Pour que les entreprises puissent se mettre à la fabrication additive, elles devront évidemment pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs ou des profils à recruter présentant les compétences requises par ces nouvelles techniques. Des techniques qui sont encore loin d’être monnaie courante dans les programmes de formation, que ce soit à destination des étudiants, des personnes actives en quête de formation continuée ou des chercheurs d’emploi.
Les centres de compétences wallons, tels que Technifutur à Liège et Technocampus à Charleroi, se mettent toutefois – petit à petit – à la page.
Côté liégeois, Technifutur a déjà fait l’acquisition de 4 imprimantes bas de gamme (des Ultimaker, venues des Pays-Bas) qui serviront surtout à des exercices de prototypage. Les formations qui sont dispensées visent un public bien précis, à savoir les jeunes de moins de 25 ans, en “décrochage pédagogique ou sociétal”. Ceux que l’on appelle aussi les “neets”- Not in education, employment or training.
Ce programme, mené en partenariat avec Proximus et le Forem, vise à les réintroduire dans les circuits habituels en suscitant leur intérêt et à les relancer ainsi dans la recherche d’un emploi. Imaginer des objets à imprimer en 3D peut être l’un de ces déclencheurs… La formation est de courte durée: 8 semaines.
En 2016, Technifutur s’engagera dans une nouvelle phase, visant un public différent, en investissant dans des imprimantes nettement plus sophistiquées. Technologie: l’impression en métal. La formation, de type CFAO et 3D, sera de longue durée (un an) et concernera 12 demandeurs d’emploi.
S’y ajouteront des formations “à la demande”, en fonction des besoins des entreprises de la région.
L’investissement qui sera fait dans des systèmes haut de gamme en 2016 et 2017 fait partie d’un budget global, financé par un projet Feder, qui vise à ouvrir la voie de formations visant la diffusion de toute une série de nouvelles technologies, en productique, usinage évolué, mécatronique… et donc aussi fabrication métallique additive. Partenaire: le Sirris.
“L’impression 3D sera une technologie complémentaire à enseigner, en plus des techniques d’usinage classique”, explique Georges Nikolaidis, directeur de Technifutur.
Prudence et progressivité
Dans le Hainaut, le TechnoCampus n’a pas encore totalement défini sa stratégie mais semble vouloir étoffer progressivement son catalogue de formations. En commençant par de la sensibilisation pour passer ensuite à des formations pratiques. La progressivité sera également de mise du côté des notions enseignées pour divers publics: demandeurs d’emploi, décideurs industriels, bureau d’étude…
Plusieurs raisons à cette démarche progressive. D’une part, l’importance des investissements à réaliser en matériels et un phasage des projets qui ont obtenu un budget Feder en juin dernier.
D’ici 2020, Technocampus échelonnera en effet ses investissements selon divers thèmes: robotique dès cette année, suivie par l’excellence opérationnelle et l’efficience énergétique. La fabrication additive (côté gros investissements en matériel) ne se pointe qu’en 4ème position. Du moins dans l’état actuel des choses.
Autre explication à la démarche progressive: le rythme élevé de l’évolution des technologies en matière de fabrication additive. “Nous avons déjà procédé à l’acquisition de deux machines bas de gamme [des MakerBot] mais pour ce qui est des investissements plus coûteux, couverts par le budget Feder, investir dès à présent dans des machines qui seront sans doute obsolètes dans deux ou trois ans, lorsque le besoin de formation se sera sans doute concrétisé dans nos régions, c’est courir le risque de ne pas avoir, à ce moment-là, les moyens de réinvestir dans des équipements pertinents”, raisonne Christian Eymael, chargé de la veille et des activités de sensibilisation chez Technocampus.
Le centre se veut donc prudent dans sa démarche et dans ses décisions. Même s’il est conscient qu’il est dangereux de trop tergiverser: “Nous devons certes avancer, être prêt avant que la demande devienne réelle. Au vu du phasage qui a pour l’instant été envisagé et de l’évolution de la demande, nous serons peut-être amenés à revoir notre stratégie pour éviter d’être en retard par rapport à la demande, ce qui serait à la fois dommageable et contraire à nos objectifs.”
Quel est l’agenda prévu pour l’instant?
A l’heure actuelle, des séances de vulgarisation ou de sensibilisation sont déjà organisées en collaboration avec le Sirris et Innovatech (les “Petits Déj’ du 3D Printing”) dans les zonings industriels. Les participants y découvrent le b.a.-ba de la fabrication additive et ses possibles applications.
En 2016, début d’un programme de sensibilisation destiné aux décideurs industriels et membres de la direction d’entreprises. Durée de la formation: une journée. A ce stade, les formations demeureront théoriques et aborderont des concepts de base: comment choisir le bon système d’impression, comment qualifier le processus, comment maîtriser les propriétés et caractéristiques mécaniques des pièces à produire…
“A ce stade, un équipement de base suffira.” Il sera d’ailleurs aussi utilisé pour les formations de base proposées aux demandeurs d’emploi et étudiants.
Réapprendre le métier sous l’angle 3D. Ici des formations Sirris pour Atlas-Copco
Dans un deuxième temps, des formations mi-théoriques mi-pratiques plus poussées (de 2 ou 3 jours) seront destinées à des bureaux d’étude (qualification de processus, caractérisation de pièces…). “Nous devrons alors disposer d’un minimum d’équipements pour que les apprenants puissent se rendre compte des contraintes et produire des prototypes.”
Troisième étape, en 2018 ou 2019: acquisition de systèmes de moyenne gamme et haut de gamme. L’un des système devra être apte à produire des pièces fonctionnelles métalliques, notamment dans le domaine aéronautique (secteur industriel essentiel pour la région de Gosselies). Un deuxième système, indique Alain Stas, directeur en charge des relations entreprise et de la veille, visera la fabrication additive à l’aide de biomatières.
Ce cheminement semble bien lent. Potentiellement trop lent. Mais, souligne-t-on du côté de Technocampus, en parallèle à ce programme d’acquisition de matériels, un processus de formation de formateurs sera lancé dès 2016.
Des formateurs internes, appelés à former des étudiants, des demandeurs d’emploi ou des professionnels, mais aussi des industriels qui opéreront dans leurs propres entreprises.
Le matériel dont dispose actuellement Technocampus étant insuffisant, des partenariats seront activés avec le Sirris ou le CRIBC (Centre de Recherche de l’Industrie Belge de la Céramique). “Nous aurons ainsi accès à des équipements plus sophistiques, capables de produire des pièces fonctionnelles en céramique, métal…”, souligne Alain Stas.
Deux formations ont déjà été reconnues et peuvent donc donner droit à des chèques formation. La première concerne le b.a.-ba de la fabrication additive (quelle machine choisir…). L’autre permet à l’apprenant de se former à la manière d’utiliser et de faire évoluer un fichier 3D classique pour contrôler une machine et réaliser des pièces.
Manque de compétences? A voir…
Selon le marché auxquels ils s’adressent, les quelques premiers acteurs belges – lisez: fournisseurs de services – sur le terrain de la fabrication additive ne voient pas les besoins en formation et compétences de la même façon.
Certains, lorsqu’il se sont lancés sur ce créneau, avaient inscrit les formations à leur répertoire. Aujourd’hui, ils ne sont plus aussi convaincus de leur utilité. Pour plusieurs raisons.
Il y a bien entendu les jeunes start-ups qui n’ont pas encore atteint une stabilité ou une visibilité suffisante pour ajouter ce genre de services à leur panoplie. D’autres estiment que leur public-cible n’a pas besoin de formations, ou que le besoin, en tout cas, n’est pas suffisamment systématique pour qu’ils investissent dans cette voie.
C’est le cas d’Addiparts, à Mons. “Les sites où les gens peuvent s’informer et se former se sont multipliés sur Internet. Dans le secteur industriel [qui est la cible principale d’Addiparts], les techniciens font leur propre apprentissage via des lectures. Le client s’éduque lui-même…”, estime Charles Demoulin, patron de la société.
D’autres acteurs, par contre, estiment au contraire qu’un écolage sérieux est nécessaire. Mais il faut dégager pour ce faire de nouveaux moyens. C’est la situation dans laquelle se trouve Vigo Universal, à Namur. Dès l’ouverture du centre de réplication, l’année dernière, son intention avait été de proposer des formations pour le grand public. Faute de moyens pour financer des formateurs réguliers, elle se contente pour l’instant de répondre à des demandes ponctuelles, par exemple d’écoles, ou de former les personnes à qui il lui arrive encore de vendre des imprimantes.
“Nous ne vendons plus des imprimantes au tout-venant”, indique Christophe Hermanns, patron de Vigo. “Les particuliers, bien souvent, ne disposent pas des compétences nécessaires pour s’en servir utilement. Nous ne les vendons désormais plus qu’à certaines personnes qu’on sait déjà capables de les utiliser ou à qui on impose une formation afin qu’elles ne soient pas déçues des résultats.”
D’autres sociétés qui se lancent dans la fabrication additive et l’impression 3D devraient à terme ajouter des formations à leur catalogue de services. Ce sera bientôt le cas d’IDArt à Braine-l’Alleud. Cette société, créée en 2014, propose des services de modélisation et d’impression 3D pour la production de prototypes rapides, de maquettes, d’objets de marketing, essentiellement pour une clientèle professionnelle (entreprises, architectes, bureaux d’étude…).
D’ici quelques semaines, elle devrait commencer à proposer des formations de base pour “tous publics” – professionnels et particuliers. Une première session d’une journée visera les principes de base. De quoi vérifier l’existence d’un intérêt réel. S’il se confirme, une séance pourrait être organisée tous les deux mois, avec des sujets plus élaborés: débouchés professionnels, modélisation…
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