Le thème des services d’urgence et des solutions que le numérique peut apporter pour booster leur mode de fonctionnement et leur efficacité était bien plus qu’un alibi pour le récent concours de développement “MolenGeek”.
En effet, ces services d’urgence – l’association du 112 européen, le Siamu bruxellois ou encore un infirmier opérant pour la Croix-Rouge – ont été impliqués en amont de l’événement afin de déterminer les besoins réels ou les pistes de scénario plausibles. Et il y aura, en principe, une suite puisque des contacts ultérieurs sont prévus avec les porteurs de projets afin de déterminer quelles idées pourront être éventuellement exploitées et transformées en projet concret.
Quatre projets
Quatre équipes ont planché, l’espace d’un week-end, sur la manière de mettre les technologies et les nouveaux moyens de communication (réseaux sociaux compris!) au service des équipes d’intervention d’urgence.
Résultat? Des projets qui proposent de moyens de communications pour le signalement d’urgence (en ce compris un recours – structuré et préprogrammé – aux réseaux sociaux), une cartographie dynamique des défibrillateurs disponibles ou encore un recours à l’intelligence artificielle pour désengorger les appels aux centrales d’appel et pour assurer un soutien et une information de première ligne en cas d’incident. A découvrir dans cet article.
L’urgence? La géolocalisation efficace
Comment les professionnels des services d’urgence qui faisaient partie du jury ont-ils jugé ces divers projets?
“Ce qui m’a surtout frappé, c’est le côté concret et facilement réalisable de ces projets”, déclare Benoît Vivier, “advocacy officer” auprès de la European Emergency Number Association (EENA 112). Il est notamment chargé d’oeuvrer auprès des institutions européennes à l’amélioration de la législation et de promouvoir une meilleure connaissance des services 112.
“Il était en effet important que les projets puissent facilement être mis en place, qu’ils soient simples et qu’ils s’appuient sur des plates-formes et des outils déjà existants qui n’impliquent donc pas de coûts supplémentaires en termes d’infrastructure à prévoir. Les projets qui ont été imaginés ont ceci d’intéressant qu’ils restent très simples et constituent en même temps une véritable avancée pour les services d’urgence.”
Benoît Vivier: “Les 4 projets peuvent déboucher sur des réalisations concrètes. Ils reposent sur des outils simples et peuvent donc être facilement mis en œuvre.”
L’un des principaux défis actuels, estime-t-il, est le côté suranné et inefficace des technologies de localisation utilisées actuellement par les services d’urgence.
Tout signalement via un appel passé par un GSM ou smartphone ne localise pas l’appelant avec suffisamment de précision.
“Le seul point de repère qu’ont les services d’urgence est l’antenne qui relaie l’appel. La précision peut donc être de l’ordre de 500 ou 600 mètres en ville mais parfois de… 30 kilomètres en rase campagne. Quiconque n’est pas familier des lieux où il se trouve ne peut donner de précision. Idem en montagne…
Et pourtant, nous sommes en 2016. Les GPS de nos téléphones mobiles devraient pouvoir repérer les appelants avec précision…
L’EENA défend le principe de repérage GPS, comme cela existe déjà au Royaume-Uni ou en Estonie. Mais pas chez nous… Depuis deux ou trois ans, nous démarchons les opérateurs et les fabricants d’appareils mobiles afin de mettre en oeuvre une solution pourtant bon marché. Elle impliquerait simplement qu’en cas d’appel au 112, le GPS soit automatiquement activé par l’appareil et que ce dernier envoie un simple SMS mentionnant la latitude et la longitude, avec une précision de 10 mètres.”
Il est inconcevable, en 2016, que les services d’urgence ne puissent encore exploiter les potentiels de géolocalisation GPS des équipements mobiles.
Mais voilà… la réactivité des autorités et des législateurs demeure aux abonnés absents. Les contacts se poursuivent. En ce compris chez nous mais l’intérêt “évolue à la vitesse belge”…
Des applis à utiliser intelligemment
Parmi les divers projets imaginés lors du MolenGeek Hack, Benoît Vivier dit par exemple avoir été intéressé par l’appli Bru Safe (voir les détails dans notre autre article) qui permet de faire un choix parmi divers canaux de mise en contact ou de communication avec les services d’urgence. “J’ai bien aimé le fait d’utiliser des plates-formes déjà existantes pour contacter les services d’urgence (WhatsApp, Viber…). Ces plates-formes permettent des fonctions qui ne sont pas possibles dans les appels normaux: envoi de photos et de vidéos, messagerie instantanée (live chat), envoi de la position GPS…”.
On l’a vu lors des récents attentats de Bruxelles, des applis du genre WhatsApp ont parfois servi de canal de recours face à l’engorgement des réseaux GSM voire du service Astrid. Mais est-ce une bonne idée de recourir à ces canaux “sociaux” dans le cadre de procédures et situations qui exigent rigueur et structure? Quid si l’on multiplier les canaux de communications? Si on laisse se créer une affluence de messages redondants, non structurés…?
L’information passera potentiellement plus vite et sous des formes “enrichies” mais comment éviter des engorgements d’un nouveau genre, comment filtrer pour éviter de noyer les services concernés par des signalements multiples d’un même incident?
Autre question: si ces nouveaux canaux de communication sont jugés potentiellement intéressants – pour des raisons de réactivité, de rapidité, d’informations automatiquement géolocalisées, d’informations visuelles s’ajoutant aux signalement oraux… -, les services d’urgence et leurs autorités de contrôle sont-ils prêts à les utiliser?
Un acteur tel que l’EENA112 regrette un trop grand et tenace immobilisme des autorités dans certains pays. “Les procédures et les comportements des services d’urgence sont souvent difficiles à faire évoluer”, déclare Benoît Vivier.
Avec, dès lors, des initiatives qui sont prises, ponctuellement et sans cadre légal, par certains services d’urgence. Exemple en Espagne où les problèmes de géolocalisation précise de la personne à aider a déjà poussé certains agents du 112 à conseiller à l’appelant de… raccrocher et de les contacter en direct, sur leur numéro personnel, en utilisant WhatsApp !
Autre projet que Benoît Vivier a jugé intéressant – même si sa concrétisation n’est pas forcément pour demain: le “robot” Melvin. “Ce projet anticipe un secteur grandissant des nouvelles technologies: l’intelligence artificielle. Si cela n’est pas forcément une priorité aujourd’hui, il sera vite question d’intégrer l’intelligence artificielle dans le fonctionnement des services d’urgence. Ce projet est en ce sens précurseur. S’il doit encore être développé, le projet permettra à terme de répondre à un problème important que sont les appels d’urgence pour des questions non urgentes.
La suite ?
Plusieurs membres du jury du MolenGeek Hack ont signalé leur intention de reprendre contact avec les porteurs de projets au cours des semaines à venir afin d’éviter que les idées ne tombent dans l’oubli.
C’est notamment le cas du côté de l’EENA 112. “Nous reprendrons contact pour organiser des rencontres individuelles avec les divers porteurs de projets afin de voir comment ils peuvent être mis en place, non seulement en local mais aussi dans plusieurs pays européens.
Le but est de leur apporter notre expérience en développant davantage l’analyse des problèmes rencontrés par les services d’urgence en Europe, en analysant les fonctionnalités qu’il serait utile d’inclure, les éléments auxquels faire plus particulièrement attention. Nous aimerions donc à terme les mettre en contact avec plusieurs services d’urgence en Europe.”
Du côté du cluster bruxellois Lifetech, Azèle Mathieu, directrice du cluster, se dit désireuse “d’aider les projets à évoluer et donc de les intégrer dans l’écosystème du cluster afin de faciliter et d’accélérer leur développement et la mise à disposition des solutions pour tous les services d’urgence.” Dans l’espoir de susciter la “création de nouveaux projets d’entreprises, générateurs d’emploi”…
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