Fin 2017, les Mutualités libres organisaient, en collaboration avec le cluster Lifetech.brussels, un hackathon e-santé et y participait d’ailleurs activement au travers de deux projets. L’un, “Hi Claude”, avait pour thème la télésurveillance de personnes âgées (relire la présentation que nous en faisions) ; l’autre, baptisé Baby and Mum, vise le développement d’une appli devant assurer le suivi à long terme de la jeune maman lors de son retour à la maison après accouchement.
Pourquoi l’Union nationale des Mutualités libres (MLOZ) a-t-elle décidé de s’investir dans ce genre d’événement? “Un hackathon est un format parmi d’autres, l’occasion, dans un temps certes limité, de tester certaines idées avec des start-ups ou des porteurs de projet”, indique Olivier Callebaut, program manager à l’Union.
Olivier Callebaut (Mutualités Libres): “Il faut amorcer la pompe, réfléchir ensemble, être audacieux.”
A ces yeux, ce genre d’exercice et d’autres types de collaborations ou d’expériences (la MLOZ participera, à la fin de ce mois, à un atelier concocté par le living lab wallon WeLL dédié à l’e-santé – voir plus bas) est indispensable pour susciter de nouvelles idées, éveiller les prises de conscience au sujet des potentiels et nécessités d’innovation.
“Travailler avec des start-ups ou des acteurs innovants permet de casser les silos non seulement entre médecins, hôpitaux, spécialistes et patients, mais aussi les barrières qui ont été érigées avec d’autres domaines – les assurances, le secteur bancaire… – qui, de leur côté, accordent toujours plus d’attention à des aspects sociaux et environnementaux.”
Co-créer est perçu comme une nécessité dans la mesure où “les problématiques opérationnelles accaparent notre temps” – sous-entendu laissent trop peu de place à la réflexion et à la prospective. “Il faut donc amorcer la pompe, réfléchir ensemble, être audacieux.” Oser imaginer et se lancer dans des projets, en s’appuyant sur des acteurs et idées tierces – “même si, sans doute, un seul projet sur dix aboutira.”
Secouer les collaborateurs
Hackathons et autres formes d’expérimentation et de (début d’)innovation ont donc un “rôle à jouer en termes de coaching, d’éducation, de transformation du métier [des mutualités] qui, d’organismes rembourseurs, se transforment en acteurs d’éducation à la santé, de prévention, pour bien informer et encourager les patients à prendre en charge leur santé.”
Olivier Callebaut ajoute encore que ce hackathon e-health “était l’occasion de démontrer que notre organisme vit avec son temps et que nous voulons nous inscrire dans la “chaîne de valeurs”, en tant que contributeur et acteur fort. C’était aussi l’occasion, en interne, de secouer un peu les collaborateurs, de prouver que l’on peut innover, de stimuler l’émergence d’idées auprès des collègues…”
Olivier Callebaut (Mutualités Libres): “Co-créer permet d’être innovant, chacun – mutualité, hôpital, start-up… – apportant son expertise. Tous peuvent en tirer un bénéfice mais cela ne pourra venir que du collectif, tant chacun a ses priorités, ses limites et ses contraintes. Il faut sortir chacun de sa zone de confort.”
De la part d’une fédération telle que MLOZ, le but est aussi et surtout de montrer l’exemple, d’allumer une mèche, de pousser ses différents membres (la MLOZ chapeaute 5 mutuelles) à s’engager à leur niveau dans des projets d’innovation.
C’est ainsi que le projet de télésurveillance des personnes âgées (ou souffrant de maladies chroniques) sera porté par Partena. L’autre projet (suivi des jeunes mamans) doit encore faire l’objet d’une évaluation, en interne, afin de déterminer l’opportunité et, surtout, les modalités à mettre en oeuvre pour le poursuivre.
Rénover le secteur
L’espoir d’Olivier Callebaut est par ailleurs que les mutualités puissent jouer un rôle plus prégnant dans la mise en place de nouveaux mécanismes permettant à l’immense machinerie de la sécurité sociale et des soins de santé de fonctionner de manière plus fluide, davantage en accord avec les contraintes (et potentiels) nouveaux de la technologie et les attentes tout aussi nouvelles des patients.
“Notre mission, après tout, est de travailler dans l’intérêt de la santé publique et de permettre de réduire les coûts de la sécurité sociale. Il faut dès lors trouver des mécanismes intelligents en matière de financement et de remboursement. La ministre Maggie De Block a présidé au lancement de plusieurs projets-test pour le développement d’applications mais il serait nécessaire de les structurer, de permettre aux organismes assureurs que nous sommes de participer à l’évaluation de l’adéquation de ces applis. [Ndlr: ce qui reste, pour l’instant, un pu voeu pieux]
Les anciens principes – procéder à des études cliniques dont les résultats n’arrivent qu’au bout de plusieurs années et servent de socle de décision pour inclure ou non tel ou tel médicament ou dispositif dans la liste des remboursement possibles -, ces principes ne sont plus adaptés à la réalité actuelle.
L’innovation technologique, le foisonnement de dispositifs connectés, d’applis e-santé et, demain, d’objets “intelligents” implantés, imposent un rythme insoutenable. Certes, toutes ces innovations ne sont pas forcément judicieuses et ne justifient pas toutes un remboursement mais, comme le souligne Olivier Callebaut, “l’IT [big data, analytique…] permet d’évoluer vers de l’evidence-based plus rapide. De quoi accélérer le processus de remboursement structuré.”
Un petit exemple? En Flandre, Partena Onafhankelijk Ziekenfonds a décidé de rembourser (partiellement) l’appli Fibricheck, une appli pour smartphone, uniquement disponible… sur ordonnance du médecin, qui permet de détecter, par simple contrôle tactile du doigt, les symptômes d’arythmie cardiaque.
Olivier Callebaut (Mutualités Libres): “La masse de données récoltées pourrait permettre de décider, par exemple, sur quelles pathologies ou maladies chroniques se concentrer.”
Partena Ziekenfonds rembourse jusqu’à 30 euros par an, pour une appli qui se loue 25 euros par mois. Justification: “C’est un exemple d’appli bien pensée qui peut aider le médecin à poser un diagnostic précis et qui rend les soins de santé plus accessibles et moins onéreux”, déclarait récemment Christine Van Daele, responsable de la promotion de santé chez Partena Ziekenfonds.
De la part des Mutualités libres, cet exemple “est un premier geste. Les autres mutuelles se concentrent surtout sur de applis encourageant à un style de vie plus sain – suivi du poids, de l’activité physique… MLOZ s’intéresse davantage aux applications qui encouragent l’implication du patient, qui portent sur la collecte de données pouvant servir à des études, au ciblage de comportement et à la prise de mesures concrète. Parmi les domaines qui nous intéresse, on peut citer le maintien à domicile et la surveillances des personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
L’axe vertical de l’interactivité avec le patient nous paraît plus intéressant et trop négligé”, poursuit Olivier Callebaut. “Or, dans de nombreux contextes ou créneaux – par exemple, les jeunes mamans, la télésurveillance de patients cardiaques, le traitement des brûlures, des cancers, le suivi des trajets de dialyse, la sclérose en plaques… -, il est intéressant de privilégier cette interactivité.”
Reste à résoudre le nerf de la guerre: les moyens – en temps et en argent. D’où la conviction de notre interlocuteur que la co-création est une piste intéressante. “Cela permet d’être innovant, chacun – mutualité, hôpital, start-up… – apportant son expertise. Tous peuvent en tirer un bénéfice mais cela ne pourra venir que du collectif, tant chacun a ses priorités, ses limites et ses contraintes. Il faut sortir chacun de sa zone de confort. Il faut convaincre par le biais de proofs of concept, faire parler les usagers.”
Atelier au living lab
L’Union Nationale des Mutualités Libres a demandé au living lab wallon WeLL, dédié à l’e-santé, de lui organiser une séance d’idéation et de réflexion, fin de ce mois de janvier. Elle aura pour but de recueillir les attentes des citoyens par rapport aux innovations qu’ils attendent de la part des organes mutualistes.
“Cela nous permettra de compléter notre propre vision, d’explorer de nouvelles pistes éventuelles”, commente Olivier Callebaut. “Nous savons que nous devons travailler sur l’exploitation des données, sur la continuité des soins, sur l’amélioration des conditions de travail des médecins conseil ainsi que sur la formulation de nouvelles méthodes de fonctionnement.
Ce sont là quatre axes que nous devons valider. Mais peut-être faut-il y ajouter d’autres axes…”
L’intérêt de le faire en adoptant la méthode du living lab? “C’est du verbatim. On y récolte le véritable ressenti du citoyen. C’est nettement plus efficace que de procéder par entretiens et sondages téléphoniques qui se basent sur des questionnaires fermés, avec en outre le filtre du canal téléphonique ou Internet…”
Un gros chantier de modernisation
L’Union Nationale des Mutualités Libres, comme d’autres, s’est engagée dans un vaste chantier de modernisation de ses procédures et, dès lors, de ses outils et solutions informatiques. Les usages se transforment et des organismes tels que les mutuelles sont souvent de gros paquebots qui doivent apprendre à naviguer plus souplement. Le lourd héritage du passé, la rigidité d’antan, se marie fort mal avec l’exigence de réactivité et les “habitudes de consommation en un clic” du citoyen.
“Il y a encore beaucoup de travail, d’innovation à concrétiser. Tout ce qui est facturation, changement de mutuelle, modification de statut, adaptations pour cause d’évolution de carrière ou prise en compte de l’augmentation des incapacités de travail implique des procédures encore trop complexes.”
Pour moderniser tout cela, la MLOZ travaille depuis trois ans à un ensemble de projets de rénovation de son IT:
- mise en place d’une architecture de Web services (“quasi terminée”) qui permettra aux affiliés d’effectuer davantage leurs démarches de manière dématérialisée (via Internet) ; l’architecture permettra d’expoer efficacement les données du back-office (où trônent souvent des ordinateurs iSeries, ex-AS/400, d’IBM)
- déploiement d’une solution CRM (Microsoft Dynamics) pour toutes les mutuelles chapeautées par MLOZ ainsi que d’une solution décisionnelle (ODS central et data marts IBM/Cognos, Tableau en front-end)
- solution plus fonctionnelle (Scriptura) pour la gestion du courrier sortant, avec potentiels de génération de notifications par mail ou SMS (rappels de rendez-vous, notifications de remboursement…)
- déploiement de formulaires électroniques pour toute une série de documents, de quoi alléger la charge de travail du centre d’appels
- activation de l’intégration avec Zoomit en guise de canal supplémentaire de paiement pour les affiliés (la solution est déjà opérationnelle du côté d’Omnimut à Liège et de Partena Ziekenfonds à Gand ; Partenamut Bruxelles et Wallonie suivront cette année)
- solution Scan by Phone mise en oeuvre par Partenamut qui permet à l’affilié qui a activé l’appli MyPartenamut sur son smartphone d’utiliser ce dernier pour scanner ses documents donnant droit à une intervention de son assurance complémentaire (demande de remboursement de stages, de séances de kiné…). “Plus besoin de télécharger le formulaire, de le rescanner, ou de passer en agence. La solution permet en outre de recevoir des notifications spontanées informant par exemple de la hauteur du remboursement.”
Notons encore parmi les autres projets initiés, une solution speech to text (dictée automatisée basée sur la solution Dragon Medical) pour les médecins conseil chargés de gérer les incapacités de travail. Il suffit désormais au médecin de dicter son rapport de visite et ses commentaires. L’appli se charge de remplir automatiquement les champs ad hoc. Un test de 6 mois est en cours auprès de deux médecins conseil namurois.
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Les 5 mutualités chapeautées par l’Union Nationale des Mutualités Libres (MLOZ) sont Omnimut, PartenaMut, la Freie Krankenkasse, Partena Onafhankelijk Ziekenfonds Vlaanderen et l’OZ Onafhankelijk Ziekenfonds. [ Retour au texte ]
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