Un programme de recherche (objet de thèses de doctorat) de l’UCL a débouché, voici quelques mois, sur la création d’une nouvelle société (voir l’encadré en fin d’article pour le détail du parcours effectué) orientée vers la rééducation (dans les semaines qui suivent l’atteinte cérébrale) des adultes souffrant d’un handicap des membres supérieurs, à la suite d’un AVC. Autre catégorie visée: les enfants et adolescents atteints d’infirmité motrice d’origine cérébrale (IMC).
L’IT prend une place essentielle, aux côtés de l’électronique, dans cette solution puisque le REAplan d’Axinesis se définit comme un robot interactif, sorte de plan de travail de rééducation, qui s’appuie sur des algorithmes évolués et une série de jeux vidéo thérapeutiques – Julien Sapien et Eric Hannesse, les deux fondateurs de la société, préférant éviter l’appellation de “jeux sérieux”.
Les jeux et scénarios des séances de rééducation s’affichent sur un grand écran afin de créer un effet d’immersion.
En termes spécialisés, le REAplan est un système robotisé “à effecteur distal”, autrement dit “capable de mobiliser le bras du patient en véhiculant son avant-bras ou sa main le long de trajectoires comprises dans un plan, en adaptant le niveau d’assistance à la capacité d’action.”
Un capteur de force est intégré à la manette du bras robotisé. Le système pilote bras et manette selon le scénario préprogrammé et mesure en temps réel chaque mouvement que fait en réaction le patient, adaptant la résistance en fonction de la force – ou du manque de force, voire des erreurs de réaction – du patient.
Julien Sapin (Axinesis): “Si le système constate une difficulté dans la réalisation d’un mouvement [par exemple, pour le déploiement du bras], le robot prend le relais et accompagne le mouvement.”“Le robot guide la personne”, explique Eric Hanesse. Au début, il procure une importante assistance pour accompagner le mouvement. Grâce aux mesures d’effort et de résistance en temps réel, le robot “apprend”, capte les aptitudes du patient et adapte ses sollicitations. Le but, en effet, est d’amener le plus rapidement possible le patient à faire lui-même le bon mouvement.”
Ce “robot” peut générer plusieurs milliers de gestes à l’heure, gestes qui correspondent aux scénarios thérapeutiques définis en fonction de chaque type de pathologie et degré d’invalidité du patient. Toute une série de modules ont été conçus, en fonction notamment de critères de pathologie, d’âge, de sexe, présentant des exercices différenciés.
Trois types de tâches peuvent ainsi être proposées aux personnes cérébrolésées. Explication par Julien Sapin.
“Il y a tout d’abord les tâches dites de pointage, où il s’agit de relier un point A à un point B. Exemple de scénario: guider la main d’un avatar pour collecter des pommes et les placer dans un panier.
Viennent ensuite les tâches plus complexes où il faut suivre un parcours ouvert. Par exemple, un parcours de golf.
Enfin, il y a les tâches cycliques, où le point de départ est également le point d’arrivée. Par exemple, un circuit de course de voiture.
Les exercices et thèmes changent en fonction des patients. C’est le thérapeute qui les choisit dans la bibliothèque de jeux.” A noter que la vitesse des exercices est également modulable.
Robot et jeux pour rééducation
Le premier public auquel s’adresse Axinesis avec son REAplan est celui des adultes ayant souffert d’un AVC (accident vasculaire cérébral). L’objectif est de proposer un système de rééducation efficace, une assistance aux médecins et thérapeutes le plus tôt possible après l’accident cérébral, période cruciale, souligne Eric Hanesse, pour la récupération. “Plus tôt on intervient pour stimuler les zones du cerveau lésées, plus le cerveau montre de capacité à reconstruire des connexions aux alentours de ces zones. Notre but est que le REAplan soit utilisé dès l’arrivée des patients dans les centres de rééducation et de commencer immédiatement les séances préprogrammées.
La robotique de rééducation apporte un plus à l’accompagnement classique. Et nous avons la volonté de démocratiser l’accès à cette technologie, en rendant le prix conciliable avec les budgets des services de réadaptation…”
A noter que le système ne permet la mobilisation que des seuls membres supérieurs. Mais la jeune pousse ne s’arrêtera sans doute pas là.
Deuxième public-cible: les enfants et jeunes adolescents souffrant d’infirmité motrice d’origine cérébrale (IMC).
Axinesis envisage déjà d’étendre sa solution au traitement d’autres affections, telles que la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques ou les traumatismes crâniens.
Une réelle mesure de la réadaptation
Axinesis n’est pas la seule société à se lancer, avec des solutions IT proches des jeux sérieux, sur ce terrain de la réadaptation physique et/ou neurologique. Comment sa solution se compare-t-elle par exemple au jeu sérieux “Roger” développé par Fishing Cactus en collaboration avec une équipe de l’hôpital Erasme (un jeu basé sur la Kinect de Microsoft)?
“Le REAplan fournit une assistance au mouvement. Le principe est de générer le mouvement, de la manière la plus intense possible, là où une solution basée sur Kinect ne peut induire ce challenge actif. Nous pouvons par ailleurs qualifier, évaluer objectivement la qualité du mouvement puisque la plate-forme autorise l’acquisition de données…”
La collecte des informations est constante, via le capteur intégré: réactions du patient, force appliquée, précision du geste, aptitude à guider le mouvement plutôt que de simplement le subir, capacité à suivre ou non un parcours… Cela permet non seulement au robot “d’apprendre” et de moduler en temps réel le scénario mais ces données seront également utilisées pour “améliorer les protocoles de rééducation, venant compléter le travail plus empirique du kiné”, ajoute encore Eric Hanesse. “La Kinect ne permet pas au patient de se réapproprier véritablement le geste. Avec le REAplan, si le patient n’est pas capable de suivre la trajectoire, l’assistance générée par le robot le ramène sur le parcours.”
La genèse d’Axinesis
Octobre 2006: Julien Sapin démarre sa thèse de doctorat sur le thème des “systèmes interactifs pour neuro-réadaptation des membres supérieurs de personnes cérébrolésées”.
Suivent 4 ans de recherche au sein du CEREM (centre de recherche en énergie et mécatronique) de l’UCL, via un financement du FRIA (financement de thèses de doctorat dans des domaines tels que les sciences appliquées, la médecine ou la physiothérapie). Partenaire: les Cliniques universitaires Saint-Luc (service de médecine physique et réadaptation).
Les résultats des recherches “ayant laissé apparaître un réel potentiel économique”, le projet bénéficie en 2010 d’un accompagnement et d’un financement dans le cadre du programme First Spin-off (Région wallonne). Durée: 4 ans.
Dans le même temps, un autre doctorant de l’UCL, Maxime Gilliaux, dédie sa thèse de kinésithérapie au même sujet et devient ainsi en quelque sorte le testeur officiel qui validera les matériels et logiciels développés pour REAplan.
Avril 2015: création de la spin-off. Julien Sapin est rejoint, à cette occasion, par Eric Hanesse, qui devient CEO de la jeune pousse. Ce Français vient de Formetrics (Strasbourg), société spécialisée dans les diagnostics et aides médicales pour problèmes de posture. Julien Sapin, lui, opère comme CTO et expert technique.
Aujourd’hui, une levée de fonds est en cours auprès de 3 investisseurs, dont deux sont connus: l’UCL elle-même, via la Sopartec, et Nivelinvest. Le 3ème investisseur, institutionnel lui aussi, devra avoir un “profil davantage orienté business et international”, souligne Eric Hanesse.
Montant à lever: 1,5 million d’euros.
Le dispositif REAplan est certifié CE. Axinesis, pour sa part, est certifiée ISO 13485. [ Retour au texte ]
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