Histoires de fibre et de taux de couverture

Pratique
Par · 15/06/2016

La couverture en haut débit des différents territoires qui composent la Grande Région (Wallonie, Lorraine, Luxembourg, Sarre, Rhénanie-Palatinat) est extrêmement variable. Comparativement, la nouvelle région Grand Est française (qui englobe notamment la Lorraine) est moins bien desservie que la Wallonie dans son ensemble. Elle-même pâlit en comparaison de la qualité de couverture dont bénéficie le Grand-Duché.

Metz, pour ne prendre qu’un exemple, est nettement moins équipé en WiFi que Bastogne alors que c’est une métropole de 200.000 habitants.

En Wallonie aussi, il reste des “zones blanches” en termes de haut débit et très haut débit, avec des communes qui doivent encore se contenter d’un débit inférieur à 1 Mbps – essentiellement dans les provinces de Hainaut et du Luxembourg.

Petit rappel chiffré…

La couverture en 4G est clairement déficiente en Wallonie… (source de l’illustration: IBPT)

Selon l’IBPT, 91,1% des logements belges ont accès à du très haut débit (100 Mbps).
471.000 logements ne peuvent pas encore bénéficier de ce THD. Ils sont majoritairement situés dans les provinces de Liège, du Hainaut, de Namur et du Luxembourg.

Couverture en haut débit (30 Mbps): le score belge est de 93,5%. 342.000 logements en sont encore privés. Et une fois encore, ils sont situés dans ces 4 provinces.

Quid du débit “de base” (1 Mbps), ce qui est le débit “fonctionnel”, défini comme étant le minimum à assurer en service universel? 2.263 logements belges n’en disposent toujours pas. Et rebelote, c’est dans les mêmes 4 provinces qu’on les trouve…

Communes où le pourcentage de logements non (encore) connectables au débit “universel” de 1 Mbps? Florennes, Sankt Vith, Philippeville, Trois-Ponts et Houffalize.

Hyper-connecté et toujours public

Le Grand-Duché de Luxembourg présente une situation quelque peu différente, due au fait que l’opérateur historique n’a pas été privatisé et reste donc contraint de garantir un service d’utilité publique universel.

Résultat: le FTTH, aujourd’hui, atteint le score de 52% à travers le territoire.

Au Grand-Duché, où 52% du territoire est connecté à la fibre et où 90% de l’habitat rural bénéficie d’un accès 30 Mbps.

“Il n’y a pas de clivage entre zones urbaines et zones rurales”, indiquait Pierre Goerens, du ministère luxembourgeois des Médias et de la Communication. “Toutes les localités sont connectées par la fibre. Dans toutes les communes, 90% des bâtiments (habitations et bâtiments publics) ont droit à un accès à 30 Mbps [Ndlr: score atteint à la mi-2015]. Le coût de déploiement n’est pas très différent entre les villes et les villages parce qu’ouvrir les trottoirs revient aussi cher que de tirer la fibre dans la campagne.”

Question de proportionnalité

Le coût de la fibre est évidemment un paramètre majeur. Territoires et politiques variant sensiblement d’une région e-ou d’un pays à l’autre, les positions de chacun ne sont pas forcément alignées.

En France, la Caisse de Dépôts et Consignations estimait que le déploiement de la fibre jusqu’aux domiciles représenterait un pactole de 44 milliards d’euros, dont 21 ou 22 milliards en génie civil.”

Ce constat amenait Philippe Buron-Pilâtre, du Conseil économique et social de la région Grand Est (ex-Lorraine), à déclarer que, s’il faut en effet un déploiement fibre, il est peut-être économiquement plus raisonnable de ne l’amener “que” jusqu’au village et de couvrir le “last mile” par d’autres technologies.

La Région Grand Est en est encore loin.

Couverture Haut débit des différents territoires de la Grande Région.

Une impulsion sera donnée au cours des prochaines années, par le biais notamment de LorNTech (le “couloir” Thionville-Metz-Nancy-Epinal reconnu “zone métropolitaine French Tech”). Objectifs: doubler le nombre d’emplois dans le numérique en l’espace de 10 ans ; augmenter de 50% le nombre de PME numériques ; et doubler le financement lorrain dans les start-ups au cours des 3 prochaines années.

Aux yeux de Philippe Buron-Pilâtre, FTTH (fiber to the home) et 5G doivent se compléter. “Tout miser sur la tout-à-la-fibre, compte tenu du coût de déploiement, risque de condamner les zones et utilisateurs les plus reculés à une traversée prolongée du désert.”

 

 

Ne plus attendre

André Corzani, vice-président du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle: “Le FFTH est nécessaire tant en milieu urbain que rural. Au vu de l’explosion de la consommation qui est faite de la bande passante – environ 70% de progression par an -, il faut prévoir dès à présent des infrastructures suffisantes qui ne soient pas en-deçà de cette demande exponentielle, au risque d’être dépassées dès qu’elles seront déployées.”

Se préparer, dès à présent, était aussi le message que voulait faire passer Pascal Poty, de l’ADN: “Les bons chiffres de couverture haut débit pour la Belgique sont un trompe l’oeil.  Les cartes publiées par l’IBPT le prouvent: certaines zones en Wallonie sont mal couvertes, ce qui pose des questions pour la préparation de l’avenir. Or, il faut se préparer, sans quoi il y a un risque de décrochage pour certains territoires. Il faut bien se rendre compte qu’on change de civilisation: le numérique, ce n’est pas quelque chose qui vient s’ajouter à côté de l’existant. C’est le quotidien…”

 

 

Solution technologique hybride

Si l’on parle beaucoup de 5G pour le Très Haut Débit, deux régions aux scores de couverture aussi différents que la Wallonie et le Grand-Duché de Luxembourg misent sur l’hybridation des technologies. Irriguer le territoire passe par une complémentarité entre infrastructures fixes et mobiles. Le tout à la fibre n’est pas non plus forcément le remède idéal ou à privilégier.

En Wallonie, dans le cadre du Plan du numérique, l’option a été prise de privilégier l’“hybridation”, la complémentarité des réseaux fixe ou mobile, le recours à de nouvelles technologies qui optimisent les infrastructures existantes [comme c’est par exemple possible grâce aux développements de Tessares, spin-off de l’UCL [relire notre article], pour en arriver à procurer un débit minimal de 30 Mbps à travers tout le territoire.

Au Grand-Duché aussi, on pense au complément que pourrait apporter les communications satellites, même si elles sont plus onéreuses et si la technologie doit encore progresser avant de devenir un complément utile aux déploiements terrestres.