Brunehaut: une commune investit dans la “pensée informatique”

Pratique
Par · 25/06/2018

La commune de Brunehaut a décidé de débloquer un budget afin de miser sur l’enseignement de compétences numériques de base (découverte de la pensée informatique et de l’algorithmique) dès la maternelle et le primaire. Un moyen, aux yeux des édiles locaux, de se différencier un peu à la manière de ce que la commune avait déjà fait par le passé, en se lançant dans l’immersion linguistique. De quoi donner un cachet et une valeur d’attractivité à deux de ses écoles (une pour le néerlandais, une pour l’anglais).

Ne pas attendre que le train soit en marche

(1) Qu’entend-on par “pensée informatique”? Voici la définition retenue par l’Namur: “processus de pensée impliqués dans la formulation de problèmes et de leurs solutions afin que celles-ci puissent être représentées sous une forme qui peut être effectivement exécutée par un agent de traitement d’informations“. “Lorsque l’on range une bibliothèque, qu’on planifie un trajet optimal sur une carte, qu’on compare des offres d’abonnement ou qu’on conçoit les plans d’une future maison, la pensée informatique est à l’oeuvre et ce, sans que l’objet ordinateur soit concerné. Ce qui démontre son universalité.”

Brunehaut, petite communale rurale de quelque 8.000 habitants dans la région de Tournai, c’est un total de sept implantations scolaires (maternelle et primaire dans chaque implantation)

Trois d’entre elles avaient introduit, voici quelques mois, un dossier dans le cadre du projet Ecole numérique de la Région wallonne. Un seul a été accepté. Il concerne notamment la programmation de robots Thymio pour inculquer ou faciliter la maîtrise de la géométrie en ajoutant quelques touches de “pensée informatique” (1).

“Principale motivation: démontrer à l’élève qu’il est nécessaire de décomposer un problème complexe en plusieurs petits problèmes simples afin d’être mieux organisé et d’arriver à un résultat correct. Avec Thymio, l’enfant pourra comprendre ses erreurs en voyant concrètement l’utilité et la nécessité de bien se structurer.”

Un seul projet ayant été retenu – et financé par la Région – restait à savoir quoi faire des deux autres. “Nous avions prévu, dès le départ, un budget [30.000 euros] pour faire démarrer les trois projets en même temps et ne décevoir ainsi personne”, souligne Daniel Detournay, premier échevin, en charge de l’enseignement. La décision fut donc prise de financer les deux autres projets sur fonds propres.

Démontrer qu’une école rurale, elle aussi, peu innover. Ici, l’école communale de Wez-Velvain (entité de Brunehaut)

Conseillée et accompagnée par l’Université de Namur (voir ci-dessous), la commune “considère que la pensée informatique doit être une compétence de base pour les enfants”, déclare Vincent Englebert de l’UNamur, doyen de la Faculté d’informatique.

“Nous voulions également démontrer ce dont une école rurale est capable, nous démarquer en démontrant qu’on peut innover”, poursuit Daniel Detournay. “L’entité de Brunehaut, c’est 8.000 habitants et 800 enfants qui sont scolarisés dans les villages. Nous démontrons ainsi qu’il est possible de les former en milieu rural, d’apporter un enseignement de qualité.

A terme, le Pacte d’Excellence intégrera cette dimension de l’introduction à la pensée informatique, et ce, de manière concrète, via l’algorithmique, chose qui est aujourd’hui totalement absente du primaire. D’ici quelques années, ce sera sans doute un élément commun à tous les établissements mais nous voulions anticiper, prendre le train en marche, ne pas arriver trop tard.”

A noter que le projet a aussi été initié à l’instigation des instituteurs et institutrices, “très demandeurs”.

Au-delà de la tablette

La pensée informatique, telle que veut la rendre possible Brunehaut, passe par la mise en oeuvre d’une série de matériels et de méthodes d’apprentissage et de découverte. En mode connecté et “débranché” (sans matériel numérique). Avec des robots (Thymio ou autres), des tablettes, des TBI (tableaux interactifs)… Le type de matériel sera déterminé en collaboration avec l’UNamur en fonction des projets pédagogiques imaginés pour les enfants.

Le programme et le contenu des apprentissages se bâtiront au fil du temps mais voici déjà un aperçu de la manière dont les plus jeunes, à Brunehaut, seront “acclimatés” à la pensée informatique.

L’un des projets vise l’apprentissage de la pensée informatique au travers d’exercices ludiques: programmation d’un chemin entre deux points, dessin de formes… Un autre fera intervenir divers outils, sans doute, notamment, des robots Thymie, pour des exercices ludiques via lesquels les enfants découvriront la géométrie de manière “appliquée”, l’exemple concret utilisé étant l’aménagement et l’extension du bâtiment scolaire… Avec dessin de plans en classe ou dans la cour de récré, pour l’apprentissage de diverses compétences: modélisation, structuration de l’espace et du temps, programmation, “soft skills”… L’aménagement de la cour de récréation de l’école de Rongy verra d’ailleurs les enfants interagir avec divers intervenants locaux – ceux qui gèrent les serres, les vergers ou encore la Jeunesse Rongycienne.

Daniel Detournay (Brunehaut): “Il faut former les instituteurs à aborder la pensée informatique de manière cohérente et, surtout, veiller à assurer un suivi de l’enseignement qui est donné, analyser les formations…”

Comme signalé plus haut, les enseignants de trois écoles (tous degrés confondus – maternelle et primaire) seront formés et donneront ces cours empreints de numérique et d’algorithmique. Sont concernés, au total, 18 institutrices et quelque 200 élèves. Les écoles sont situées sur les territoires de Bléharies, Wez-Velvain et Rongy.

La Faculté d’informatique de l’UNamur assurera la formation et l’accompagnement des enseignants. “Le partenariat avec l’UNamur était essentiel”, estime Daniel Detournay, “dans la mesure où la pensée informatique nécessite une formation pertinente du personnel enseignant. Si on ne se fait pas accompagner, on court le risque de commettre des erreurs. Il faut former les instituteurs à aborder la pensée informatique de manière cohérente et, surtout, il faut veiller à assurer un suivi de l’enseignement qui est donné, analyser les formations…”

Quand Thymie est de la partie…

Ce dernier volet est crucial, insiste Vincent Englebert. “Bidouiller avec un Thymio, c’est ludique mais il faut être sûr que les enfants en retirent de réelles compétences. Il faut donc mettre en oeuvre une boucle de rétroaction, corriger la pédagogie.”

Comment les instituteurs et institutrices seront-ils formés? Tous bénéficieront de deux ou trois journées de formation début septembre. En partie à l’UNamur, en partie dans leurs écoles. “Les trois écoles travailleront de concert, échangeront, collaboreront, amélioreront mutuellement leurs expériences”, explique Vincent Englebert. 

La première journée servira à leur inculquer le b.a.-ba, “à démythifier l’informatique et le numérique”. Viendront ensuite les premiers éléments de pensée informatique, d’initiation à l’algorithmique, la découverte de divers outils.

“Après la première journée de formation, la démarche adoptera la méthode agile, en fonction des difficultés rencontrées et le degré d’autonomie des enseignants. Nous observerons sur site comment ils enseignent, nous procéderons à des corrections en tête à tête ou en petit groupe. L’expérience vécue servira par ailleurs à alimenter la thèse que prépare Julie Henry, experte en Didactique de l’informatique et en formation des enseignants à l’UNamur.

Et il y aura un suivi régulier, avec remontée des questions par le biais d’échanges courriel ou de forums…”