Scale-up. Accélération. Ces deux termes ont-ils réellement un sens pour qualifier le programme d’accompagnement destiné aux “start-ups en phase de croissance” mis en oeuvre par le Microsoft Innovation Center de Bruxelles?
Le fait est que, parmi les 6 start-ups qui ont participé et bouclé la troisième édition du “MIC Acceleration Program” (deux ont arrêté en cours de route), on trouve des projets qui semblent en effet avoir été “accélérés”, avoir adopté un nouveau rythme de cheminement – sans pour autant déjà pouvoir prétendre au qualificatif de “scale up”. Mais il y en a aussi qui en sont sortis sans avoir réellement décollé. Parfois même qui ont dû pivoter, revoir leurs fondamentaux, ré-échelonner les objectifs.
Petite analyse.
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Le constat, posé ci-dessus, Cécile Jabaudon, directrice du MIC Brussels, ne le nie pas. “Le fait d’être dans une phase de croissance n’empêche pas de se remettre en question.”
Certes, mais encore… ? “L’étape du Boostcamp [autre programme d’accompagnement de start-up proposé par le Microsoft Innovation Center] sert à valider un projet, une idée, à mettre le porteur de projet en état de décider s’il se lance ou non dans son aventure. L’Acceleration Program est réservé aux porteurs de projets qui ont décidé de créer une société. Il s’inscrit comme une étape, parmi d’autres, dans le processus de croissance, avec un accompagnement structuré, en ce sens qu’il correspond à une planification progressive de conseils et d’accompagnement.”
Cécile Jabaudon (MIC Brussels): “Le programme d’accélération est destiné à ceux qui ont déjà décidé de ce qu’ils veulent faire, ont déjà un statut d’entrepreneur et un product-market fit.”
A quelles conditions une start-up, un projet doit-il satisfaire pour être accepté(e) par le MIC? Elles ne sont pas particulièrement restrictives. Il faut “au moins une personne qui se consacre à temps plein au projet, un produit qui ait déjà démontré son “market fit” (autrement dit, qui réponde à un besoin vérifié), et au moins quelques clients.”
Par contre, il ne faut pas forcément avoir déjà été constitué en société. C’est en tout cas la conclusion que l’on tire quand on voit qu’au moins une des participantes à la dernière session n’est réellement devenue société à la mi-juin.
Pivots et passage des vitesses
Comme on le verra plus bas à la lecture des conclusions que tirent plusieurs participants de leur passage par le MIC Acceleration Programme, ce dernier ne réussit peut-être pas toujours à “accélérer” les start-ups participantes mais leur donne des conseils et pistes à explorer leur permettant de s’engager potentiellement dans une phase d’accélération. Il y a là une nuance non négligeable.
Pour Neveo (auteur d’une solution de communications et de maintien du contact social pour seniors), plutôt que de produire une accélération, le programme a plutôt provoqué une réflexion sur les fondamentaux, les objectifs et les moyens d’y parvenir: “le programme du MIC ne nous a pas fait accélérer. Nous avons décidé de pivoter pour ne plus rester dans l’expectative, continuer à avancer”, déclare Simon Desbarax, co-fondateur et directeur commercial de Neveo. Voir l’article que nous consacrons au petit changement de direction qu’a opéré la société et aux moyens qu’elle a utilisés pour redéfinir son approche du marché.
Pour Oh Chef! (site de réservation d’un “chef à domicile”), le passage par le programme du MIC Brussels n’a pas réellement permis d’“accélérer”. Ici encore, parce que la start-up cherche encore son modèle business, les éléments qui lui amèneront réellement de la rentabilité et de la stabilité. Le croissance rapide n’est donc pas à l’ordre du jour dans l’immédiat.
Les conseils et avis obtenus l’ont amenée à tester de nouvelles choses, mais selon un timing trop serré, regrette Xavier Jeunejean, l’un des co-fondateurs. Il aurait voulu que le programme d’accompagnement dure plus de 6 mois…
“Nous n’avions pas imaginé au départ que convaincre les gens serait si difficiles”, dit-il. “Un chef, étoilé ou non, à domicile n’est pas encore entré dans les moeurs. Nous avons dû tester de nouveaux scénarios qui ne sont pas tous concrétisables. Il nous faut aussi élargir l’offre pour garantir plus de récurrence.”
Plusieurs pistes qui doivent encore être testées et validées (certaines lui ayant été “soufflées” lors de son passage au MIC). Parmi ces pistes, citons, d’une part, le concept de buffet à destination des entreprises, buffet préparé par un chef “qui peut ainsi donner davantage libre cours à sa créativité. D’autre part, l’événementiel, “pour des marges plus confortables”. Ou encore la vente par l’intermédiaire de propriétaires de salles “qui pourront réserver directement sur notre site, faire payer en-ligne et toucher un pourcentage.”
La récurrence pourrait aussi venir de partenariats avec des marques, canal de plus grande visibilité. Mais là encore, la start-up en est au stade des premiers contacts.
Tuyaux et levier
Pour Bastien Ritzen, directeur et co-fondateur de Zebra Academy (solution de télémédecine embarquée pour ambulances), le MIC Acceleration Program est surtout un pourvoyeur d’outils qu’il revient aux sociétés participantes d’utiliser au mieux pour trouver elles-mêmes la voie de l’accélération. “Je dirais que le programme est un très bon accompagnement pour une entreprise qui cherche à accélérer les choses et qui veut découvrir de nouvelles façons de le faire. Choses auxquelles on ne pense pas nécessairement quand on est seul face à ses défis.
Au-delà, je crois que ce sont les entreprises qui participent qui doivent prendre le temps de tester ces nouvelles techniques ou les conseils obtenus dans les différentes sessions pour voir si cela peut leur permettre d’accélérer.
Mon cas est assez particulier car j’évolue dans le domaine médical et les cycles de vente sont très longs. Néanmoins, une des offres de tests que nous avons commencé à utiliser durant le programme d’accélération semble donner des résultats auprès des clients et devrait nous permettre de raccourcir notre cycle de vente.”
Problème de sélection?
Une fois encore, quand on voit que certaines start-ups n’en sont de toute évidence pas encore au stade de la (possible) accélération, la question essentielle que l’on peut se poser est de savoir comment le MIC “recrute” ses candidats. Les critères, on l’a vu plus haut, ne sont guère sévères. Mais comme le souligne Cécile Jabaudon, le processus de sélection peut être faussé par l’image avec laquelle les candidats se présentent. Un exemple? La start-up Oh! Chef figurait parmi les “50 jeunes pousses dans lesquelles investir” (concours organisé par Trends Tendances, en collaboration avec Fund Me, Leansquare et MyMicroInvest). “Or, la start-up n’a pas encore trouvé son modèle business. On se demande dès lors sur quels critères ces start-ups sont jugées…”
Cécile Jabaudon (MIC Brussels): “Il y a donc eu une certaine croissance. Nous leur avons donné des pistes auxquelles réfléchir…”
Les organisateurs dudit concours avaient d’ailleurs pris quelques précautions oratoires, soulignant que “cette liste n’est ni exhaustive, ni totalement infaillible. Investir dans une start-up reste risqué, le capital de départ n’étant, bien sûr, pas garanti.”
Dans le cas d’Oh Chef!, sa participation au programme du MIC ne lui a pas réellement permis d’être “accélérée” (voir ci-dessus), “mais ils ont malgré tout augmenté le nombre de leurs clients et des chefs inscrits sur la plate-forme”, déclare Cécile Jabaudon. “Il y a donc eu une certaine croissance. Nous leur avons donné des pistes auxquelles réfléchir… pour trouver de nouvelles pistes.”
Dans la deuxième partie de cet article, réservée à nos abonnés Select et Premium, nous expliquons en quoi le MIC de Bruxelles a déjà quelque peu adapté sa méthode d’accompagnement pour son programme d’accélération. Et continuera sans doute à le faire.
Changement de méthode
Pour sa troisième édition, le MIC Acceleration Program a quelque peu revu sa méthode. Le MIC Brussels est passé à un rythme de six mois d’accompagnement au lieu de 4 précédemment et ce, “à la demande-même des start-ups”, souligne Cécile Jabaudon, directrice du MIC Bruxelles.
Pendant ces 6 mois, les start-ups ont eu droit à quelque 18 sessions d’accompagnement. En mode apprentissage entre pairs (6 sessions d’une journée), en mode face-à-face avec le coach (6 sessions de 2 heures chacune) et via des ateliers thématiques (ventes, financement, growth hacking, et “know your customer”).
Autre nouveauté: un seul coach référent, chargé d’accompagner et de conseiller personnellement l’ensemble des start-ups (au lieu d’un coach épaulé par diverses personnes se répartissant les sociétés, comme ce fut le cas lors des deux précédentes éditions). Ce coach unique, ce fut Roald Sieberath.
Le rôle du coach? Cécile Jabaudon (MIC Brussels): “Roald Sieberath se définit comme quelqu’un qui booste mais qui responsabilise aussi la start-up. C’est à elle de faire…”
Soulignons que les ateliers thématiques, eux, sont animés par des intervenants externes, spécialisés dans la matière proposée. Mais le coach assiste à tous ces ateliers. “C’est important, parce qu’il doit servir de fil rouge, afin de pouvoir vérifier la progression des start-ups.”
La formule pourrait encore évoluer. “Nous sommes encore en fait en phase de finetuning, d’exploration de ce qui convient le mieux aux start-ups. La longueur des sessions, par exemple, est peut-être trop longue, certains ayant des difficultés à bloquer une journée entière. On pourrait les ramener à une demi-journée. Peut-être s’orientera-t-on aussi vers des ateliers plus thématiques…”
Le conseil d’administration devrait se prononcer prochainement sur la configuration de la prochaine session d’accélération.
Qu’en retirent les start-ups?
Nous avons posé une série de questions aux participants à cette troisième édition du MIC Acceleration Program. Pourquoi avoir choisi ce programme? Qu’en ont-ils surtout retiré? Quel stade d’évolution estiment-ils avoir atteint?
Pourquoi avoir choisi le MIC Acceleration Program?
Frédéric Klinkers (iBeauty, solution de gestion intégrée, du genre ERP, pour salons de beauté): “Nous désirions pouvoir être challengés par des experts et des collègues qui se trouvent dans le même cas que nous afin d’apprendre et, si possible, de faire grandir notre réseau.”
Bastien Ritzen (Zebra Academy, solution de télémédecine embarquée pour ambulances): “Il est bon d’avoir accès à des acteurs, à des programmes externes afin de challenger ce que nous prévoyons de faire. Evidemment, il faut trouver le bon équilibre entre l’ensemble des tâches à faire pour que l’entreprise démarre et de tels programmes mais je pense qu’il est important d’y participer.”
Yves Berquin (Matrix Requirements, application cloud pour la documentation et la traçabilité des dispositifs médicaux): “Nous avons une croissance très forte (nous doublons notre chiffre d’affaires tous les 6 mois) et ce rythme demande une constante remise en question. Nous cherchions à augmenter le nombre de nouveaux clients que nous convainquons chaque mois.”
Qu’en ont-ils retiré? Qu’ont-ils le plus apprécié parmi les outils et méthodes d’accompagnement du MIC?
Frédéric Klinkers (iBeauty): “Les “dedicated sessions” [sessions en tête-à-tête avec le coach] ont été les plus utiles parce qu’elles nous ont permis de discuter de manière concrète des actions prises et des effets visibles sur notre business.
Nous avons retiré pas mal de confirmations de notre ‘way of working’. En suivant les ‘group sessions’ et les ‘dedicated sessions’ on a pu discuter les différents aspects dans lequel une vraie scale-up se trouve. Cela nous a permis de progresser dans la bonne direction.”
Bastien Ritzen (Zebra Academy): “Les différentes journées avec un expert m’ont permis d’apprendre des techniques supplémentaires dans différents domaines. En particulier au niveau technique de la vente, de la négociation et de la promotion de la solution par le biais d’un bon site Internet.
Lors des sessions où chaque start-up présentait son projet, il a été intéressant de voir les défis des uns et des autres ainsi que les réponses qui y sont apportées par l’ensemble des participants. Dans certains cas, les solutions apportées à d’autres se sont avérées utiles pour mon cas.
Bastien Ritzen (Zebra Academy): “Au travers de l’accélérateur, on agrandit son réseau d’entrepreneurs. Je crois que c’est un point qui a également énormément de valeur.”
Les pistes qui m’ont été proposées ont également été très intéressantes car lorsqu’on a la tête dans guidon, on manque parfois de recul pour pouvoir bien évaluer la situation.
Enfin au travers des différentes séances de coaching personnel avec Roald Sieberath, j’ai pu à chaque fois exposer mes défis. Nous avons souvent réussi à définir ensemble des moyens de tester certaines approches sur lesquelles il était possible d’obtenir rapidement du feedback, par exemple vis-à-vis de clients.”
Yves Berquin (Matrix Requirements): “Sans ce genre de programme, nous serions très isolés, le nez dans le guidon, sans personne pour nous forcer à faire un petit pas en arrière pour réfléchir.”
Yves Berquin (Matrix Requirements): “Les sessions peer-to-peer [réunions de toutes les start-ups] permettent d’avoir un retour candide sur les questions qu’on se pose de la part d’autres entrepreneurs dans d’autres domaines. Cela permet d’avoir parfois des suggestions très intéressantes.
Le coaching direct (1-to-1), pour sa part, nous pousse à nous poser certaines questions ou à développer certains outils de mesure pour mesurer et analyser notre évolution.
Sans ce genre de programme, nous serions très isolés, à travailler 80 heures par semaine le nez dans le guidon, sans personne pour nous forcer à faire un petit pas en arrière pour réfléchir.”
Quel stade dans le processus de croissance estiment-ils avoir atteint?
Frédéric Klinkers (iBeauty): “Nous en sommes au début du vrai scale-up. Nous avons désormais la confirmation que notre produit répond à un vrai besoin sur le marché. Notre grande base de clients nous a permis de comprendre que le product-market fit est chose acquise. Nous sommes au point pour faire le grand pas en avant pour grandir au Benelux et mettre ensuite le focus sur les autres pays. La solution est disponible en français et en néerlandais. La version anglaise sera lancée dans quelques mois.”
Bastien Ritzen (Zebra Academy): “Nous sommes au stade où nous sommes capables d’offrir une solution robuste qui a déjà été testée sur le terrain. Nous sommes d’ailleurs sur le point de signer un contrat avec certains hôpitaux.”
Quelles sont les prochaines étapes qu’ils se proposent de franchir?
Frédéric Klinkers (iBeauty): “continuer à développer la solution dans le sens d’une plus grande convivialité, déployer une stratégie marketing afin de faire connaître iBeauty par un plus grand nombre de salons, et concrétiser les marques d’intérêt obtenues auprès de plusieurs fournisseurs de produits du secteur.”
Bastien Ritzen (Zebra Academy): “Les prochaines étapes sont les suivantes: clôturer les premiers contrats belges, délivrer les installations des projets de recherche ainsi que celles liées aux premiers contrats clôturés, finaliser le marquage CE de notre solution, réaliser une étude de marché européenne dans le cadre de notre subside SME phase I de la commission européenne afin de définir notre stratégie européenne et les resources associées pour l’année 2017, et conclure de potentiels partenariats avec des acteurs nationaux et internationaux.”
Yves Berquin (Matrix Requirements): “Nous allons progressivement engager plusieurs personnes pour le support 24h/24 et pour le business development. Nous allons maintenant augmenter notre présence aux Etats-Unis, où nous avons déjà une dizaine de clients.”
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