Le numérique ne doit et ne peut être qu’un outil, un nouveau support de médiation muséale, pas une fin en soi. Mais c’est aussi un instrument plus qu’utile pour relever les nouveaux défis de publics démultipliés, aux attentes et comportements nouveaux. Les participants à la conférence “Musée et numérique: enjeux et perspectives” en ont témoigné cette semaine à Mariemont.
Le numérique ne doit et ne peut être qu’un outil, un nouveau support de médiation muséale, pas une fin en soi. D’autant plus que cette “fin”, on risque fort de ne pas en voir le bout tant les concepts et les supports évoluent avec le temps.
Voilà, en substance, le message que faisaient passer à la fois les participants à la table ronde “Musée et numérique: enjeux et perspectives”, organisée ce lundi au Musée de Mariemont, et plusieurs participants et observateurs du hackathon Museomix qui s’y est déroulé pendant le week-end.
Pour le Musée de Mariemont, l’événement du Museomix (relire notre article) était l’occasion de faire se rencontrer des profils et idées venues de différents univers.
Comme le disait Renaud Quertinmont, responsable des collections Egypte et Moyen-Orient au Musée royale de Mariemont, “le but du Museomix était d’avoir un regard différent. A force d’être toujours dans le musée, on tourne parfois en rond. Il est parfois difficile d’avoir le recul nécessaire, de savoir ce que le public attend de nous.”
Un exercice sans fin
Le Musée de Mariemont à Morlanwelz.
Les responsables du musée y auront en tout cas trouvé des inspirations qui seront ou non réutilisées, transplantées dans d’autres scénarios de médiation nouvelle. Le grand défi, soulignait pour sa part Roland Van der Hoeven, directeur opérationnel du Musée de Mariemont, est de “trouver les bonnes médiations pour l’avenir. Il est très difficile de prédire ce qui marchera demain. Tout est question d’essais, de tâtonnements… En effet, les publics sont de plus en plus divers. Hier, lorsque nous propositions une exposition sur le thème du 19ème siècle, nous étions quasiment assurés que le public serait essentiellement faits d’universitaires de 25 ou 30 ans. Aujourd’hui, il s’agit plus que jamais de toucher l’ensemble de la collectivité. Il s’agit donc de personnaliser, d’éclater la médiation. Les musées doivent se livrer à une interrogation constante.”
Frédéric Lemmers, attaché à la Bibliothèque royale de Belgique, soulignait, lui aussi, le défi de la multiplicité des cibles et publics: “La nature du débat autour de la numérisation [dans l’univers muséal] a connu une énorme accélération en l’espace de 10 ans. A l’époque, la numérisation était présentée comme le moyen de préserver, de sauvegarder le patrimoine. Aujourd’hui, le discours a fondamentalement changé. La numérisation est synonyme d’accès multiple, de re-création. Le but est de procurer des outils qui autorisent le questionnement par tout le monde.”
Frédéric Lemmers (Bibliothèque royale de Belgique): “La nature du débat autour de la numérisation a connu une énorme accélération en l’espace de 10 ans. A l’époque, la numérisation était présentée comme le moyen de préserver, de sauvegarder le patrimoine. Aujourd’hui, la numérisation est synonyme d’accès multiple, de re-création.”
Ce qui pose, plus encore qu’hier, la question des moyens financiers à y allouer: “quand les budgets sont limités, à quoi faut-il les consacrer? A enrichir le socle [lisez: numériser davantage de pièces] ou à multiplier les supports et canaux d’accès et de diffusion?”
Le visiteur participatif
Plusieurs intervenants de la table ronde et plusieurs participants du Museomix ont souligné qu’à leurs yeux, le numérique est avant tout un moyen d’impliquer davantage le visiteur comme acteur du musée et de sa propre expérience muséale.
Si les Musées royaux des Beaux-Arts ont fait, depuis quelque temps déjà, leur entrée sur le Web, le numérique était resté très discret pour ne pas dire totalement absent de l’espace muséal proprement dit. L’exposition “2050. Une brève histoire de l’avenir” est l’occasion d’introduire de nouveaux “outils”: appli pour smartphone et tablettes pour visionner certains contenus, statuettes produites en 3D, bornes Wifi pour que les visiteurs puissent partager leurs impressions via un mur de tweets, un photomaton qui permet aux visiteurs d’enregistrer des messages vidéo (GIF animé) destinés aux futures générations…
“Notre espoir est que l’exposition 2050 soit, pour les Musées royaux des Beaux-Arts, un moment-charnière pour l’utilisation des technologies numériques comme outil de transfert et d’implication du visiteur”, déclare Karine Lasaracina, attachée « Musée numérique » de l’institution.
Karine Lasaracina, attachée « Musée numérique » aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique de Bruxelles: “Ces nouvelles interfaces numériques doivent non seulement être conviviales mais doivent aussi être le prolongement de la pensée afin de rendre le contenu de plus en plus personnalisé et impliquant pour le visiteur.”
Catherine Collin, directrice du service des publics au Musée des Arts décoratifs de Paris: “Le but est d’augmenter le regard, c’est-à-dire la capacité du visiteur à piocher parmi les ressources du musée, pour aller vers davantage de connaissances ou pour en livrer lui-même davantage.”
Un visiteur qui participe à l’expérience et enrichit les ressources muséales, en commentant, en donnant son appréciation, son interprétation, en laissant une trace, éphémère ou non, de son interaction avec un objet, en co-construisant la base de données qui servira à indexer, cataloguer, “taguer” les pièces exposées. A noter que l’un des prototypes, baptisés Feelink, développés lors du Museomix de ce week-end allait dans ce sens.
Chacun a son rôle, poursuivait Catherine Collin: “nous [le musée] offrons la matière mais le public peut être celui qui révèle les oeuvres.”
Roland Van der Hoeven (Musée de Mariemont): “La numérisation permet au musée d’augmenter sa réalité et de décupler son public.”
Et le musée, seul, ne peut relever le défi. “Le Museomix est la recette qui permet le mieux de réconcilier les extrêmes, le monde des adolescents actuels et le celui du musée”, déclarait l’une des “muséomixeuses”.
“Et ce, en créant un environnement où on peut tester, réfléchir en transversal, au travers de différentes médiations. Les métiers traditionnels du musée doivent certes continuer à inventorier, à accumuler ressources et connaissances mais il faut aller chercher ailleurs d’autres intérêts et d’autres compétences pour générer un bouillon de créativité.”
Un autre participant, professionnel du musée, renchérissait: “le rôle du musée est de conserver le patrimoine et de le mettre à disposition. Le numérique est l’un des moyens qui le permet. Mais à quand le “musée 2.0”? C’est-à-dire [non pas le musée numérisé mais] un espace participatif où les gens se réapproprient leur patrimoine?
Notre regard n’est pas toujours celui du public. Nous devons dessiller le regard que nous avons sur le patrimoine que nous avons constitué.”
“Le Museomix est la recette qui permet le mieux de réconcilier les extrêmes, de créer un environnement où on peut tester, réfléchir en transversal, au travers de différentes médiations. Les métiers traditionnels du musée doivent continuer à inventorier mais il faut aller chercher ailleurs d’autres intérêts et d’autres compétences pour générer un bouillon de créativité.”
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