JIRA: future bibliothèque de fonctions, interactions et applis mutualisables

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Par · 29/04/2015

JIRA (Jeux In-door en Réalité Augmentée) est l’un des 10 projets retenus et financés par la Wallonie à l’issue de l’appel à projets GreenTIC lancé en 2013. En termes de “jeux”, il faut en réalité davantage parler de mise en situation de l’utilisateur et d’interaction avec son environnement.

Le projet porte sur le développement de systèmes de jeux générant des contenus (visuels, actions, interactions…) qui s’adaptent automatiquement à chaque visiteur en fonction de sa position dans l’espace et de son comportement. Un autre volet du projet se concentrera sur la création de scénarios d’interactions entre visiteurs, là encore via analyse de leurs mouvements.

Parmi les domaines d’application: les visites de lieux culturels.

La plate-forme en cours de développement (4 partenaires y sont associés – voir détails en fin d’article) s’adresse potentiellement à de multiples publics et secteurs – dont celui du tourisme et de la culture. Voilà pourquoi nous vous en parlons dans ce dossier. Autres cibles potentielles: les parcs d’attraction, l’événementiel (privé ou professionnel), les environnements accueillant un nombre important de personnes, l’éducation…

Principales particularités de JIRA: une diminution très sensible des coûts de développement d’applications, la possibilité de réutiliser les applications, fonctions interactives, la génération spontanée d’interactions avec l’environnement et avec les membres d’un groupe, l’indépendance par rapport aux technologies sous-jacentes (matériels, systèmes d’exploitation, modes de communication…).

Prêt à poster

L’objectif est en fait de fournir une plate-forme qui simplifie au maximum la génération de contenus (visuels, actions, jeux, scénarios d’interactions – tant avec l’environnement qu’entre utilisateurs…). Des contenus qui s’adaptent automatiquement à chaque visiteur en fonction de sa position dans l’espace, de son comportement et/ou de son “profil”.

Le projet de développement est aujourd’hui entré dans sa dernière ligne droite. Les développements se concentrent désormais sur le style visuel et sur la préparation des aspects de réalité augmentée.

Un premier “use case” – qui servira en même temps de test grandeur nature – devrait bientôt voir le jour à Mons, dans le cadre de Mons 2015 et, plus précisément, pour les besoins d’un contexte muséal. Déploiement prévu avant l’été.

Esprit de mutualisation

Si le secteur du tourisme est l’une des cibles visées par le projet, c’est en raison de la confluence de plusieurs paramètres qui rendent la future plate-forme potentiellement intéressante. Citons notamment:

  • la nécessité de procurer au public (touristes, voyageurs, accros de balades, de visites culturelles ou touristiques, etc.) un environnement à la fois informatif, ludique et interactif;
  • le coût élevé que représente actuellement le développement d’applications mobiles, jeux interactifs, expériences de réalité augmentée et qui décourage nombre d’acteurs du monde du tourisme;
  • les importants délais de développement lorsqu’il faut concevoir une application ou une animation de A à Z.

Le but de JIRA est de fournir une plate-forme qui gomme le contexte purement technologique pour favoriser des créations et déploiements rapides et à moindre coût. “Le principe premier de JIRA est de permettre la création d’applications aisées à utiliser, à modifier, à personnaliser, à rebrander”, souligne Laurent Grumiaux, de Fishing Cactus.

“Ce qu’on appelle le re-skinning [modification d’éléments graphiques, artistiques] doit être aisé”, souligne Laurent Grumiaux. “Tout se joue au niveau de l’interface.” Un peu comme on change l’apparence, le graphisme dans un CMS.

Bien entendu, le degré d’adaptation pourra être plus poussé. Lorsqu’un client voudra par exemple modifier en profondeur le scénario d’un jeu, l’interaction avec un environnement, il faudra alors modifier les règles et code. “Mais là encore nous avons voulu simplifier au maximum les choses en ayant recours à la technologie Lua qui permet de modifier aisément les scripts”, indique Olivier Delangre, d’Amoobi. [Ndlr: Lua est un langage de script embarqué, développé par une équipe de l’Université Pontificale Catholique de Rio de Janeiro. Il a notamment été utilisé pour les développements de World of Warcraft et SimCity 4.

“JIRA sera un ensemble de modules, d’applications prêtes à l’emploi, de services exploitables, personnalisables, bon marché. Il mettra à disposition un catalogue d’interactions, d’expériences, avec possibilité de développer d’autres applications dans un esprit de mutualisation, de modifier aisément les éléments artistiques. Cela permettra à tout organisme qui désire développer une application mobile, un jeu, etc., de ne pas devoir tout redévelopper à chaque fois de zéro et investir dans le développement des composants de base technologiques.”

A terme, 6 ou 7 “use cases” génériques seront proposés.

Autre flexibilité que promet de garantir JIRA: un libre choix des technologies -communications Bluetooth, Wi-Fi, réseau câblé, balises beacon, QR codes, capteurs, tablettes, tables tactiles, téléviseurs, casques de réalité virtuelle, lunettes connectées, console Kinect… Cette indépendance vis-à-vis des technologies sous-jacentes est l’un des arguments majeurs de la plate-forme, puisqu’elle doit permettre aux clients de choisir et de combiner librement les éléments, sans impact sur la complexité ou le coût de développement des applications.

Expérience interactive

Si la plate-forme JIRA s’appuie sur des technologies de géolocalisation, la géoloc’ n’est pas une fin en soi. Plutôt un moyen, insiste Laurent Grumiaux. Le but est surtout de plonger l’utilisateur, le client, le visiteur, le touriste, dans une expérience conceptualisée et – dimension supplémentaire et originale du projet – de permettre à chacun de se connecter et d’interagir avec d’autres personnes. Qu’elles fassent partie du même groupe, qu’elles se trouvent à proximité, qu’elles présentent les mêmes intérêts thématiques… “Grâce à la géolocalisation, un individu peut se situer dans l’espace. Mais le but est de lui permettre par exemple de découvrir que le groupe avec lequel interagir ou jouer se situe à tel endroit…”, explique Laurent Grumiaux. “Les balises beacon serviront par exemple à déceler des flux de visiteurs ou de touristes en un endroit donné et à les orienter vers d’autres personnes, par exemple là où il manque un joueur pour un défi virtuel ou réel. Le principe de base de JIRA est l’interaction d’un groupe.”

Laurent Grumiaux (Fishing Cactus): “Le principe de base de JIRA est l’interaction d’un groupe.”

Avec une interaction entre monde physique et virtuel, entre une action d’un joueur et le contexte global du jeu ou de l’environnement. Un exemple? Le participant X esquisse un geste en un endroit quelconque, qui est détecté par une Kinect. Ce geste aura une répercussion – une “signification” – à distance pour le jeu que visualise dans le même temps tel autre participant sur sa tablette. “Faire le geste d’ouvrir une porte ouvrira un accès vers quelque chose dans le jeu.” Les scénarios sont illimités.

Parmi les autres fonctionnalités réutilisables et “reskinnables” de JIRA figureront également des potentiels de réalité augmentée et, à terme, une interaction dynamique, spontanée (fournie automatiquement par la plate-forme, sans programmation par le client) avec les réseaux sociaux.

Côté réalité augmentée, il sera par exemple possible de visualiser, en virtuel, des espaces ou “objets” non visibles ou non accessibles: réserves d’oeuvres des musées, endroit d’un site historique interdit d’accès pour raisons de sécurité ou de préservation…

Pour l’interaction avec les réseaux sociaux, Laurent Grumiaux prend l’exemple d’une visite d’un lieu culturel ou historique. “L’idée est de jeter un pont entre le monde intérieur (les salles d’un musée, par exemple) et le monde extérieur. Un endroit, une oeuvre, devient alors un object connecté qui vit sur la Toile.”

Imaginez un quiz à propos d’un bâtiment ou d’un tableau. L’application identifie automatiquement à la fois le thème, les réseaux sociaux de la personne (ou du groupe), génère automatiquement des contenus puisés dans les réseaux sociaux. Par exemple, pour injecter dans le cadre du quiz les commentaires récents postés sur les réseaux sociaux à propos de ce et édifice ou de ce tableau. “Sans que le musée ou le propriétaire du site doive programmer ou générer lui-même quoi que ce soit.”

Autre exemple: un touriste choisit de se livrer à un jeu lié virtuellement à une curiosité locale. Le Singe de la Grand-Place de Mons ou Manneken Pis à Bruxelles.

Quand l’“objet” touristique devient source augmentée…

L’appli puise automatiquement tous les contenus Instagram (et autres réseaux sociaux éventuels) qui y ont trait. Le touriste poursuit son jeu et, en retour, poste sur les réseaux sociaux les points récoltés, des commentaires sur son expérience… “Une telle fonctionnalité ouvre la voie à de multiples scénographies, plus dynamiques, professionnelles ou non. En contraste flagrant avec le contenu statique qui est aujourd’hui généralement associé à des visites de lieux, quels qu’ils soient.”

Moyennant un peu de préparation en amont, il est évidemment possible de choisir les sources d’informations dont se nourrirait l’application. Par exemple pour ne syndiquer que des flux d’informations de nature professionnelle (les critiques d’oeuvre venant de spécialistes, les commentaires ou publications d’historiens au sujet d’un site…).

Autre potentiel que les 4 partenaires du projet JIRA voudraient développer à terme: la possibilité pour une institution cliente de personnaliser l’expérience interactive. “Selon le type de visite que voudrait le touriste, l’application lui fournit automatiquement les contenus et le contexte d’exploration adéquat: visite express, visite normale, visite pour expert. C’est là quelque chose de particulièrement intéressant pour le secteur du tourisme ou de la culture.” Sans compter que l’on peut y greffer des informations faisant le lien avec d’autres acteurs économiques locaux. Par exemple, si un touriste peut consacrer 4 heures – ou plus – à une visite ou à une activité, pourquoi ne pas en profiter pour lui fournir, à la carte, des renseignements sur les possibilités de restauration, de récréation, d’hébergement qui se trouvent dans tel rayon d’action… Selon des critères de temps disponible, de budget, d’affinités personnelles, de contraintes personnelles…

Les 4 protagonistes de JIRA

Le projet JIRA a été imaginé et est porté par quatre partenaires:

  • Fishing Cactus (Mons), qui apporte son expérience en matière de création de jeux en ligne, de jeux sérieux, d’interactions et de contenus
  • Amoobi (Nivelles), spécialisé dans les architectures communications sans fil et l’analyse de flux d’utilisateurs (essentiellement des clients dans le monde du retail)
  • l’Institut Numédiart de l’Université de Mons, qui développe essentiellement les solutions d’interactions (via interfaces naturelles), notamment sur base de la technologie Kinect de Microsoft; ses développements serviront notamment à contextualiser, analyser et faire interagir les mouvements et comportements des différents participants d’un espace virtuel
  • l’ULB, qui se penche sur les problèmes de géolocalisation et de déploiement d’infrastructures sans fil dans des endroits “réfractaires” (obstacles, murs épais, contraintes de propagation en tous genres…) ainsi que sur la manière de donner un sens à des signaux multiples parfois contradictoires.  [ Retour au texte ]