Le concept sur lequel CareSquare bâtit son positionnement n’est pas neuf, en soi. Il s’agit en effet de faire appel aux technologies nouvelles, rendues les plus conviviales possibles, pour autoriser le maintien – sécurisé – à domicile de personnes âgées et, dans un deuxième temps, le suivi thérapeutique à distance de certains types de patients.
Rien de neuf donc dans l’idée. L’originalité de CareSquare vient d’une intégration la plus “transparente” possible des fonctions. En d’autres mots, du mariage que la plate-forme réalise entre surveillance médicale et insertion sociale.
Le système mis en oeuvre prend la forme d’un grand écran tactile, dépourvu de souris et de clavier pour un usage le plus naturel possible. Il cumule plusieurs rôles. D’une part, il sert de passerelle entre divers capteurs de paramètres médicaux et un serveur (hébergé dans un premier temps au CETIC) capable d’alerter le médecin en cas de risque pour la santé. De l’autre, il sert de lien vers le monde extérieur, via des applications de mail, téléphonie, visioconférence, jeux…
“Les solutions existantes sont très ponctuelles. Notre proposition, par contre, intègre les différents volets – médical, lien social, services de divertissement…”, souligne Simon Alexandre, directeur du CETIC. “On constate par ailleurs souvent que les différents “services” prestés- télévigilance pour le signalement de chutes à domicile, collecte de paramètres médicaux (tension, poids…)- sont gérés par différents acteurs, sans intégration entre les données collectées ou les paramètres surveillés. Autre élément différenciateur: grâce à la manière dont l’interface est construite, l’accent est résolument mis sur le bien-être et le divertissement. L’aspect médical, bien présent, est intégré de la manière la plus transparente et non intrusive possible pour la personne âgée.”
Naissance d’une spin-off
C’est au début 2012 que le CETIC a donné naissance à la spin-off CareSquare qui se positionne donc sur le créneau de l’e-santé et, plus spécifiquement, sur celui du suivi à distance de patients et personnes ayant besoin d’une surveillance médicale.
CareSquare est la résultante de la participation du CETIC à un projet européen- baptisé Oldes (prononcez “old days”)- dédié à la télé-assistance informatisée de patients à domicile. “Le projet européen avait produit une série de résultats et d’enseignements intéressants qui correspondent à une problématique universelle et qu’il est utile de transposer concrètement sur le terrain en région wallonne”, déclare Sébastien Rousseaux, directeur général de CareSquare et anciennement directeur du département SST (Software & Services Technologies) du CETIC.
Prolonger l’autonomie à domicile
La solution CareSquare a une double finalité: permettre la télésurveillance médicale de personnes fragilisées ou malades (via suivi de constantes et paramètres divers tels que glycémie, rythme cardiaque, poids…) et doubler ce suivi purement médical par une dimension nettement plus humaine et sociale.
Pour la première finalité, le système mis au point collecte automatiquement les données saisies et enregistrées par divers “objets communicants” (les connexions sont de type Bluetooth). Cette collecte de données est complétée par des questionnaires, spécifiques à chaque pathologie ou situation, que la personne est invitée à compléter quotidiennement. Sans qu’il y ait réelle obligation pour elle de le faire.
“Un portail web sécurisé, destiné aux médecins, leur permet à tout moment de consulter les données de façon interactive.”
“Rien n’est obligatoire dans le système”, précise Sébastien Rousseaux. “Je pense que ce serait une mauvaise chose que d’imposer aux personnes cet outil et ce suivi. Les utilisateurs sont donc libres de remplir ou non les questionnaires. Ils se limitent pour l’instant à des listes de questions pré-formatées, établies par des médecins. Les réponses sont généralement simplement “oui” ou “non”. Il est prévu de rajouter un champ de texte libre qui pourra être complété. Le fait que les questionnaires ne sont pas remplis sont, en soi, une information importante: rejet du système par l’utilisateur? état de santé qui se dégrade? Il est donc prévu que l’absence de réponse aux questions, tout comme l’absence de prise de mesure, génère une alerte pour enclencher un contact avec l’utilisateur.”
Toutes les données collectées sont envoyées vers une plate-forme centralisée où des algorithmes permettent de détecter des valeurs ou tendances indiquant d’éventuelles anomalies. Pour prévenir et informer les professionnels de la santé, chargés du suivi des personnes sous surveillance, plusieurs moyens de communication sont par ailleurs en cours d’intégration, notamment le Réseau Santé Wallon et la messagerie sécurisée pour les médecins (MediMail). “Nous avons également développé un portail web sécurisé pour les médecins, qui leur permet à tout moment de consulter les données de façon interactive. Les SMS sont envisagés pour l’envoi d’une alerte “urgente” mais ne contiendraient pas d’informations médicales. Les SMS ne seraient envoyés que pour les médecins qui le désirent. Les médecins peuvent activer ce type de moyen de communication via le portail web.”
Pour garantir que l’alerte reçoive, en toute circonstance, l’attention voulue (un médecin, par exemple, n’étant pas toujours disponible ou prêt à intervenir), CareSquare a prévu de conclure un partenariat avec un organisme spécialisé dans l’assistance aux personnes. La convention devrait être finalisée à court terme.
Un outil d’utilité publique
Pour la seconde finalité (insertion dans la vie quotidienne et bien-être), une série d’applications et de services permettent de rendre le maintien à domicile plus agréable, de préserver les liens avec la famille et d’autres personnes gravitant dans l’entourage de la personne. “Les nouvelles technologies peuvent permettre de faire régresser un sentiment d’isolement largement répandu auprès du premier public-cible que nous visons, à savoir les seniors”, souligne Sébastien Rousseaux.
Quelques exemples de ces applications et services: e-mail, Skype (pour de la visioconférence), agenda numérique partagé (application Google), album de photos (Picasa), jeux, chaîne d’actualité (Rtbf)…
Le public-cible est potentiellement nombreux. Prolonger la durée d’autonomie d’une personne (senior ou en situation de dépendance), lui permettre de continuer à vivre dans de bonnes conditions, tant sanitaires que psychologiques, dans l’environnement qui lui est familier, permet d’alléger, parfois sensiblement, le recours à des services d’urgence, à des périodes d’hospitalisation et de retarder le placement en maison de soins ou de repos. “Les hôpitaux ne peuvent immobiliser longtemps des lits pour l’hébergement de personnes âgées dont l’état de santé ne nécessite pas une hospitalisation prolongée. Nous manquons de places dans les maisons de repos et les homes médicalisés”, rappelle Sébastien Rousseaux. Tout cela pèse sur les budgets de la sécurité sociale. “D’autant plus que les technologies permettent aujourd’hui d’effectuer un suivi efficace, non seulement des personnes âgées mais aussi d’autres catégories de patients. Par exemple des jeunes diabétiques, des personnes souffrant de syndromes BPCO (maladies respiratoires obstructives chroniques), d’insuffisance cardiaque…
Coût et “ROI”
Le maintien à domicile, avec des outils de télésurveillance et télé-assistance validés, est une bonne nouvelle pour la sécurité sociale. D’autant plus que ce genre de solutions n’est pas prise en charge par elle !
La question est évidemment de savoir si la solution CareSquare est suffisamment démocratique (en termes financiers) pour trouver preneurs et avoir, dès lors, quelque chance de se pérenniser.
“Il faut distinguer en fait deux “cibles”. Nos “clients” ne seront pas forcément les utilisateurs eux-mêmes. A savoir les personnes âgées ou, dans un deuxième temps, des patients sous surveillance. Beaucoup en effet n’ont pas forcément les moyens de se payer ce genre de solution. Mais nous pensons aussi aux familles, pour qui avoir la possibilité de maintenir le senior à domicile, dans des conditions strictement surveillées, n’est pas plus onéreux, au contraire, qu’un placement en maison de repos ou en unité médicalisée. Le calcul est évident : si l’on gagne ne fut-ce que quelques mois, a fortiori, plusieurs années par rapport à une mise en maison de repos, on gagne de l’argent.”
Le coût du système, en tout cas, devrait être équivalent au coût d’un PC classique. Pour une solution de base (à savoir une installation non médicalisée), le coût sera inférieur à 1.000 euros. “Pour une solution “médicalisée” qui comporterait toute la panoplie de capteurs (glucomètre, tensiomètre, balance, saturomètre…), le prix sera sans doute le double. Mais nous envisageons déjà la possibilité d’une location d’appareils, via un accord avec les mutuelles.
Il faudra encore y ajouter l’abonnement aux services de call center médicalisé (surveillance, génération d’alertes). Dont coût : de l’ordre de 30 euros par mois.
Quelques détails techniques
La solution de “compagnon numérique” qui a été choisie prend la forme d’un ordinateur tactile intégré (un grand écran tactile, sans clavier ni souris) géré par un système d’exploitation (de type Windows 7 embedded) réaménagé afin de devenir plus intuitif et d’autoriser ainsi un usage et une navigation aisés par des personnes qui n’ont pas forcément de connaissances informatiques, ne serait-ce qu’embryonnaires. Le public-cible majeur, rappelons-le, est celui des seniors.
La solution tactile a été développée en collaboration avec l’UCL et, plus spécifiquement, avec Suzanne Kiefer, consultante spécialisée en “usability”, qui avait de son côté lancé le projet Keep-In-Touch. Les deux projets de développement, initiés séparément, ont fini par se coaliser.
L’une des fonctions ajoutées au système est la lecture de cartes eID, permettant au médecin traitant de s’authentifier en vue d’accéder, sur site, aux données médicales du patient.
Après les phases de développement et de concrétisation de la spin-off, CareSquare en est aujourd’hui arrivé au stade de la phase-pilote scientifique, avec test grandeur nature en maison de repos. Partenaires impliqués dans cette phase: l’UCL, Immunehealth et Touring. Une quinzaine de personnes âgées ont ainsi la possibilité de tester le système et de permettre éventuellement de l’affiner encore davantage. Pour les besoins de ce test-pilote, un nouveau partenaire industriel a été identifié, en l’occurrence Belgacom qui fournit 15 cartes SIM permettant des transferts de données via Internet, sans devoir pour autant installer une ligne ADSL). Lors de la mise en production, 3G et ADSL seront supportés. Et, parce qu’Internet n’est pas forcément toujours disponible, le système a été conçu de telle sorte à fonctionner 90% du temps off-line. Le stockage des données (paramètres vitaux collationnés) peut donc s’effectuer en local, en cas de rupture de connexion. Lors de son rétablissement, une synchronisation s’effectue automatiquement avec le serveur central.
Après la phase-pilote de six mois, la commercialisation devrait démarrer dans le courant de l’été.
FICHE SIGNALETIQUE
La spin-off a vu le jour en février 2012. La “chaîne opérationnelle à mettre en œuvre étant complexe”, la spin-off est un partenariat entre trois acteurs: Sébastien Rousseaux, venu du CETIC ; BizzDev qui développe le produit ; et Idealy pour le coaching. Tous trois sont actionnaires.
Actionnaires : CETIC : 22,5% ; BizzDev : 40% ; Sébastien Rousseaux : 10% ; Idealy : 12,5% ; le reste est réparti entre de petits actionnaires individuels.
Découvrez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Twitter
Retrouvez-nous sur LinkedIn
Régional-IT est affilié au portail d’infos Tribu Médias.