Une nouvelle sorte d’entraînement, un peu spécial, va bientôt être ajouté aux pratiques des Spirous de Charleroi – pour les plus distraits ou allergiques au sport parmi vous, c’est de basket dont il est question…
La balle au rebond, les joueurs s’entraîneront à la maîtriser non pas sur le parquet mais à l’écran, via la solution 3DVT (VT comme “Visual Trainer”) mise au point par la start-up bruxello-carolo Human Waves, spin-off de l’ULB et de l’UMons (voir en fin d’article).
Spécialisée dans le développement d’interfaces cerveau-machine et de produits inspirés des neurosciences et de la neurotechnologie, la jeune société a identifié, à ses débuts, deux types de clientèle pour ses produits et services: l’univers sportif, d’une part ; la santé et les personnes handicapées ou cérébro-lésées, de l’autre. Mais les débouchés potentiels sont plutôt variés: performances sportives, apprentissage, optimisation des capacités cérébrales, neuromarketing, “neuro”-développement de produits…
Visual Trainer
La solution qu’a décidé d’acquérir le club des Spirous est un outil d’entraînement destiné à optimiser la perception visuelle, le potentiel de mémorisation et de soutien de l’attention. Le concept est simple: s’entraîner à repérer à l’écran des objets 3D en déplacement de plus en plus rapide, changeant de forme, de couleur, avec des effets de distraction pour compléter le tout et parvenir à retrouver l’objet qu’on était sensé suivre des yeux.
Ridiculement anodin et anecdotique pour des joueurs de basket pro? Détrompez-vous. En basket comme dans d’autres sports, entraîner et optimiser sa capacité de concentration et ses réflexes visuels peut s’avérer utile. Anne-Marie Clarinval donne quelques exemples: “sortir d’un peloton roulant à vive allure sans accident, savoir ou “deviner” où sont positionnés les équipiers pour réussir une passe en foot, ou anticiper un contact un rien rugueux afin que le muscle se relâche en prévision du choc et évite ainsi la blessure…”
Pour les Spirous, le but est d’optimiser le degré de concentration et, de manière plus large, “de progresser dans notre démarche de perfectionnement”, explique Jacques Ledure, consultant auprès du conseil d’administration du club. “Nous voulons pousser les entraînements plus loin, sortir d’un schéma purement traditionnel pour adopter demain une démarche plus scientifique. De nombreux joueurs à haut potentiel n’en exploitent que 50 ou 60%. Quand les lacunes sont techniques ou tactiques, on peut y pallier partiellement par un entraînement traditionnel mais il faut aller plus loin et inclure tous les éléments scientifiques dont on dispose aujourd’hui.”
Le recours au 3DVT pourrait n’être qu’un premier pas. Une autre solution de Human Waves intéresse en effet les dirigeants. En l’occurrence, l’analyse de mouvement. La spécificité de la start-up en la matière est de mesurer, d’analyser et de réconcilier diverses sources de signaux: la cinématique et la dynamique du mouvement proprement dit mais aussi les mouvements oculaires, les ondes cérébrales et les signaux émis par les muscles (signaux électromyographiques). De cette combinaison naît une meilleure compréhension de l’état et de l’“efficacité” du système nerveux. L’analyse permet de repérer les éléments pouvant être améliorés lors des entraînements afin de réaliser le “geste parfait” – quel que soit le sport…
Jacques Ledure (Spirous): “De nombreux joueurs à haut potentiel n’en exploitent que 50 ou 60%. Il faut aller plus loin que les méthodes classiques d’entraînement et inclure tous les éléments scientifiques dont on dispose aujourd’hui.”
A noter au passage que le monde du sport (football, basket, hockey, athlétisme…) n’est plus la seule clientèle cible du département Human Performance de la société. Ainsi, le 3D Visual Trainer peut être utilisé par de simples amateurs fréquentant les salles de sport ou de fitness ou encore par “des agents de sécurité, des militaires et agents de police et, de manière générale, toutes les personnes qui souhaitent améliorer leur niveau d’attention. Il permet également d’améliorer sa mémorisation et ses capacités de prise de décision”, déclare Anne-Marie Clarinval.
Concentration et relaxation
Pouvoir maîtriser son cerveau, via les solutions de mesure, de simulation et d’entraînement mises au point par Human Waves, donne aussi des résultats dans des domaines qu’on ne soupçonne pas toujours.
L’équipe de la société poursuit en tout cas ses recherches. L’un des derniers domaines à avoir été exploré concerne l’“état de flow”, un “état de concentration intense où l’individu se sent complètement absorbé par ce qu’il fait.”
Quels sujets Human Waves a-t-elle choisis pour étudier ce phénomène? Deux Maîtres de la Chapelle musicale Reine Elisabeth qui accompagnent notamment des violonistes déjà de haut à très haut niveau. Les recherches viseront à comprendre le “mécanisme” de cet état – qui est aussi “le plus propice au bonheur” – et ce, afin de parvenir à le provoquer.
Autre domaine où Human Waves est active depuis ses débuts: la mesure et la maîtrise des potentiels électriques du cerveau afin de soigner divers dysfonctionnements, tels que le TDAH (trouble de déficit de l’attention/hyperactivité), la schizophrénie, les troubles obsessionnels compulsifs, la dépression, l’addiction…
L’un des projets de R&D de la société en la matière est baptisé NeuroAtt. Objectif: développer un logiciel d’aide au diagnostic des troubles de l’attention et un système de neurofeedback. Public-cible? Essentiellement les enfants souffrant de troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité.
Entraînement à la relaxation avec feedback ludique: cocktail gagnant pour enfants hyperactifs?
Le projet a fait l’objet d’un premier financement dans le cadre du pôle de compétitivité BioWin et donne déjà des résultats étonnants. Les enfants s’entraînent à la relaxation en vérifiant en temps réel l’effet produit. Quel est ce “neurofeedback”?
L’état de relaxation a pour effet de produire des ondes alpha qui sont détectées par un casque léger posé sur la tête. Ces signaux sont envoyés à un ordinateur qui… pilote un petit robot. En quelque sorte par la “pensée”, les enfants font avancer le robot. Ils apprennent ainsi, à force d’exercices ludiques, à comprendre comment “dompter” par exemple leur hyperactivité.
“Cela démontre que ce type de technologie peut avoir un effet durable grâce à la plasticité du cerveau”, indique le Professeur Guy Chéron. “En s’entraînant régulièrement, les enfants parviennent à modifier la configuration et le traitement des informations par le cerveau.
En identifiant les zones actives du cerveau via les capteurs, nous pouvons mesurer son activité avant et après l’entraînement et voir quelles nouvelles zones actives ou quelles nouvelles connexions se sont créées.”
Dans sa phase actuelle, qui se termine en fin d’année, le projet NeuroAtt vise à mettre au point un outil d’aide au diagnostic. La prochaine étape consistera dans le développement d’un véritable logiciel à usage médical.
Le proof of concept, destiné au traitement des troubles de l’attention (enfants et adolescents), est une chose acquise. Un nouveau dossier sera déposé, toujours dans le cadre de BioWin, afin de pousser l’expérience plus loin, sur une cohorte plus importante (des enfants mais aussi des adultes).
Human Waves, à l’origine, c’est la rencontre de deux chercheurs: Anne-Marie Clarinval, ingénieure en biotechnologie passée par les labos de chimie de la Solvay Business School et le Sirris, et Guy Chéron, chercheur et fondateur du LNMB (Laboratoire de neurophysiologie et de biomécanique du mouvement) de la faculté des Science de la Motricité de l’ULB.
Leurs recherches et leurs développements s’appuient aussi sur des ressources du Service d’Electrophysiologie de l’UMons.
Le duo a ensuite été rejoint par deux autres scientifiques: le Dr. Paul Verbanck, psychiatre, directeur du département Traitement et étude des assuétudes à l’hôpital Brugman de Bruxelles et le Dr Bernard Dan, neuropédiatre, directeur du département de neuropédiatrie à l’hôpital des enfants Reine Fabiola.
La spin-off a Human Waves vu le jour en juin 2012. [ Retour au texte ]
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