Le détail du Plan (ou Agenda) numérique ne sera dévoilé par le ministre Jean-Claude Marcourt qu’en septembre (ou octobre?). Sa teneur exacte se prépare actuellement, entre experts et professionnels mais aussi via les contributions de tout citoyen ou observateur lambda (n’oubliez pas de participer à l’exercice via la plate-forme du Printemps du numérique!).
Ce Plan numérique a toutefois montré le bout de son nez, ce vendredi, lors de la présentation par le gouvernement wallon du Plan Marshall 4.0 (PM 4.0) dont il constitue l’un des 5 axes.
Pas de grandes révélations mais pas non plus de mauvaises surprises, du genre “passage à la trappe” ou coup de sabre dans les intentions. Au contraire, dans son ensemble, le Plan Marshall 4.0 bénéficiera d’une enveloppe budgétaire quelque peu supérieure à ce qu’on en attendait: 2,9 milliards au lieu des 2,4 ou 2,5 attendus. Et près de 245 millions pour l’axe 5.
Paul Magnette: “L’objectif étant la compétitivité et le redéploiement économique et industriel, nous avons voulu privilégier le long terme et amplifier les budgets prévus.”
“L’objectif étant la compétitivité et le redéploiement économique et industriel, le gouvernement a voulu sanctuariser le budget, même dans un contexte d’années budgétaires difficiles”, déclarait le Ministre-Président Paul Magnette. “Nous avons voulu privilégier le long terme et même amplifier les budgets prévus.”
Rappelant que le Plan Marshall 4.0 est la première étape de réalisation de cet autre Plan Marshall estampillé 2022 lors de la précédente législature, Paul Magnette insistait sur l’objectif: “amplifier le redéploiement économique et industriel de la Wallonie, concrétiser les synergies entre monde industriel, académique et recherche.”
LePlan Marshall 4.0 “s’inscrit dans la continuité des deux Plans antérieurs mais en tire également les leçons.” Il y aura donc davantage de synergies avec la Fédération Wallonie-Bruxelles (notamment via l’axe Formation et enseignement), un “recentrage” du contenu pour “en revenir au coeur-même du Plan Marshall qui, pour l’essentiel, concerne l’innovation et la formation”, une volonté d’assurer une veille constante pour “anticiper les prochaines ruptures technologiques”.
D’où l’ajout, en plus de la politique d’économie circulaire, engagée lors du PM 2.vert, de “la nouvelle dimension du numérique, élément essentiel de la compétitivité.”
La place du numérique
Le Plan Marshall 4.0 en axes et chiffres
Commençons par la fin, avec l’axe numérique, en 5ème position:
Axe 5. Numérique: 244,8 millions d’euros
Axe 1. Formation et enseignement: 304,5 millions
Axe 2. Politique économique et industrielle: 850,5 millions
Axe 3. Mobilisation du territoire: 374 millions
Axe 4. Politique énergétique en transition: 1,1 millard
L’axe numérique (secteur ICT proprement dit mais aussi le numérique appliqué aux divers secteurs et acteurs de l’activité économique) constitue donc l’un des 5 pôles du Plan Marshall 4.0 (voir ci-contre).
Cet axe numérique hérite d’une enveloppe de 244,8 millions d’euros, soit un peu moins de 10% du Plan global. Il faut encore y ajouter une partie des budgets couvrant les autres axes. Tout ce qui est soutien et diversification du financement des entreprises tombe par exemple sous le couvert de l’axe 2 (Soutien à la croissance). Idem pour le soutien à l’innovation et à la créativité. Or, les nouvelles méthodes numériques en seront un des outils. Et à cet égard, le soutien à l’innovation et à la créativité, “en ce compris dans le secteur industrie”, déclarait Jean-Claude Marcourt, justifie l’“entrée du programme Creative Wallonia, de manière explicite, dans les processus du Plan Marshall 4.0.”
Le nouveau PM aurait simplement pu porter le matricule 4. Si l’on a choisi de le surnommer 4.0, c’est, soulignait Paul Magnette, “en référence à la révolution industrielle 4.0. En matière de numérique, si des études attestent que la Wallonie n’est pas en retard, elle n’est pas non plus en avance. Nous voulons, à l’avenir, la faire figurer dans le peloton de tête. Les Etats-Unis ou l’Allemagne ont montré l’exemple et ont investi dans la numérisation de l’industrie mais aussi des PME, des administrations publiques… A ceux qui ont peur de la numérisation et de la robotisation, pour des raisons d’impact négatif sur l’emploi, je cite l’exemple de l’Allemagne qui a su préserver un outil industriel de qualité. Aujourd’hui, l’économie allemande, c’est 20% d’emplois industriels. Contre 13% chez nous. La France fait moins bien avec 10% et le Royaume-Uni encore moins, avec 8,5%.
Le numérique interviendra aussi dans “la maintenance et la modernisation constantes de l’outil et en la matière, les Régions sont en première ligne. Il s’agit [avec le Plan Marshall 4.0 et son axe numérique] de contribuer à une révolution culturelle, non seulement pour l’industrie, mais aussi pour l’enseignement, la culture, le développement urbain, l’administration publique…”
“Par et Pour le numérique”
Deux des axes que l’on retrouvera dans le Master Plan numérique ont en fait été repris sous la coupole MP 4.0.
A savoir:
- d’une part, des mesures structurelles pour le secteur ICT lui-même, regroupées sous le chapeau “pour le numérique”; on retrouve ici, notamment, le projet de structuration du secteur et les moyens à mettre en oeuvre pour favoriser l’éclosion – et la croissance – de start-ups
- de l’autre, des actions et projets de relance économique par le numérique (l’ICT appliquée à divers secteurs): cela concerne l’“industrie 4.0” et le rôle de l’ICT dans les divers domaines thématiques couverts par les Pôles de compétitivité, selon le principe que les nouvelles technologies doivent contribuer de manière fondamentale au redéploiement et à la relance économique à travers tous les secteurs (production, aérospatiale, biotechnologie, enseignement, logistique, e-gouvernement, non-marchand…)
Un Plan à l’automne
Septembre? Octobre? A l’automne ou pour l’été indien (ce qui serait une digne suite du “printemps” du numérique…)? L’agenda précis du Master Plan numérique n’a pas été précisé.
J.-Cl. Marcourt: “L’e-commerce ne sera pas oublié et aura droit à un accent particulier” pour redonner de l’étoffe à une région aux ambitions de plaque-tournante logistique…
Les travaux, en tout cas, se poursuivent. Ce qu’en dit, à ce stade, Jean-Claude Marcourt? “Il inclura une sensibilisation et un accompagnement au développement et à la mise en oeuvre de nouveaux modes de travail, une simplification et une spécialisation dans l’accompagnement aux entreprises et aux jeunes pousses.
L’e-commerce ne sera pas oublié et aura droit à un accent particulier. La Wallonie est en effet une région logistique. Or, nous constatons un manque, quelque chose d’insatisfaisant dans le passage à l’e-commerce.” Sous-entendu, il est urgent et essentiel d’y remédier.
Autre volet du futur Plan: le Pacte d’Excellence pour une amélioration de la qualité de l’enseignement et des maîtres. Agir en amont pour des talents en aval…
Quant à la présence du numérique dans l’industrie, elle prendra diverses formes: accompagnement des PME, mise en place de démonstrateurs d’usines du futur, insertion de l’innovation numérique dans les feuilles de route des Pôles de compétitivité…
Jean-Claude Marcourt prenait un exemple qu’il voudrait sans doute emblématique voire annonciateur d’une prochaine stratégie de spécialisation: “Techspace Aero a décidé de se lancer dans la production additive (3D) pour relocaliser une partie de la production. C’est l’une des clés. L’innovation technologique est un instrument devant venir compléter une politique de diminution des coûts salariaux.”
Tout comme Paul Magnette, il veut balayer les craintes d’impact de la numérisation et de la automatisation sur l’emploi: “c’est une opportunité de modifier la structure de l’emploi. Les Pôles ont un rôle à jouer en la matière”, déclarait-il en substance.
Aide aux entreprises
Le support aux entreprises innovantes et aux start-ups, technologiques ou autres, devrait se concrétiser de multiples manières. Ont ainsi été égrenées au fil de la présentation du Plan Marshall 4.0 divers projets et mesures, tous azimuts:
- utilisation de l’outil Euroquity comme moyen de financement plus dynamique des jeunes pousses (start-ups ou spin-offs) et des PME
- renforcement du réseau d’incubateurs
- développement d’un réseau d’experts en croissance
- promotion de l’adoption de méthodes modernes de production pour les PME, en ce compris via des diagnostics “flash”
- facilitation de la mise à disposition de moyens financiers pour aider les entreprises à valoriser l’industrialisation des projets de recherche. “Un millier d’entreprises dites innovantes ne le sont pas suffisamment par manque de fonds propres”, relevait le ministre de l’Economie et du Numérique, Jean-Caude Marcourt. “Il s’agit donc de renforcer les outils de financement, d’aider les entreprises d’aller plus vite les mes marchés des capitaux [places boursières comprises] afin de grandir plus vite” et plus loin…
Quid d’incitants ou instruments fiscaux? La question fut posée. Avec cette réponse de Paul Magnette: “le Plan Marshall ne représente pas la totalité du programme du gouvernement. D’autres choses sont en préparation, telles le Small Business Act (SBA) que Jean-Claude Marcourt présentera très prochainement, ou encore un volet fiscal sur lequel nous travaillons.”
A suivre, donc…
C’’était d’ailleurs là aussi une réponse par anticipation à un communiqué publié le jour-même par l’UCM qui regrettait que le Plan Marshall 4.0 soit incomplet… Quid du support aux PME? “L’UCM soutient la nécessité d’une politique industrielle forte et d’un investissement accru dans les nouvelles technologies. Mais ce n’est pas suffisant pour relever les défis actuels et en particulier pour augmenter vite et sensiblement le taux d’emploi. La politique économique wallonne doit certes s’appuyer sur une base industrielle solide, mais aussi encourager le dynamisme des PME dans tous les secteurs et notamment dans les services au sens large (construction, commerce, professions libérales…).” Et de préconiser notamment une simplification des structures, la professionnalisation des créateurs d’entreprise via l’amélioration de l’offre d’accompagnement, ou encore le soutien au commerce qui “doit pouvoir investir de manière accrue dans le développement de sa visibilité sur le web et dans l’innovation commerciale.”
SBA, on t’attend…
L’administration et la ville 4.0
Christophe Lacroix, ministre en charge de la Fonction publique (en plus du Budget), a brossé quant à lui, à gros traits, les intentions en matière de modernisation et simplification administrative. Rien de bien révolutionnaire ou nouveau, si ce n’est la poursuite des projets entamés, notamment par l’eWBS (successeur d’Easiwal). “L’administration 4.0 doit être au coeur du Plan Marshall”, professait-il, “dans la mesure où l’Administration est la machine indispensable pour la mise en oeuvre des décisions et des plans.” Il s’agit d’“accélérer l’adoption des outils numériques au sein de l’Administration pour améliorer les services aux citoyens, aux entreprises et aux associations.”
Paul Furlan: amener les villes et communes à s’engager dans la voie de l’open data.
Toutefois, les moyens octroyés sont loin d’être plantureux: 10 millions d’euros sur 4 ans, c’est bien peu, au vu des chantiers ouverts ou encore à entamer.
Quelles seront les priorités? “L’instauration d’une “interface numérique” entre l’Administration les citoyens, les entreprises et les associations — lisez: un guichet unique (dématérialisé) par groupe-cible —; la généralisation des échanges électroniques de documents entre Administrations; le principe du only once (une donnée en possession de l’Administration ne sera plus redemandée).”
Une nouveauté toutefois: le lancement d’un “passe-port électronique” (dossier unique). Un pour le chercheur d’emploi. Un autre pour l’entreprise. Acteurs concernés: la DGO6 et le Forem.
Le concept de “smart cities” relève aussi, en partie, de l’axe Numérique du Plan Marshall 4.0. Paul Furlan, responsable de ce domaine (et des Pouvoirs locaux), n’est pas entré dans les détails, se contentant de souligner l’importance des nouvelles technologiques communicantes et numériques pour l’amélioration du cadre de vie urbain. Pour du tangible, rendez-vous sans doute à l’automne.
Il soulignait toutefois l’importance des open data, une matière qui relève (aussi) de son collègue Jean-Claude Marcourt. Reste à déterminer comment villes et communes pourront (devront?) s’engager dans cette voie. Il s’agira aussi pour les pouvoirs locaux d’“identifier les (nouveaux) services possibles”. Chose qui s’insérera notamment dans le Plan Stratégique que chaque pouvoir local est désormais tenu de concocter.
Thème connexe de la ville connectée: la mobilité. Et revoici l’idée d’une “plate-forme IT unique pour l’utilisation partagée des véhicules” – autrement dit, du covoiturage. Un portail qui serait donc piloté par le niveau public (régional)? C’est en tout cas l’un des projets ou objectifs définis. De même que celui d’un autre “outil IT unique” pour l’interconnexion des différents moyens de transports (de quoi faire se parler horaires, trajets et stratégies des TEC, de la SNCB…)
Le numérique au coeur des secteurs
Le numérique s’inscrit également en fil rouge de divers autres projets et mesures disséminés dans les divers axes du Plan Marshall 4.0.
Ainsi, dans l’axe Formation et enseignement, la ministre Eliane Tillieux annonçait par exemple le lancement d’une “plate-forme interactive unique qui regroupera les offres de stages formulées par les entreprises, avec détails des compétences requises, et les demandes de stage des étudiants et apprenants.” Il s’agira là d’un outil destiné à supporter la politique de développement du principe de l’alternance, en ce compris, et de manière plus prononcée, dans le cadre de l’enseignement supérieur.
Le secteur public se substituera-t-il, ou jusqu’à quel point, à d’autres initiatives venues du privé, du genre Student&Go ou Talenzii dont nous avons eu l’occasion de vous parler? L’avenir le dira lorsque nous aurons une vision plus claire de la nature de cette “plate-forme”.
Aucun agenda en tout cas ne peut encore être esquissé dans la mesure où, comme elle le souligne elle-même, il faudra en la matière de concerter et agir de concert avec la Fédération Wallonie-Bruxelles.
La modernisation du territoire et des infrastructures passera notamment par le déploiement de la “fibre optique qui est une évidence pour chaque ZAE (zone d’activité économique)”, déclarait Maxime Prévot. Ce dossier sera porté conjointement par lui-même et Jean-Claude Marcourt et sera potentiellement alimenté par une enveloppe de 325 millions réservée au développement des ZAE.
Une fibre optique qui doit aussi alimenter d’autres acteurs: les écoles ”pour l’usage des nouvelles technologies au service de la formation”, les pouvoirs publics “pour leur modernisation et leur simplification administrative”, les réseaux mobiles haut débit “devant couvrir le territoire, y compris dans les zones les moins densément peuplées”, mais aussi les citoyens “dans le cadre de démarches “smart cities” et de l’accessibilité aux nouvelles technologies.”
On a hâte de voir le plan de déploiement et les moyens y affectés…
Un Plan surveillé de près
Le déploiement et la concrétisation du Plan Marshall 4.0 fera l’objet d’un suivi trimestriel, avec “rapport d’évaluation au gouvernement sur l’état d’avancement de chaque mesure et projet” — rapport trimestriel et annuel. Pour ce faire, une matrice d’indicateurs sera élaborée d’ici septembre. “Les mesures à prendre ont été sériées, assorties à des priorités, qui seront exprimées en objectifs et indicateurs clairs et scientifiquement fiables”, déclarait Paul Magnette.
S’y ajoutera un suivi administratif par une task force transversale, à laquelle les partenaires sociaux seront associés.
Précision importante apportée par Christophe Lacroix: à l’issue de chaque année, les budgets non consommés ne seront pas reportés automatiquement à l’année suivante, dans le même portefeuille. “Après analyse et évaluation, les moyens seront réalloués aux actions qui performent le mieux afin de favoriser la performance.”
L’évaluation finale du Plan (d’ici 4 ans) sera, quant à elle, la responsabilité de l’IWEPS.
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