Petit rappel pour resituer le cadre de cette question “peut-on facturer en bitcoins” qu’a récemment posée un de nos clients à notre département Digital & Innovation.
Le bitcoin est une crypto-monnaie, c’est-à-dire une monnaie basée sur un réseau informatique pair à pair (peer-to-peer) et décentralisé, qui exploite des principes de cryptographie pour confirmer les transactions et également générer de nouvelles unités en circulation.
Quelle valeur légale?
Autre principe préliminaire à rappeler: une monnaie doit être reconnue comme légale par les autorités monétaires et financières compétentes pour pouvoir être mentionnée sur une facture et utilisée comme unité d’échange entre des agents économiques.
En Belgique, la FSMA et la BNB ne semblent pas avoir changé leur position depuis leur communiqué de presse du 14/01/2014 dans lequel on pouvait lire : « l’argent virtuel n’est pas un moyen de paiement légal ».
Au niveau législatif européen, un premier pas a été franchi pour la reconnaissance légale de cette monnaie en 2015. La Cour de Justice Européenne a reconnu le Bitcoin comme une devise et, dès lors, ses échanges avec des devises traditionnelles doivent être exonérés de TVA.
Le Parlement et la Commission, pour leur part, réfléchissent à un cadre législatif, mais avec prudence. A lire : la proposition de directive destinée à « renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ».
Au niveau mondial, quels sont les principaux pays de l’OCDE où le Bitcoin est soit légal, soit toléré ?
– Légal : Allemagne, Australie, Corée du Sud, Finlande, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Philippines, Suède et Suisse.
– Toléré : Etats-Unis, Canada, Danemark, Indonésie, Royaume-Uni, Singapour.
A titre d’information, la Suisse travaille sur des nouveaux modèles pour rester à la pointe dans le secteur bancaire, mais aussi pour attirer de nouvelles entreprises pour compenser des pertes de recettes fiscales. Le canton de Zoug se définit ainsi comme une Crypto Valley. Son but ? Accueillir des jeunes entreprises qui exploitent des innovations en matière de monnaie virtuelle et de blockchain. Exemple : la société Monetas, qui propose la technologie associée à la monnaie virtuelle Ether.
Quelques notions bancaires
Poursuivons notre analyse des principes de base…
Traditionnellement, on indique le compte bancaire de son entreprise sur ses factures (identification par le code IBAN – International Bank Account Number).
Un portefeuille de Bitcoins et ses transactions ne sont techniquement pas historiés sur un compte bancaire. On parle d’adresses (anonymes). Peut-on dès lors mentionner son adresse Bitcoins sur une facture envoyée à un client ?
Selon la Directive 2001/115/CE, entrée en vigueur le 6 février 2002, la mention d’un compte IBAN n’est pas obligatoire. Utiliser une adresse Bitcoins pourrait donc être assimilé au fait de mentionner un compte électronique comme Paypal pour recevoir un paiement électronique. Dès lors, la réponse à la question “peut-on mentionner son adresse Bitcoins sur une facture envoyée à un client?” est oui.
Blockchain, un soutien à l’usage de la facturation digitale ?
En matière de facturation électronique, comme le précise la Circulaire AGFisc N° 14/2014 (n° E.T. 120.000) dd. 04.04.2014, une entreprise doit pouvoir garantir l’intégrité et l’authenticité des factures électroniques traitées.
L’authenticité signifie l’assurance de l’identité du fournisseur ou de l’émetteur de la facture, et l’intégrité fait référence au fait que le contenu de la facture n’ait pas été modifié au cours de son cycle de vie, et notamment à travers les systèmes d’informations par lesquels elle aurait transité.
La technologie Blockchain permet justement d’assurer une traçabilité et une authenticité des items gérés en son sein. En effet, considérons-là comme une base de données qui est publique, sécurisée et distribuée entre ses différents utilisateurs. Celle-ci contient en elle l’ensemble des échanges historiques effectués entre ses protagonistes. On la considère comme infalsifiable, inviolable et transparente parce qu’elle s’appuie sur une compétition permanente des mineurs, dont le gagnant est aléatoire. Et parce qu’il n’y a pas d’unité centrale.
Dès lors, demain, il est envisageable que les factures numériques soient des items traités à travers un tel système, composé d’entreprises anonymes, identifiées avec une adresse, et qui s’échangeraient ces mêmes items. Un envoi d’une facture correspondrait à une transaction écrite dans la Blockchain. Cette transaction, une fois inclue dans la Blockchain, et confirmée un certain nombre de fois (6 dans le cas du bitcoin, 12 dans le d’Ethereum), serait alors considérée comme infalsifiable, inviolable et transparente.
Imaginons aussi un grand livre de comptes, qui serait public et qui inventorierait l’ensemble des transactions depuis l’origine. Ce dernier serait accessible par l’administration à tout moment. En fait, elle ferait même partie intégrante du système.
Ce système permettrait aussi d’assurer l’authenticité et l’intégrité des factures traitées durant la période d’archivage (7 ans). A tout moment, l’administration pourrait consulter le grand livre pour vérifier un document.
Les avantages de la technologie Blockchain pourraient pleinement profiter à la facturation électronique. Ces avantages sont notamment :
- l’uniformité des formats électroniques
- un gain de temps dans le contrôle et la réconciliation
- la garantie de l’authenticité et de l’intégrité des documents échangés
- le renforcement de l’audit trail (trace d’audit)
- la réduction du risque de piratage
- la sécurisation des transactions.
Pour terminer, il est à noter qu’en attendant l’usage de la Blockchain, il existe déjà de nombreuses solutions dans le marché afin de garantir l’intégrité du contenu et l’authenticité de l’origine des factures électroniques.
Ces solutions sont notamment :
- une signature digitale sécurisée (carte d’identité, Isabel, Certipost, etc.)
- une procédure EDI (exploitant un système de cryptage)
- des fichiers PDF protégés.
Nicolas Denis
Senior Advisor chez BDO
(département) Digital & Innovation
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