Un an après son entrée en fonctions, Bianca Debaets, secrétaire d’Etat bruxelloise en charge de de l’Informatique régionale et communale et de la Transition numérique, s’inscrit dans la continuité de ce qu’avait entamé sa coreligionnaire du CD&V, Brigitte Grouwels, lorsqu’elle occupait le même poste lors de la législature précédente. La différence est sans doute dans l’habillage nouveau qui est donné à certains projets informatiques de la Région, désormais regroupés, pour la plupart d’entre eux, sous l’étendard “Smart Brussels”.
En effet, avec sa particularité d’être une ville-région — et capitale —, Bruxelles veut se donner des ambitions de ville intelligente et connectée… et se désole de ne pas figurer dans le Top européen (ou mondial) où figurent notamment Amsterdam et Barcelone (v. encadré ci-dessous).
Plusieurs classements circulent. Dont celui de Juniper Research qui, pour 2015, a choisi Barcelone, New-York, Londres, Singapour et Nice pour son Top 5 mondial. Parmi les critères retenus: utilisation de réseaux d’électricité intelligents (« smart grids »), gestion du trafic routier et de l’éclairage des rues, expertise technologique, cohésion sociale…
D’autres classements pointent, en Europe, des villes telles que Copenhague, Barcelone, Helsinki ou Vienne.
Le dernier classement que nous citerons est celui du magazine américain Fastcompany qui, en 2014, publiait son Top 10 européen: Copenhague, Amsterdam, Vienne, Barcelone, Paris, Stockholm, Londres, Hambourg, Berlin et Helsinki.
Bianca Debaets veut y voir avant tout un problème de visibilité et de communication. “Pas mal de choses ont déjà été faites mais Bruxelles se vend mal. Nous avons clairement besoin de davantage de visibilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons lancé le portail Brussels Smart City. Un portail qui a pour but de répertorier projets et réalisations, classés en 5 catégories- Smart Services, Smart & Social, Smart Infrastructure, Smart & Mobile, Smart & Safe. Il se veut aussi un outil participatif via lequel tout citoyen ou professionnel est invité à livrer son avis sur des thèmes spécifiques.
Mais le diagnostic est sans doute plus sévère qu’un simple manque de visibilité. Si la Région de Bruxelles-Capitale possède en effet certains atouts et a lancé divers projets pouvant relever du concept très fourre-tout de “smart city”, il reste encore pas de choses à faire pour parler d’un réel élan manifeste et cohérent. Et le morcellement des initiatives ne facilite pas les choses. De même qu’un manque de dialogue entre acteurs.
La Secrétaire d’Etat est d’ailleurs l’une des premières à le reconnaître: les différents acteurs, aux divers niveaux de responsabilité ou de pouvoir – communes, CPAS, zones de police, Région… -, “travaillent encore trop, chacun sur son île.” Ce qui déforce Bruxelles par rapport à d’autres villes ou régions.
A-t-elle une recette à proposer pour tenter d’y apporter une solution? Il n’y aura pas réellement de réponse à cette question (ce serait un miracle dans le contexte belge) mais simplement l’expression d’un espoir que certaines démarches entamées puissent servir d’exemple et de motivation à réitérer. L’exemple en question? La plate-forme de vidéoprotection qui commence à être déployée et qui transcende les barrières inter-pouvoirs (relire notre article)
La petite différence
Parmi le tohu-bohu de toutes les villes et municipalités qui veulent attirer regards et investissements, comment Bruxelles peut-elle se démarquer? Pour Bianca Debaets — au-delà de la technologie pure et dure — le “participatif” doit avoir une place de choix.
D’où la volonté d’une consultation (large? fréquente?) de la société civile et de la population. Et ce, à travers divers mécanismes. Comme par exemple des sondages via le portail Brussels Smart City ou encore un événement ouvert au grand public qui s’inscrira dans le prolongement du Smart City Summit, organisé en juin à destination des décideurs (publics et privés). Le 24 novembre, cette nouvelle conférence aura pour objectif de donner la parole à la société civile et de recueillir avis et demandes par rapport aux projets de “ville intelligente”.
Ce n’est pas encore un slogan mais une sorte de leitmotiv pour la “transition” numérique de Bruxelles: “Smart city with smart people”. La transformation doit donc en principe se faire avec l’aval et par la volonté participative des forces vives – tous horizons confondus.
Ce sera notamment le cas pour le déploiement du WiFi public dans la capitale. Dans un premier temps, le CIRB a été chargé de lister des sites et lieux jugés prioritaires, sur base notamment d’un ratio optimal entre faisabilité technologique, coût de réalisation et besoins. “L’exercice d’identification des espaces publics aisés à connecter à coût raisonnable est en cours”, confirme Bianca Debaets. Une vingtaine de lieux devraient ainsi être sélectionnés. Sans doute d’ici 2016. Relire à ce propos notre article où il était déjà question des premiers lieux et axes identifiés par le CIRB
“Mais nous demanderons également aux citoyens de nous livrer leurs propres priorités.”
“Le projet Smart Brussels doit se faire avec les Bruxellois. Souvent, ce genre de projets demeurent trop exclusivement technologiques, impliquant des start-ups ou des experts académiques. Mais le citoyen comprend-il ce qui est mis en oeuvre? L’élément participatif est important. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons notamment commencé par l’équipement des écoles en haut débit (voir encadré ci-contre), parce que les jeunes sont l’avenir. Dans le même ordre d’idée, nous organisons des CoderDojo et un projet est en préparation à destination des jeunes du quartier de Cureghem qui, plus que d’autres, sont défavorisés par rapport au numérique…”
Les priorités de Bianca Debaets?
Aux yeux de la Secrétaire d’Etat bruxelloise, les objectifs d’une “smartisation” urbaine sont non seulement d’ordre économique (attractivité vis-à-vis d’investisseurs et d’acteurs) mais touchent également à la qualité de vie, au quotidien de tous ceux qui y vivent, travaillent ou transitent.
Priorité donc à la connectivité (fibre optique et WiFi), aux projets pouvant êtres favorisés par la “libération” des données (open data), à la sécurité (via la plate-forme de vidéoprotection), à la simplification administrative – avec un rôle-clé à jouer par le CIRB en tant qu’intégrateur de services.
Mais “ne nous voilons pas la face”, ajoute-t-elle. “D’autres chantiers auxquels il faudra s’attaquer sont celui de la mobilité et de l’environnement durable. La gestion des ressources énergétiques est aussi quelque chose qu’il nous faut développer…”
Où en sont les choses?
Côté WiFi public, on l’a vu, l’exercice d’identification des premiers sites à équiper est en cours. Décision, sans doute, début 2016.
Toujours en matière de connectivité, Bianca Debaets estime que le – long – débat sur le déploiement du 4G à Bruxelles est maintenant clos. On peut donc avancer.
Pas question par contre pour elle d’aborder dès à présent le dossier tout aussi crucial du 5G. Bruxelles a déjà annoncé vouloir être volontariste en la matière. Mais la Secrétaire d’Etat estime prématuré de discuter de possibles modèles économiques et de modes de financement…
Autre dossier emblématique et essentiel pour la multiplication des services et applications: l’open data. Dans ce domaine, des “contacts et négociations” sont en cours, notamment entre membres du gouvernement, pour définir le cadre. Seule chose affirmée par Bianca Debaets: il y aura nécessairement une licence. C’est en effet un préalable utile et requis. Mais quelle licence? Rien n’est encore décidé apparemment. On verra… après analyse de ce que d’autres régions ou villes — “Londres par exemple” — ont choisi, et quelles en furent les implications. La Ville de Bruxelles servira-t-elle d’exemple?
En matière d’e-gouvernement et de simplification administrative, hormis les progrès à accomplir, il y a aussi selon Bianca Debaets, un effort de communication à poursuivre. IrisBox, le guichet électronique qui permet de consulter et commander divers documents officiels, demeure trop mal connu et trop peu utilisé. Nova, la solution de suivi en-ligne de demande de permis d’urbanisme (avec visualisation géolocalisée de toutes les demandes de permis d’urbanisme, d’environnement, de lotir et autres certificats d’urbanisme), progresse mais pas dans des proportions significatives.
Le chantier d’identification des sources authentiques de données a commencé (c’est de la responsabilité de l’agence EasyBrussels, chargée de la simplification administrative). Même si le nombre de sources authentiques relevant de la Région est (relativement) limité, l’exercice est essentiel et devra se faire en continu, à mesure que de nouveaux référentiels se créent.
Outre le travail d’identification, il faudra “nettoyer”, rendre compatibles et exploitables les jeux de données. Premier constat — identique à celui déjà fait dans d’autres régions: la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. “Souvent, la collecte des données est faite sans se soucier de la possibilité de rendre les données utilisables par le plus grand nombre”, indique-t-on au cabinet de Bianca Debaets.
Un exemple? “Les données concernant les travaux publics sont destinées à un usage professionnel. Il serait intéressant de les mettre à disposition du citoyen mais il faut d’abord effectuer un travail de traduction pour transformer le jargon dans un langage compréhensible par tous. On en a également fait l’expérience du côté de l’application Fix My Street, où il faut faire attention de décrire les équipements et objets de l’environnement urbain de telle sorte à éviter le langage administratif…”
Autre initiative nouvelle prise avant l’été: la désignation d’un (ou d’une) “Smart City Manager”. Sa nomination serait sur le point d’être effectuée. Relire notre article pour découvrir le profil recherché. Quel rôle Bianca Debaets lui voit-elle jouer? “Il sera chargé de rassembler les différents partenaires et administrations, de coordonner les projets, d’établir aussi l’inventaire des projets liés à une smart city. Son rôle consistera aussi à représenter la Région tant en interne, au niveau régional, à l’échelon belge, qu’à l’international.” A lui (ou elle) aussi, dès lors, de faire en sorte que Bruxelles se hisse enfin dans le classement des meilleurs élèves…
Les rênes en mains
Dans toute une série de registres, la Région-Capitale semble vouloir garder les rênes en mains. L’exemple le plus emblématique – mais aussi l’un des plus essentiels – est celui du réseau fibre optique. “Nous en sommes propriétaire et nous voulons poursuivre dans cette voie”, affirme Bianca Debaets. “C’est là un point qui nous différencie de la plupart des autres villes et régions. Et c’est important en termes de valeur ajoutée. Le réseau fibre optique est une brique de base essentielle…”
Mais la Région, notamment via les développements du CIRB, veut aussi proposer elle-même certaines solutions applicatives. C’est le cas par exemple de la solution Fix My Street. Plus récemment, la Région a également subsidié le développement d’une appli à l’occasion du Jazz Marathon, une appli qui permettait aux participants d’accéder aux horaires des transports en commun, au programme des concerts… et qui proposait quelques fonctions “modernes” telles que de la reconnaissance de visage. De quoi permettre aux festivaliers d’identifier des artistes sur scène et de consulter par exemple leur biographie.
La question, déjà souvent posée, est de savoir jusqu’où les acteurs publics doivent/peuvent se mêler de choses que le privé pourrait/devrait assumer. “Le but n’est pas de nous substituer au privé qu’il faut en effet stimuler”, souligne-t-on au cabinet de Bianca Debaets. “Mais dans certains cas, c’est au public de proposer certaines solutions et de veiller à ce que la solution soit disponible, efficace et fonctionnelle.”
L’exemple-type cité est celui de Fix My Street, un moyen pour les citoyens de signaler des problèmes de voirie (notamment). BetterStreet, solution émanant du secteur privé, s’est situé quasiment sur le même terrain (problèmes de mobilité, d’incivilités…) “mais ce genre de solution exige un gros travail pour que les plaintes et messages parviennent au bon destinataire” – dans l’enchevêtrement qu’est souvent l’organisation des services publics. Autrement dit: les pouvoirs publics, outre l’obligation de service disponible et fiable, sont mieux placés pour veiller à ce que tous les relais fonctionnent… Un débat qui est loin d’être clos.
Comment la Région justifie-t-elle aussi d’avoir financé le développement d’une appli mobile dans le cadre du Jazz Marathon (la réalisation en a été faite par une société privée)? “Cet événement était important aussi pour le marketing de la ville. C’était par ailleurs l’occasion de démontrer ce que la technologie peut apporter comme valeur ajoutée, de donner une autre image d’un festival de jazz..”
Image, visibilité, réputation, une fois encore, apparaissent donc comme des arguments dont la Région-Capitale veut davantage se saisir.
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