D’abord, il faut se rendre compte qu’il fait bon entreprendre chez nous… mais pas facile de tenir sur la durée. Si pour deux entrepreneurs sur trois interrogés, il est facile de créer sa start-up dans notre royaume, ils ne sont plus qu’un sur cinq à trouver qu’il est facile de la développer.
Neuf start-uppeurs interrogés sur dix (voir encadré ci-dessous) citent comme facteurs expliquant cette “facilité” de création : la simplicité des démarches administratives, la qualité de l’accompagnement et de l’information… Autrement dit, pour eux, l’ensemble des dispositifs mis en œuvre par les différents acteurs publics et privés de l’écosystème start-up (business angels, incubateurs, accélérateurs, etc.) encourage la création d’entreprise.
En revanche, les choses se corsent, selon eux, par la suite. En cause, notamment : la difficulté à lever des capitaux, à obtenir des fonds publics et à assumer les charges sociales. En effet, plus de 90% du financement des start-ups est issu des fonds propres qui sont en général assez limités tandis que la levée de capitaux ne représente, en moyenne générale, que moins d’un tiers du financement total, ce qui est très faible.
Pour remédier à ces problèmes qui freinent leur capacité à développer leur business, la moitié des fondateurs sondés réclament un assouplissement des réglementations (code du travail, démarches administratives, normes). Une grosse minorité souhaite également un assouplissement des charges et de la fiscalité ainsi qu’une meilleure aide au financement.
Ensuite, il faut prendre conscience qu’en réalité on en sait très peu sur les principaux périls de l’activité entrepreneuriale et donc que l’on se trompe souvent de diagnostic quand on tente d’expliquer pourquoi les start-ups échouent.
La recherche académique a intensément étudié les taux d’échec des start-ups mais malheureusement en se focalisant presque entièrement sur les causes externes (marché, concurrence, brevets, cadre règlementaire, etc.) plutôt que sur les intoxications endogènes (fruits malheureux de décisions fondatrices prise par “facilité” menant à des “problèmes de personnes”), bien plus prégnantes.
Bon grain et ivraie dans les conseils
Pour réussir une start-up, on peut donner des douzaines de conseils:
- “penser international, dépasser les frontières linguistiques
- recourir aux VC étrangers
- s’installer directement dans le pays de son plus gros marché
- expérimenter rapidement
- se focaliser sur la création de valeur
- ne pas négliger les ventes
- être dédié à ce que l’on fait avec passion, énergie et persévérance
- avoir des leaders plus que des managers
- capitaliser suffisamment la société
- améliorer en permanence le produit, être ouvert”, etc.
Pourtant, tout se résume à savoir résoudre deux dilemmes fondamentaux en amont : 1) comment bien s’entourer ? Et 2) comment partager intelligemment le capital-actions de la start-up ?
Il est sidérant de constater à quel point ces deux dilemmes majeurs sont sommairement résolus par les fondateurs qui se basent sur leur intuition (empirique ou rationnelle), ce qui est naturel. Mais ce pressentiment des primo entrepreneurs ne se fonde en fait sur aucun corpus d’expériences et/ou de connaissances du monde réel des start-ups. Chez eux, la vie en start-up est plutôt fantasmée !
Il faudrait donc multiplier les occasions de retours d’expériences (de réussite et d’échec) concernant ces décisions fondatrices si potentiellement lourdes de conséquences.
Il serait également utile de concevoir et développer des plates-formes de mise en relation dédiées à la recherche de partenaires/associés, à l’instar de ce que font les sites comme Affeeniteam, biznessful ou teamizy en France, Founderdating, Cofounderslab ou Founder2be aux USA. En effet, la clayère de la famille, des amis et des collègues est bien souvent trop petite pour y puiser des cofondateurs.
Par ailleurs, notre écosystème “start-up” est un vivier riche de talents, mais, si les fondateurs sont porteurs d’un potentiel créatif prometteur, beaucoup manquent de talents entrepreneuriaux et/ou communicationnels nécessaires à la concrétisation de ce potentiel.
Il nous manque la danse du ventre
En Belgique, nous avons d’excellentes écoles de management et un dispositif public d’accompagnement de porteurs de projet complet et qui fonctionne, mais les étudiants qui en sortent sont souvent un peu perdus car on ne leur apprend pas comment démarcher les investisseurs et les cofondateurs.
En coloriant un peu la réalité, on pourrait dire que la plupart des organismes du dispositif d’encadrement peuvent être comparés à des harems où les accompagnateurs sont les eunuques qui lavent, habillent, coiffent et parfument les jeunes vierges (les start-ups) selon le goût des sultans (les investisseurs habitués au harem) qui, eux, vont les “croquer”. Mais dans les gynécées belges on ne vous enseigne pas la danse du ventre, qui va faire durer le plaisir et vous obtenir des faveurs (une meilleure valorisation), histoire de faire saliver les sultans.
En d’autres mots, notre système d’encadrement (public et privé) n’est pas en mesure d’aider les primo-entrepreneurs à promouvoir des visions fortes, à faire de nos porteurs de projet des champions nationaux ou encore à les transformer en leaders charismatiques, tout simplement parce qu’on y développe pas les soft skills des primo-entrepreneurs. Celles-ci englobent les qualités, comportements et attributs nécessaires à la personne pour bien travailler en entreprise.
Grosso modo, elles incluent cinq jeux de talents relationnels : 1) savoir communiquer et entrer en relation, 2) savoir travailler en équipe, 3) savoir gérer son temps et soi-même, 4) savoir prendre des décisions et des initiatives, 5) savoir prendre ses responsabilités. Ces compétences sont bien plus difficiles à déceler et à évaluer que les aptitudes techniques, scientifiques et administratives, appelées hard skills (ou trade skills). Et pourtant ce sont les soft skills qui “boostent” l’attractivité d’une équipe de fondateurs.
Pour développer les compétences communicationnelles, il serait peut-être intéressant pour les porteurs de projet de s’entraîner à “pitcher”, avec le concours d’acteurs, dans les théâtres…
Quantité vs qualité
Ce ne sont ni le nombre d’acteurs (structures d’intermédiation et d’accompagnement) ni la quantité de leurs initiatives qui posent problème, c’est plutôt leur apport réel, leur valeur ajoutée. La difficulté n’est pas qu’il y ait trop d’offres d’aide à la création et au financement d’entreprise, c’est plutôt la médiocrité (préjugés, méconnaissance…) de ses protagonistes.
Beta Group et les autres espaces de coworking peinent à trouver des investisseurs ? Ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas assez. Ils sont probablement plus de 10.000 (investisseurs potentiels) sur le territoire de notre petite Belgique (en sus des 320 inscrits dans les BAN). Ils cultivent la discrétion, l’anonymat, agissent comme des électrons libres.
C’est plutôt parce qu’ils n’ont pas le bon business modèle et/ou qu’ils ne savent pas comment se rendre attractifs aux yeux des investisseurs. Ces organismes doivent eux aussi faire leur introspection et se remettre en question.
Pour favoriser l’accès des start-ups au marché des capitaux, les structures d’intermédiation doivent uniquement se rendre plus intéressantes pour les investisseurs. Comment ? Par exemple, en présentant autrement, sur la forme (story telling) et sur le fond (investors’ readiness), les projets qu’elles souhaitent promouvoir.
Cela implique d’apporter une aide plus qualitative aux primo-entrepreneurs, notamment en concentrant tous leurs efforts sur l’amélioration des talents communicationnels de ceux-ci.
Carl-Alexandre Robyn
Associé-fondateur des cabinets Valoro
Relire les volets déjà publiés de cette analyse:
1 – Pléthore d’explications secondaires, illusoires
2 – Frileux, les capitaux-risqueurs belges ?
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