En 2011, le groupe NRB “débarquait” sur le terrain des soins de santé d’une manière peu commune: il rachetait purement et simplement trois sociétés – Partezis, Xtenso et Polymedis – dans l’intention d’en faire un seul et même acteur, prénommé Xperthis. Avec comme ambition de devenir, pour le secteur hospitalier, un “partenaire local, fédérant un ensemble complet de compétences technologiques, depuis l’offre de produits spécialisés jusqu’à l’intégration de solutions de backoffice et celle de tiers, en passant par du développement sur mesure et des services d’externalisation.” En alignement parfait avec la stratégie générique du groupe NRB qui se pose en “one stop shop” (voir encadré ci-dessous).
Un peu plus de trois ans plus tard, une nouvelle opération d’acquisition a cette fois visé MIMS et Ciges.
Arrivé à la tête de NRB en 2011, Ulrich Penzkofer y a tout d’abord effectué le travail de fond pour lequel il avait été recruté. A savoir: redresser la société qui, souligne-t-il, pêchait en termes de stratégie, de management et de composition de son portefeuille de solutions et de compétences.
Parmi les mesures mises en oeuvre, on peut par exemple citer la restructuration du groupe en filiales, l’évaluation et le décrassage des performances de chaque entité ou encore le renforcement du positionnement vertical par l’ajout d’un axe Industrie.
Autres tournants négociés: le développement de NRB sur le marché flamand et un processus de transformation en “one stop shop”. Autrement dit, en interlocuteur pouvant couvrir, de bout en bout, les besoins IT d’un (grand ou moyen) client, “depuis la définition de l’agenda IT jusqu’à la gestion de services et solutions dans le cloud, en passant par l’offre de solutions standard ou du développement sur mesure”, explique Ulrich Penzkofer.
“NRB veut être un acteur important dans le secteur de l’IT et vise une clientèle exclusivement belge. Nous n’avons donc pas de filiale à l’étranger. Notre clientèle-cible est constituée de sociétés et organismes ayant un ou plusieurs centres de décision en Belgique.”
Pourquoi une telle stratégie? Comment s’est déroulée la première phase d’acquisition et d’“alignement” des catalogues ainsi hérités? Comment NRB/Xperthis compte-t-elle digérer ses deux nouvelles acquisitions? Quels seront ses choix technologiques? Autant de questions que nous avons posées à Ulrich Penzkofer, CEO de NRB.
Pouvez-vous retracer depuis 2011 jusqu’au début de l’année l’étape initiale qui a vu la création d’Xperthis par acquisition de trois sociétés?
Ulrich Penzkofer: NRB se positionne comme un partenaire fiable dans le secteur public, qu’il s’agisse d’administrations, de prestataires de services publics, de secrétariats sociaux… Voici 4 ans, nous avons pris la décision de viser également le secteur des hôpitaux. Notre stratégie consiste à opérer comme un interlocuteur “one stop shop”. Cela ne nous était pas possible [dans le secteur hospitalier] sur base de ressources organiques. Nous n’avions en effet ni les compétences, ni les produits, ni le temps de bâtir assez vite un catalogue suffisant. Or, nous étions ambitieux. Nous voulions devenir l’acteur majeur et non simplement un acteur parmi d’autres.
Le constat que nous avions fait dans le même temps était que le marché belge [sociétés qui proposent des solutions pour les hôpitaux] est relativement petit, aucun acteur n’ayant une taille importante pouvant garantir une pérennité de solution et investir de manière intensive pour développer des logiciels novateurs. Avant 2012, le marché était caractérisé par une multitude d’acteurs proposant des solutions fragmentaires, ne communiquant pas entre elles.
Le but d’Xperthis fut dès lors d’être d’emblée de se positionner comme un acteur majeur, bien doté financièrement, offrant dès le départ un large catalogue qui devienne transversal [en termes de fonctionnalités] avec le temps: DMI (dossier médical informatisé), facturation, logiciels d’administration, ERP… Notre objectif: proposer aux hôpitaux des solutions applicables à des projets plus importants et plus complexes.
Le secteur hospitalier belge avait par ailleurs besoin de pouvoir s’adresser à un acteur fort qui soit local. C’est essentiel, pour la réactivité face aux besoins, de ne pas devoir rapporter ou relayer la demande vers une maison-mère située en France, en Allemagne ou à New-York.
Lire par ailleurs les deux articles dans lesquels nous détaillons les enjeux et défis qui se posent à Xperthis en termes de fusion des différents catalogues de produits dont elle a hérité. Des choix fonctionnels, stratégiques, voire technologiques devront être faits. Petit tour de la situation.
Un article “vue d’hélicoptère”: Xperthis: intégration, deuxième!
Un second article qui va un peu plus en détail dans les produits: Xperthis: du puzzle à l’offre intégrée
Comment s’est déroulée l’opération d’intégration entre les trois entités rachetées? Cet exercice semble avoir pris du temps et n’est d’ailleurs pas encore terminé…
L’exercice d’intégration fut difficile, en 2012 et 2013, mais nous avons fourni d’énormes efforts pour y parvenir. Nous avions trois sociétés qui n’étaient en rien intégrées, qui n’avaient rien en commun – management, processus, équipes commerciales…
Dans le cadre de ce genre d’intégration, le CEO joue un rôle crucial. Nous avons dès lors désigné Ariane Magera [Ndlr: en septembre 2013], avec pour première mission de mettre en place un nouveau management.
L’ancienne direction avait échoué et ne convenait pas?
Les deux CEO précédents [Ndlr: Olivier Lequenne, ex-Polymedis, et Roger Lemmens, ex-Partezis, qui géraient Xperthis en duo] étaient qualifiés et compétents mais lorsqu’il s’agit de s’intégrer dans un nouveau contexte, il vaut mieux commencer avec une personne neutre.
Ariane Magera a dès lors recherché, en interne et en externe, les membres de sa nouvelle équipe de direction, travaillé sur l’alignement des processus internes et mis l’accent sur le développement des logiciels.
Ulrich Penzkofer: “Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de compréhension des différents aspects. D’ici la fin juin, nous aurons en mains tous les éléments nécessaires pour communiquer un plan stratégique plus détaillé.”
D’importants progrès ont été réalisés en 2014. Les entités étaient intégrées, le développement logiciel avait progressé, nous avions gagné en crédibilité sur le marché et nous restions profitables en dépit des investissements consentis. Au deuxième semestre 2014, nous nous sentions dès lors prêts pour aborder la phase suivante.
En scrutant le marché à la recherche de partenaires forts, nous avons identifié deux acteurs disponibles [MIMS et Ciges].
Pourquoi eux? Qu’apportent-ils à NRB?
Il se trouve qu’il s’agit de deux acteurs francophones. Cela nous permet de rétablir un certain équilibre géographique puisque, jusque là, 80% du chiffre d’affaires d’Xperthis était réalisé en Flandre.
Les deux sociétés ont par ailleurs des clients importants: le CHU de Liège, par exemple, du côté de MIMS; le réseau IRIS [Bruxelles] pour Ciges.
Tous deux ont des solutions DMI – ce qui est à la fois une opportunité pour nous et un défi [d’intégration]. Ils ont également des compétences cruciales, une bonne compréhension des besoins des hôpitaux. Avec eux et les équipes préexistantes d’Xperthis, nous pouvons constituer un groupe de développement travaillant à l’évolution constante des logiciels.
Comment comptez-vous relever le défi de l’intégration et du développement des logiciels?
Notre première priorité est la satisfaction des clients. Au cours des prochains années, nous continuerons donc avec trois catalogues (Xperthis, MIMS et Ciges) avec, à terme, une évolution et fusion des produits.
Nous définirons les jalons au cours des six mois qui viennent.
MIMS, dont les clients sont très contents, peut nous en apprendre beaucoup dans la perspective de cette intégration. A plus long terme, d’ici 7 à 10 ans, il y aura fusion entre les solutions Xperthis et MIMS. Une possibilité que je ne veux pas écarter dans l’état actuel des choses est de conserver deux offres en parallèle. Mais il est trop tôt pour avoir une idée nette dès à présent. Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de compréhension des différents aspects. D’ici la fin juin, nous aurons en mains tous les éléments nécessaires pour communiquer un plan stratégique plus détaillé.
Le comité d’intégration qui y travaille se compose d’Ariane Magera, de Dominique Bastille, directeur général de MIMS, et de Rudy Simons, patron de Ciges. Ainsi que d’un team manager venu de chez NRB, plus quelques autres personnes.
Pouvez-vous toutefois indiquer si vous avez des préférences par rapport aux critères qui serviront à effectuer des choix: richesse fonctionnelle, parts de marché, nombre d’installations, environnements de développement…?
Je n’ai a priori pas de préférences. Tout ce que je peux dire, c’est que nous n’écarterons pas l’un ou l’autre catalogue tout de suite. Nous étudierons la situation et tiendrons compte des différents aspects. [Ndlr: en ce compris par exemple “la satisfaction des clients MIMS existants et les connaissances qu’a la société du secteur médical”, la qualité de l’infrastructure Xperthis – “nette, précise”… Il faudra donc procéder à des arbitrages…]
“Nous visons l’introduction de solutions qui améliorent réellement les processus tout en réduisant les coûts et qui satisfassent aux benchmarks internationaux.”
Une piste pour les solutions futures serait de simplement transposer les processus papier en processus hospitaliers. Parce que cela n’impose pas de changements majeurs aux hôpitaux et que beaucoup considèrent que l’informatisation suffit en soi. Mais Xperthis s’inscrit dans un scénario plus ambitieux.
Nous voulons établir une norme pour travailler de manière plus efficace. Cela implique certes des changements plus radicaux dans les habitudes et les processus. Nous visons l’introduction de solutions qui améliorent réellement les processus tout en réduisant les coûts et qui satisfassent aux benchmarks internationaux.
Ce genre de discours n’est pas facile à “vendre”, dans un premier temps, auprès des acteurs hospitaliers concernés. Mais notre intention est clairement d’avoir, pour les hôpitaux belges, une gamme de produits qui soit au top et qui puisse utilement défendre ses chances à l’international…
Cela signifie que vous avez aussi des ambitions internationales, contrairement à votre stratégie générale qui, vous le disiez plus tôt, est de viser une clientèle exclusivement belge, faite de sociétés et d’organismes ayant un ou plusieurs centres de décision en Belgique…?
Absolument. En 2016, quand l’exercice d’intégration aura progressé et que le développement de modules sera bien entamé, nous identifierons des partenaires pour aller à l’international, dans une relation gagnant-gagnant.
Parmi les acteurs belges (voir encadré ci-dessous), j’ose affirmer que nous sommes les plus novateurs, la société qui propose la meilleure qualité. Mais nous devons aussi tenir compte des grands acteurs internationaux, beaucoup plus sérieux. Nous devons être prêts à concurrencer également les grands éditeurs, américains notamment, qui ont des visées sur le marché belge.
La vision que nous avons définie nous permettra de proposer un portefeuille Xperthis intégré et innovateur d’ici trois ans.
En Belgique, les principaux concurrents d’Xperthis ont pour noms IBM, en solutions de facturation, la KUL, qui propose une offre complète, Cegeka et Infohos, dans le domaine du DMI. Côté ERP, Xperthis/NRB a misé sur SAP et doit donc concourir avec d’autres intégrateurs SAP ou avec des sociétés ayant choisi Microsoft. Parmi ces dernières, RealDolmen qui a récemment décroché deux contrats d’ampleur (ERP) auprès du CHC de Liège et des Cliniques universitaires Saint-Luc.
Les prochains contrats à signer avec le CHU de Liège et l’hôpital de la Citadelle, également à Liège, risquent d’être très disputés…
Mais le travail d’intégration et d’harmonisation des produits, lui, sera de plus longue durée. N’est-ce pas un handicap pour vous de devoir non seulement supporter deux ou trois solutions en parallèle et de continuer à toutes les faire évoluer, en termes fonctionnels, en attendant cette solution fusionnée?
C’est bien sûr un problème mais il n’est pas crucial. Est-ce que cela nous coûtera plus cher? Evidemment oui. Mais choisir l’autre option [abandonner des produits] serait préjudiciable. Les clients sont d’importants hôpitaux qui ont consenti des investissements énormes. Nous devons les supporter jusqu’à les mener à une fusion harmonieuse. Le risque serait de perdre des clients en cas d’arrêt brutal. Sans parler de l’impact sur notre image. Nous voulons demeurer un partenaire fiable.
Ulrich Penzkofer: “Parmi les acteurs belges, j’ose affirmer que nous sommes les plus novateurs, la société qui propose la meilleure qualité. Mais nous devons être prêts à concurrencer également les grands éditeurs, américains notamment, qui ont des visées sur le marché belge.”
Quelle sera l’autonomie des deux sociétés rachetées?
Pour l’instant, rien ne change pour elles. MIMS et Ciges demeurent responsables de l’implémentation de leur business plan en 2015, selon les budgets établis. NRB n’influencera pas leurs décisions opérationnelles, par exemple en termes de ressources humaines, de gestion de projet… La seule restriction que nous mettons est une concertation pour tous les nouveaux RFP (appels d’offre) afin de coordonner notre réponse aux clients.
Le processus d’intégration de ces deux sociétés sera-t-il plus aisé que ce qui s’est passé avec Polymedis, Partezis et Xtenso?
Une intégration est toujours difficile. Mais cette fois nous partons d’une entité existante, qui réalise un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros, qui a ses processus, un plan de développement logiciel, des structures de formations, des effectifs organisés. Dans ces conditions, intégrer de plus petites entités [chiffre d’affaires d’environ 2 millions pour Ciges et de 4 millions pour MIMS] est plus facile.
L’emploi [équipes MIMS et Ciges] sera-t-il préservé?
Le personnel sera en effet conservé. Avec toutefois un critère d’évaluation des performances de chacun. Mais il n’y aura pas par définition de restructuration. Nous identifierons les besoins, les capacités, les compétences afin d’aligner et de maximiser les synergies.
Xperthis a recruté une quinzaine de personnes en 2014. Nous continuerons de le faire en 2015, surtout pour renforcer les effectifs en développement de logiciels et gestion de projet. Nous évaluerons les besoins en juin et, s’il le faut, nous recruterons. Le signal que j’ai en effet donné à Ariane Magera est que le business ne peut être impacté par la fusion.
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