Si vous n’avez pas encore entendu parler de “blockchain”, vous venez sans doute d’une autre planète. Si l’on en croit Marc Andreessen, il s’agit là de l’innovation la plus importante depuis la naissance d’Internet. Le quotidien britannique The Guardian parle, quant à lui, de “la principale invention du siècle.” Il est vrai que la même chose a aussi été dite de l’Internet des Objets, de la réalité virtuelle ou encore de l’intelligence artificielle…
Une définition pour commencer
Le “blockchain” ou chaîne de blocs (groupes de transactions) est une technologie de stockage et de transfert sécurisé d’informations, sans organe central de contrôle ou tiers de confiance. Sécurisé parce que la validité et authenticité des transactions sont assurées par l’enchaînement des blocs. Chaque maillon contribue à valider l’authenticité de la chaîne. Chaque “noeud de stockage”, ou “mineur”, protège la chaîne contre toute modification ou falsification. Chaque bloc validé est horodaté.
Le terme blockchain désigne aussi, par extension, la base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre utilisateurs. Sorte de “grand livre” ou de “registre” unique mais distribué, partagé.
Il n’en reste pas moins que le potentiel est énorme. Même si seulement une fraction du potentiel estimé du phénomène blockchain devait se concrétiser, Internet y gagnerait l’assise économique si longtemps attendue et nous nous dirigerions vers un avenir où le moindre appareil connecté se transformerait soudain en agent économique.
Autrement dit, le blockchain deviendrait le grand argentier de l’Internet. Les zélateurs vont même plus loin, estimant que tout ce qui peut être quantifié atterrira tôt ou tard dans les filets du blockchain et deviendra en quelque sorte un reflet numérique de la réalité.
Le blockchain – ou “chaîne de blocs” – est en fait la technologie qui se cache derrière la monnaie numérique (ou cryptographique) Bitcoin. Mais c’est bien plus que cela. C’est une sorte de grand livre public qui permet d’effectuer des opérations de manière indubitable.
Son impact dépasse largement le cadre du seul monde financier. On peut citer ici le vote en-ligne, la perception de droits d’auteur ou l’établissement d’un cadastre. Toutes choses qui sont à nos portes. La Suède a d’ores et déjà initié un projet-pilote afin d’enregistrer les titres fonciers en s’appuyant sur la technologie des chaînes de blocs. Imogen Heap, l’auteur-compositeur anglais, perçoit ses royalties grâce au blockchain. Et la bourse américaine du Nasdaq désire que les actionnaires puissent voter en utilisant la technologie des chaînes de blocs.
Le blockchain pourrait donc jeter les bases de l’infrastructure qui générerait une confiance institutionnalisée pouvant transformer de manière fondamentale à la fois le monde des affaires, la sphère publique et la société. Plus besoin d’intermédiaire pour pourvoir faire du commerce ou conclure un contrat — pensez à une banque, un notaire ou un organisme public qui doit valider une identité. La fraude disparaîtrait comme neige au soleil — à l’heure des affaires des Panama papers et Optima. Voilà qui explique que John Crombez, le président du sp.a, soit un fan du blockchain.
Ethereum
Ethereum, un langage de programmation qui s’appuie sur le blockchain, joue un rôle primordial. On pourrait comparer les règles programmées à la loi. L’exécution d’un contrat s’imposera d’elle-même dès l’instant où les conditions posées au préalable sont satisfaites.
Là où la technologie des chaînes de blocs a été la source d’une riche panoplie de crypto-monnaies — dont le bitcoin est la plus connue —, Ethereum procurera des cadres pseudo-légaux pour la conclusion d’accords tant individuels que collectifs. DAO (Decentralized Autonomous Organization), une organisation autonome décentralisée, s’appuie sur le blockchain et préfigure ce qu’une entreprise collective pourrait devenir à l’avenir.
Si l’on compare le bitcoin aux fonctionnalités d’une calculatrice élémentaire, Ethereum apparaît alors comme un ordinateur digne de ce nom. Et la convivialité en sort gagnante.
Transaction Bitcoin typique:
OP_DUP OP_HASH160 04d84a5e0deb47d95bc8b55a2005ac28c4b9da73 OP_EQUALVERIFY OP_CHECKSIG
Exemple de script Ethereum:
contract Simple {
function() {
var two = 1 + 1;
}
}
Ethereum a collecté 18 millions de dollars à l’occasion d’une campagne de crowdfunding. La DAO, un exemple d’organisation autonome décentralisée que nous évoquions plus haut, a réuni pour sa part quelque 163 millions de dollars. Soit nous sommes donc en présence d’un phénomène on ne peut plus sérieux avec une- révolution du blockchain qui se met en marche. Soit nous sommes au sommet d’une courbe d’emballement et le tout s’effondrera bientôt à la manière d’un pudding. Après 7 ans d’existence, le bitcoin demeure quelque peu en-deçà de ce que représente par exemple Paypal. Sans parler de son potentiel d’être une menace pour les Visa, Mastercard et autre American Express. Voir infographie ci-dessous.
Toutefois, à une époque où l’hyper-élasticité (“scalability” fait loi, les cartes peuvent être très rapidement rebattues. Johan Thijs, le patron de KBC, voit dans cette technologie la principale menace à laquelle soit confrontée le secteur bancaire. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce qu’une trentaine de grandes banques, parmi lesquelles ING, la Deutsche Bank et BNP Paribas soient membres d’un collectif international, baptisé “plate-forme R3”, qui mène des recherches sur les potentiels que représente la technologie des chaînes de blocs pour le secteur de la finance.
Il va sans dire que les banques et les assurances ne sont pas les seules à s’intéresser à ce domaine. Il en va de même des sociétés d’audit “Big Four”. Leur coeur de métier consiste en effet à assurer le contrôle des comptes, une activité qui risque de disparaître. L’année dernière, Deloitte avait ouvert le bal en lançant Rubix, sa propre équipement de développement dédiée à Ethereum. Au début de cette année, PwC lui emboîtait le pas, avec une équipe blockchain d’une cinquantaine d’experts, mise sur pied en collaboration avec Blockstream, un concepteur bitcoin dans lequel a par ailleurs investi l’assureur Axa. KPMG, de son côté, collabore avec quelques-uns des principaux gestionnaires d’actifs du Royaume-Uni afin de réduire les coûts de transactions grâce à la technologie des chaînes de blocs. Enfin, Ernst & Young (EY) collabore avec des banques suisses — USG et le Crédit Suisse — pour développer un accélérateur de blockchain.
En Europe
Chose intéressante, l’Europe joue un rôle majeur dans cette révolution. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène exclusivement estampillé Silicon Valley. Plusieurs accélérateurs européens se sont spécifiquement positionnés sur l’accompagnement de start-ups orientées blockchain. Parmi eux: le Block Chain Space de Barcelone, Outlier Ventures au Royaume-Uni, le nexuslab suisse et le Chaineum Studio français. Blockchain News, aux Pays-Bas, aurait, lui aussi, l’intention d’initier un tel accélérateur.
Si l’on se penche sur les jeunes pousses européennes qui, en 2016, ont réuni un minimum d’un million de dollars en capital de croissance, on ne peut que constater que le processus n’en est encore qu’à ses balbutiements. On ne peut en effet encore citer que Lisk en Allemagne (5 millions d’euros), KNC Miner en Suisse 2,8 millions d’euros) et la britannique Elliptic (4,5 millions d’euros). Toutes sont actives dans le domaine des fin tech. Le chemin est donc encore long avant que les chaînes de blocs ne deviennent monnaie courante et aient un impact radical sur tous les acteurs du monde des affaires et sur la société elle-même.
Et en Belgique
Plusieurs start-ups belges sont également actives sur le terrain du blockchain:
- Intellect EU (Dworp): solution middleware pour intégration avec le secteur financier
- Finoryx (Jehay): solution destinée au marché des capitaux
- Igamod (Anvers): analyseur de bitcoin
- Orillia (Uccle): solution d’analyse bitcoin
Il s’agit essentiellement de solutions positionnées dans le domaine des fin tech. Ceci étant dit, la prochaine génération de start-ups dédiées au blockchain est d’ores et déjà sur la ligne de départ. En l’occurrence, une jeune pousse anversoise qui veut utiliser les chaînes de blocs dans le secteur de la logistique ; une start-up bruxellois qui désire développer une application pour les food tech ; un projet gantois qui veut ancrer des écosystèmes et des communautés sur un socle blockchain ; et Solarly — une start-up sortie de l’accélérateur Nest’Up — qui se propose d’appliquer la technologie des chaînes de bloc au secteur des réseaux énergétiques intelligents. Dans le même registre, la société SolarCoin / ElectriCChain, créée par le Belge Alan Szepienie, veut elle aussi exploiter le blockchain dans le secteur de l’énergie.
Un entrepreneur qui a d’ores et déjà engrangé de l’expérience en matière de blockchain est l’Anversois Jef Cavens. Il a été à l’origine de la société SwarmCoin basée à Palo Alto, sélectionnée par l’accélérateur TechStars (à Londres). Jef Cavens planche actuellement sur le lancement de sa prochaine start-up. Un autre Belge, Dimitri De Jonghe, est l’un des artisans d’une start-up berlinoise baptisée Ascribe qui développe un filigrane pour oeuvres numériques. La société pousse l’exercice plus loin: la technologie des chaînes de blocs étant trop lente, elle a élaboré sa propre base de données évolutive, baptisée BigChainDB. Dimitri De Jonghe est co-président de la communauté Interledger Payments.
Le blockchain n’est évidemment pas une technologie qui ne susciterait de l’intérêt qu’auprès des start-ups. De grandes entreprises peuvent, elles aussi, s’en emparer. KBC Securities fait figure de pionnier en la matière: sous la direction de Koen Schrever, cet acteur du courtage en-ligne utilise l’application blockchain Bolero pour se créer sa propre place de marché afin de négocier des titres qui sont financés via crowdfunding. Et puisque l’on parle de la Bourse, signalons encore qu’Euronext teste, lui aussi, le blockchain.
Les acteurs publics ne sont pas en reste. A-Labs, l’équipe Innovation de la Ville d’Anvers, est en train d’effectuer des tests avec Ethereum en vue de donner naissance à des communautés locales. La ville vient d’organiser une conférence de sensibilisation sur le thème des chaînes de blocs qui a abordé quelques thématiques passionnantes telles que… le renouvellement automatique du permis de conduite, le dépôt d’une déclaration de naissance par le gynécologue, l’authentification d’un changement d’adresse par les voisins…
La technologie des chaînes de blocs a déjà engendré chez nous de nombreuses expertises. Nombreux sont déjà les leaders d’opinion, consultants et conférenciers actifs dans ce domaine. En voici un petit échantillon:
- Bart Vanhaeren, KBC Securities
- Bart Preneel, KULeuven
- Fabian Vandenreydt, SWIFT
- Gerrie Smits, “Digital Transformation Consultant”
- Jean-Luc Verhelst, Deloitte
- Jean-Jacques Quisquater, UCL
- Jean Wallemacq, directeur de l’association Belgian Bitcoin Association
- Jeremie Dubois-Lacoste, RISE Financial Technologies
- Karel Dekyvere, Microsoft
- Kristof Verslype, Smals
- Lieve Vereycken, 2BeLinked
- Michel Bauwens, P2P Cooperative
- Roderik van der Veer, Kunstmaan
- Sam Wouters, Duval Union Consulting
- Thomas Spaas, directeur de l’association Belgian Bitcoin Association
- Tom Hansen, BNP Paribas Fortis.
Signalons encore des événements et meetups qui prennent régulièrement pour thème exclusif le blockchain. Par exemple, les meetup Blockchain Vlaanderen et Bitcoin Brussels. Sans oublier la Belgian Bitcoin Association et l’arrivée prochaine d’une Belgian Blockchain Association.
Ce genre de liste n’est jamais complète, plus particulièrement dans un domaine évoluant aussi rapidement que celui des chaînes de blocs. N’hésitez dès lors pas à signaler à l’auteur de cet article des personnes, sociétés ou initiatives actives dans le domaine du blockchain en Belgique.
Omar Mohout
Sirris
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