sociétés partenaires spécialisées, opérant au niveau local. En Wallonie, l’écosystème est déjà bien constitué avec des acteurs tels que Wallonie en Poche. Nous nous intégrons d’ailleurs totalement dans la charte Smart Region.”

Territory Tools promet donc de jouer la carte du partenariat et de l’intégration plutôt que de la concurrence. “Nous voulons avant tout fabriquer et proposer des outils avec des spécialistes proches du territoire visé. Nous ne proposerons nos propres fonctionnalités que si nous constatons qu’elles n’existent pas dans le catalogue des partenaires locaux.”