François-Xavier Despret (3GSP): “Difficile de marquer sa différence”

Hors-cadre
Par · 10/11/2016

Voici quelques années (l’idée de base remonte à 2008), 3GSP, société basée à Meux en province de Namur, avait imaginé une solution pour vidéo-réunions et autres “webinaires”. La société avait même décliné la solution pour en faire un outil 2.0 pour interprètes, fort sollicités lors de conférences internationales.

L’année dernière, après bien des efforts, tant en développement qu’en démarchage commercial, 3GSP abandonnait la promotion et la commercialisation actives de sa solution. Pour cause d’adoption insuffisante.

Pourquoi l’idée, la solution n’a-t-elle pas convaincu?

François-Xavier Despret, directeur de 3GSP, procède à un petit diagnostic post-mortem. La suite de cet article est réservée à nos abonnés Select et Premium.

Il identifie tout d’abord un problème de choix de technologie. Le choix, au départ, ne posait pas de problème mais, au fil du temps, ces bases technologiques qui auraient pu devenir “mainstream” ont été bousculées, remplacées par de nouvelles évolutions, victimes du jeu d’influence de quelques grands noms qui font capoter certains espoirs de norme et de standard.

3GSP avait misé sur Flash, de moins en moins supporté. Elle avait ensuite tourné son attention vers le HTML5 et la perspective du WebRTC mais “tous les navigateurs ne les supportaient pas. Nous avions décroché un financement pour développer une solution sur WebRTC mais il ne s’est pas révélé être la norme magique. A l’époque de nos développements, le plus en pointe était Chrome (Google). Mais Apple ne le supportait pas…” [Ndlr: et ce n’est toujours pas le cas, même si les choses pourraient changer, Apple ayant annoncé avoir débuté les développements nécessaires…]

Pour des raisons de stratégie, les Apple, Microsoft et Google, ou encore Facebook, de ce monde n’aiment pas forcément supporter le même “favori”…

Fr.-X. Despret (3GSP): “Il y a, en matière de logiciels, un phénomène d’accélération incroyable. Même si la solution est une réussite, le peu d’argent qu’on gagne doit déjà être réinvesti à court terme…”

Ce support incertain ou inégal de la part des grands acteurs du marché est non seulement source d’expectative – surtout si on est un petit acteur wallon -, mais implique aussi, souligne François-Xavier Despret, qu’il faille avertir l’utilisateur potentiel qu’il devra installer et utiliser plutôt tel ou tel OS ou tel ou tel navigateur s’il veut pouvoir profiter de la solution de vidéoconférence ou de réunion virtuelle. Et gare à l’arrivée des nouvelles versions de ces OS ou de ces navigateurs qui, soudain, supportent moins bien ou plus du tout la solution…

“Il y a, en matière de logiciels, un phénomène d’accélération incroyable. Dans le temps, une solution pouvait espérer demeurer pertinente pour 5 ans ou plus, moyennant quelques adaptations. Désormais, au bout d’un an, une app doit déjà avoir évolué. [Ndlr: quand elle n’est totalement dépassée et reléguée aux oubliettes] Cela implique un gros problème d’investissement. Même si la solution est une réussite, le peu d’argent qu’on gagne doit déjà être réinvesti à court terme…”

L’écueil technologique ne fut pas la seule raison de l’échec de la solution 3GSP. La société a également rencontré pas mal de réticences sur le concept-même de réunion virtuelle. Le marché, selon François-Xavier Despret, n’était pas prêt et ne l’est peut-être pas encore. En particulier du côté des entreprises – petites ou grandes.

Question de mentalité? Manque d’argument-massue?

Pour espérer convaincre le marché et se donner quelques chances face à un poids lourd tel que Skype for Business (aujourd’hui dans le giron de Microsoft), un acteur local, estime François-Xavier Despret, doit avoir un clair différenciateur. Un argument choc. “Que ce soit en termes d’équité ou de sécurité, par exemple. Face à un Skype for Business qui est efficace et relativement bon marché, quelle valeur ajoutée une société wallonne peut-elle apporter?”

Même l’argument de la sécurité ne lui semble pas suffisant: “les entreprises ne semblent guère être intéressées même par cet argument-clé [Ndlr: la garantie que leurs données, leurs échanges ne seront pas captés, surveillés, copiés…]. Elles ne sont pas prêtes à payer pour avoir cette sécurité. Même dans les milieux de la recherche, quand des chercheurs échangent sur des projets, ils le font via Skype. Soi-disant en faisant signer aux participants un accord de confidentialité. C’est du grand n’importe quoi…”

L’argument sécurité? François-Xavier Despret (3GSP): “Soit les sociétés n’en ont cure, soit elles trouvent que ce n’est pas grave.”

Les vidéo-réunions ne sont pas encore rentrées dans les moeurs, selon lui. Question de mentalité.

Quid de certains arguments qu’aligne AlloCloud avec sa nouvelle solution Meeting Room (lire notre article)?

Premier argument: l’enregistrement des contenus sur lesquels ont travaillé les participants pendant la réunion virtuelle. François-Xavier Despret y voit une idée intéressante, notamment pour les conseils d’entreprise qui exigent que tout soit enregistré “mais la mentalité pour tenir ce genre de conseils d’entreprise à distance n’est pas encore présente chez nous”, estime-t-il.

Le défi? Trouver un argument différenciateur face à une solution telle que Skype for Business…

Deuxième argument: un prix abordable, en mode facturation à l’usage (abonnement dans le cloud). Selon lui, pour que cela devienne un bon filon, il faut évidemment du volume (en termes d’utilisation). Il dit avoir eu, à ce sujet, un échange intéressant, voici quelques années, avec un responsable de WebEx (solution de vidéo-réunions appartenant à Cisco). “Leur gros problème était le coût de leur solution, proposée sur abonnement. Ils devaient payer des opératrices pour inciter les clients à utiliser plus fréquemment WebEx…”

Pourquoi? Le client ne paie-t-il pas son abonnement même s’il n’utilise pas la solution, assurant un revenu régulier à l’éditeur? Certes… “jusqu’à ce qu’un contrôleur financier constate que l’abonnement n’est plus utilisé et décide de l’annuler.”

“Nous-même, chez 3GSP, nous avons dû encourager les clients à utiliser plus fréquemment, proposer des formations pour les encourager, leur envoyer des informations pratiques – du genre, volume de CO2 économisé si on pratique les télé-réunions…”

Même le prix de l’abonnement n’est pas forcément la raison du manque d’intérêt pour les réunions virtuelles. 3GSP avait passé un accord avec la Région wallonne qui avait décidé de financer elle-même les vidéo-réunions entre membres des différents Pôles de compétitivité. La solution était donc gratuite pour eux, dans le cadre des échanges sur projets, par exemple. Il y eu bel et bien quelques réunions du genre organisées par les pôles Wagralim et Mecatech mais ce fut un feu de paille.

Manque de promotion? Question d’habitude? Réunion en “chair en os” toujours jugées plus efficaces? Mystère…