Quels critères Innoviris applique-t-il pour la sélection des projets d’innovation qui lui sont soumis dans le cadre du programme RISE-Innovative Starters? Quelle est l’enveloppe budgétaire? Comment est-elle gérée? Entretien avec François Billen, conseiller financier et chef de projet RISE.
Régional-IT: Trois sociétés ont vu leur dossier accepté dans le cadre de ce 5ème programme RISE. Sur quelles bases leur projet a-t-il été retenu?
François Billen (Innoviris): Le premier critère retenu est celui de l’aspect innovant du plan stratégique à trois ans. Les 3 sociétés répondaient à nos exigences en la matière, que ce soit au niveau challenge, caractère disruptif ou nouveau procédé qui n’existe pas encore sur le marché.
Le parcours de ces trois sociétés est assez différent. Lire l’article consacré à leurs projets.
Woorank existe depuis 4 ans, avec déjà un solide bagage financier et stratégique, relativement mature.
Productize présente un caractère réellement novateur. C’est un gros pari sur l’avenir. Le jury a surtout été séduit par la présentation de ce pari sur l’avenir.
Amia Systems évolue davantage dans une problématique de logique industrielle. Le projet porte sur l’optimisation des entrepôts, une thématique neuve mais cohérente par rapport à ce qu’ils ont réalisé jusqu’ici.
La “méthode” RISE
François Billen: “Après réception des dossiers candidats et une première analyse purement administrative des dossiers, les conseillers scientifiques d’Innoviris procèdent à un pré-challenge par nos conseillers scientifiques, avec analyse technique mais aussi financière pour déterminer la qualité financière de la société. Dans le cas d’une société venant d’être créée et qui ne dispose donc pas d’un historique, on s’intéresse à des critères tels que le business plan et le plan financier associé aux perspectives de valorisation du projet.
Un premier classement des candidatures est alors effectué. Tous les projets qui dépassent les 50% passent devant un jury d’experts venus du monde académique ou professionnel. A nouveau pour une évaluation technique et financière/valorisation.”
C’est alors qu’intervient la cotation finale.
Les solutions de Woorank et d’Amia existaient déjà. Puisque le fil rouge est l’innovation, dans quelle mesure devaient-elles dès lors proposer un scénario nouveau par rapport à ce qu’elles avaient déjà fait?
La base peut en effet déjà exister mais on est ici dans des fonctionnalités entièrement nouvelles. Pour Amia, on entre dans une problématique de logistique d’entrepôts là où elle s’occupait d’agencement de machines jusqu’ici. Pour Woorank, le but est la création d’une place de marché mettant en relation, d’une part, des entrepreneurs ayant de réels besoins en matière de marketing numérique et, de l’autre, des experts. La logique est donc également différente de ce qu’ils ont l’habitude de faire [Ndlr: à savoir l’optimisation de référencement de sites Internet].
Quels critères sont appliqués pour l’évaluation du potentiel économique?
Quand c’est possible, le premier critère est la santé économique de la société (bilan, comptes de résultats…). Autres critères: les hypothèses de travail, la cohérence de la stratégie et des prévisions financières, l’existence d’une première approche du marché, la présence d’un marché porteur, la crédibilité des perspectives…
En termes d’apport pour la région de Bruxelles, on tient compte de critères tels que le chiffre d’affaires potentiellement généré, la création d’emplois, l’impact social et/ou environnemental…
Comment pouvez-vous juger du caractère économiquement porteur du plan pour des projets d’innovation et, potentiellement, de marché ou de modèle qui n’existe pas encore?
Le jury se compose d’experts souvent professionnels, surtout pour la dimension économique de l’évaluation. On y trouve des business angels, des représentants des fonds d’investissement qui ont l’habitude de challenger les entreprises sur ce genre de choses. Ils peuvent identifier la validité de certaines hypothèses de travail.
Par ailleurs, ce qui importe, ce n’est pas tellement l’objectif chiffré, parce qu’il y aura nécessairement des aléas, mais plutôt l’hypothèse de travail, les premiers contacts pris, les lettres d’intention signées par des possibles clients…
Le subside est accordé pour un plan d’une durée de 3 ans. Y a-t-il évaluation en cours de route?
C’est en effet le cas depuis deux ans. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait là un réel besoin du côté des entreprises. Des comités de suivi interviennent donc tous les ans. Ce qui permet de re-challenger la réalisation concrète du plan proposé à l’origine et de recadrer, le cas échéant, s’il y a des écarts par rapport au plan de travail initial.
François Billen: “Des comités de suivi réévaluent tous les ans l’évolution du projet.”
Les lauréats des deux précédentes éditions nous ont souligné qu’ils appréciaient la chose. Le fait d’être confronté à des experts tant académiques que professionnels, d’être re-challengé en cours de route, les motive à utiliser les fonds mis à disposition de manière optimale et à rester dans les clous en termes de stratégie.
Cette réévaluation peut-elle déboucher sur un arrêt du financement?
Cela ne s’est jamais produit mais c’est en effet possible.
Comment se composent ces comités de suivi?
Dans la mesure du possible, ils se composent des experts qui ont participé à l’évaluation initiale des projets. S’ils ne sont pas disponibles, Innoviris sollicite un back-up.
Constatez-vous une évolution de la qualité des dossiers qui vous sont soumis dans le cadre du programme RISE?
Sur 5 ans, on apprend de nos faiblesses. Nous avons donc quelque peu retravaillé le travail d’évaluation, les questions posées par le jury… En termes de nombre de dossier, on a plus de candidatures qu’au début. Il y avait eu 3 réponses à l’appel à projets de 2011. On est monté jusqu’à 20, certaines années. [Ndlr: en 2015, neuf sociétés ont introduit un dossier.]
En termes de qualité, à tout le moins sur les deux dernières éditions, nous avons relevé une belle amélioration en termes de qualité et de rédaction des différents plans stratégiques d’innovation.
La hauteur du subside a-t-elle évolué au cours du temps? Il est aujourd’hui de maximum 500.000 euros sur 3 ans par société…
Au début, le plafond des fonds alloués était de 300.000 euros. On s’est rendu compte que pour des plans stratégiques qui pouvaient avoir une durée de 3 ans, surtout dans des domaines tels que les biotechnologies ou la santé qui supposent parfois des plans d’investissement beaucoup plus lourds qu’en IT, il était cohérent de pousser l’enveloppe jusqu’à un plafond de 500.000 euros.
Par ailleurs, au tout début, les 300.000 euros étaient alloués à une seule entreprise. Ensuite, il y a eu plusieurs lauréats, et ensuite l’augmentation à 500.000 euros. Il y a donc eu, en effet, une évolution depuis la première édition. Pour la dernière édition, l’enveloppe totale était donc de 1,5 million.
En fonction de cette enveloppe, le nombre de 3 lauréats est le maximum possible?
Oui. Le plafond par société est de 500.000 euros. Si on avait reçu des plans stratégiques d’un montant moindre, on aurait pu envisager d’augmenter le nombre de lauréats. Mais, d’un autre côté, il faut rester réaliste. En moyenne, on reçoit 15 candidatures par an. Si on veut préserver un haut niveau de qualité, il y a une certaine cohérence à limiter le nombre à trois…
A noter dès à présent qu’il y aura une édition 2016 du programme RISE-Innovative Starters avec un appel à candidatures en mai.
“Grâce au subside d’Innoviris, nous allons pouvoir évoluer plus vite et nous engager sur le terrain de l’optimisation d’entrepôts, même si cela figurait déjà dans notre stratégie.
Mais cela va nous accélérer, nous permettre d’engager des profils senior, nous concentrer sur cette évolution au lieu de devoir continuer à nous financer par des prestations de conseils n’ayant d’autre but que d’alimenter le cash flow.”
“Le financement par Innoviris va nous permettre de prendre un risque puisque ce projet nous fait sortir de notre zone de confort habituelle. L’argent mais aussi le coaching obtenus via le programme RISE nous permet d’oser. C’est un bon harnais de sécurité pour nous.
L’équipe RISE est par ailleurs très exigeante en termes d’actions et de structuration du projet. Et c’est une bonne chose parce que cela nous challenge et nous oblige à rendre des comptes, en quelque sorte…”
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