Les initiatives, tant (para-)publiques que privées, se multiplient – BeCode, Class’Code, EduCode, Kodo, Coder Dojo… Cela semble faire plutôt désordre et classe dissipée. Chacun y va de sa petite pierre à l’édifice. Sans plan global. Sans réelle structuration. Avec des idées pour motiver et instiller le goût des compétences numériques qui suivent, chacune, leur chemin.
Ne faudrait-il pas coordonner un tant soit peu ces initiatives, surveiller ce qui marche ou non, éviter les redondances inutiles, voire les contradictions dans les démarches pédagogiques?
Sans doute mais, par ailleurs, le monde de l’enseignement et – surtout – les jeunes générations ou tous ceux qui sont demandeurs de compétence nouvelles ne peuvent attendre le démarrage du train.
Voici comment Nicolas Pettiaux, l’un des instigateurs du futur colloque EduCode, voit les choses.
“Il n’est pas nécessaire de structurer l’enseignement dans la mesure où ce dernier doit s’adapter à chaque apprenant. Les objectifs généraux, eux, doivent en effet être communs mais ils n’ont rien de spécifiquement belges. Ceux qui ont été définis en France peuvent tout aussi bien s’appliquer chez nous. Il faut certes structurer – mais un minimum – et il faut arrêter avec ces lois qui changent tout le temps et les décrets qui se contredisent…
La mise en oeuvre, elle, doit être laissée aux enseignants. Le gros problème actuellement est le manque de confiance dont font preuve les structures face aux professeurs. C’est à ces derniers qu’incombe un rôle déterminant. Ceux qui peuvent faire évoluer l’école sont ceux qui sont le plus proche d’elle, c’est-à-dire les enfants et les enseignants.”
Sans aller jusqu’à parler de structuration, ne devrait-il pas y avoir au moins coordination?
Aux yeux de Nicolas Pettiaux, des instruments utiles sont par exemple DigComp, le référentiel européen des “e-compétences” du citoyen lambda, “qui procure un cadre, les étapes à franchir”, et Pix, la plate-forme en-ligne d’évaluation et de certification des compétences numériques. “Mais, par contre, il n’y a pas de formule magique pour savoir comment parvenir à ces compétences.”
Selon lui, il est donc plus logique “de laisser la liberté à chacun [lisez enseignant, initiative pédagogique] l’occasion de s’exprimer, de procéder selon sa méthode, de s’adapter à l’apprenant. Le domaine est en effet neuf, personne ne sait comment faire…”
Deux choses apparaissent toutefois comme certaines à ses yeux. D’une part, “ne pas laisser les informaticiens décider parce qu’ils ne connaissent pas tous les profils [d’apprenants].” Et, d’autre part, “faire en sorte que toutes les initiatives se connaissent.” EduCode ambitionne d’être ce partenaire, “opérant en parallèle avec l’ARES [Académie de recherche et d’enseignement supérieur], en étant un partenaire non officiel de coordination des activités numériques dans l’enseignement.”
Harmoniser, formaliser la didactique ?
Nicolas Pettiaux (EduCode): “Pourquoi ne pas puiser dans la réserve des enseignants détachés – 10% du total en Communauté française? Instaurons le principe des “professeurs volants”, qui seraient sollicités pour permettre aux professeurs d’aller en formation.”
Face à la multiplication des initiatives, la question se pose du choix de la – ou des “bonne(s)” didactique(s).
Certains ne croient pas à la formule-miracle. On l’a vu plus haut avec Nicolas Pettiaux.
Qu’en pense Olivier Goletti qui, dans le cadre de SiCarré, a imaginé un guide informel (référentiel) d’acquisition de compétences de base?
“Notre espoir est que quelque chose change dans la formation initiale et continue des enseignants. Voilà pourquoi nous avons défini un référentiel et imaginé une séquence de cours, avec des activités et des contenus testés en classe. Le but, pour nous, est d’être prêts quand le référentiel du Pacte d’Excellence entrera en vigueur.”
Pour l’heure toutefois, personne au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’a encore demandé à voir ce que SiCarré avait réalisé…
A ses yeux, le problème, actuellement, est l’immense flou qui règne sur la manière dont les choses se mettront en place. “On réfléchit, en consortium, aux activités à mettre en oeuvre mais sans savoir quel est le référentiel ultime, sans connaître la grille horaire qui sera allouée aux technologies IT et sans savoir qui donnera cours.”
Le rôle des enseignants
Nicolas Pettiaux (EduCode): “Mon rôle, en tant que professeur, est avant tout d’être un agent de motivation des jeunes. Ceux qui le veulent pourront trouver tous les outils qu’ils veulent – notamment des MOOC, des livres.
Par ailleurs, le problème de l’acquisition de compétences IT et numériques, côté apprenants, vient de ceux qui ne sont pas motivés ou qui ne savent pas comment s’y prendre.
Mon deuxième rôle est de former des citoyens libres, c’est-à-dire des personnes pouvant subvenir à leurs besoins, d’être libres d’exercer leur libre arbitre.
Ma démarche est plutôt celle de l’apprentissage par projet, en faisant cherchant l’apprenant. Je le guide pour qu’il sache apprendre plus facilement.”
Côté enseignants, où sont les freins à l’acquisition de compétences IT et numériques?
Aux yeux de Nicolas Pettiaux, la première raison qui explique les réticences des enseignants à se plonger dans les compétences numériques est… qu’ils ont peur du numérique. “Ils n’ont jamais été formés au numérique et les outils changent trop vite. Voilà pourquoi le premier but de l’événement EduCode (fin août à Bruxelles) sera de les aider à ne plus avoir peur, à accepter leurs limites, à savoir se remettre en question, à accepter que les jeunes en sachent plus qu’eux et leur montrent comment faire, à accepter d’essayer et de rater.
Au sujet du volontarisme nécessaire des enseignants, Pascal Balancier, expert edtech à l’Agence du Numérique, met en garde par rapport à l’effet destructeur d’un montage belgo-francophone démotivant: “L’effet systémique de la fédéralisation des compétences complique les choses. Culturellement, nous n’avons pas la bonne disposition d’esprit [en matière d’enseignement numérique]. Ceux qui [parmi les enseignants] sont motivés s’épuisent et abandonnent au bout d’un certain temps. Le système ne valorise pas le dynamisme et l’initiative.”
Nicolas Pettiaux (EduCode): “Les mauvais enseignants sont ceux qui utilisent les mêmes outils depuis 10 ans, les mêmes pratiques depuis 40 ans. Ils ne s’adaptent pas à un monde qui change et ne sont pas en phase avec ce qu’attendent les apprenants.”
Quel rôle pour la Communauté française?
Nicolas Pettiaux: “La Communauté française devrait être un acteur fédérateur, mais elle ne l’est pas. EduCode [la conférence mais également l’asbl en cours de constitution] veut dès lors jouer ce rôle, être une plate-forme où tous les acteurs du numérique peuvent être présents et échanger.”
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