Vous le savez, Pierre L’Hoest, fondateur et ancien patron d’EVS, a constitué un fonds d’investissements dédié au financement de projets et jeunes sociétés technologiques pouvant générer de l’“innovation de rupture” dans l’industrie. Ce fonds BelInvest agit notamment comme bras financier de l’accélérateur liégeois The Faktory dont il est aussi à l’origine et que dirige Simon Alexandre, ancien directeur général du CETIC.
L’un des premiers investissements de Pierre L’Hoest – 700.000 euros – a eu pour bénéficiaire, voici quelques mois, une société franco-luxembourgeoise qui lance aujourd’hui son produit sur le marché- en ce compris en Belgique.
Hébergée dans l’incubateur luxembourgeois Technoport (près d’Esch-sur-Alzette), AirBoxLab a imaginé le Foobot, un objet connecté autonome, doublé d’une appli mobile, qui mesure en continu et en temps réel la qualité de l’air à l’intérieur d’habitations et de bâtiments. Les capteurs permettent de déterminer les concentrations en composés organiques volatiles, particules fines, fumées nocives et autres produits chimiques et contrôlent également le taux d’humidité et la température. Objectif: collecter un maximum de données, les analyser et en déduire des conseils pour améliorer non seulement l’environnement mais aussi – et c’est évidemment lié – le comportement des occupants
Les données sont transférées vers un serveur distant (hébergé sur l’infrastructure AWS d’Amazon) où elles sont analysées et interprétées via les algorithmes développés par la société avec l’aide du site Grand Est de l’INRIA (Institut national de Recherche en Informatique et Automatique), basé à Nancy.
“Jusqu’ici les systèmes existants étaient soit passifs, nécessitant l’intervention de laboratoires, soit complexes et trop coûteux”, explique Jacques Touillon, directeur d’AirBoxLab. “Rien n’existait pour le grand public. A une époque où l’on parle beaucoup de Quantified Self [dans le domaine de la santé], AirBox se lance dans le “Quantified Environment”, en s’appuyant sur des capteurs fiables et peu onéreux et une solution d’analyse ouverte à tous.”
Analyse et prédiction
La solution Foobot combine diverses techniques d’intelligence artificielle et de réseaux neuronaux.
L’analyse pure est complétée par un logiciel d’intelligence artificielle qui permet de prédire et de prévenir la survenance de pics de pollution, sur base de l’historique comportemental de chaque utilisateur et des spécificités de son environnement.
Jacques Touillon (AirBoxLab): “Nous nous appuyons sur le principe du crowdsourcing afin de caractériser la pollution de manière plus précise.”
Compte tenu des informations collectées, le système préconisera certaines actions, permettra de régler la température, l’aération, le taux d’humidité…
Cette information (identification des sources de pollution, conseils) est fournie à l’utilisateur via une appli installée sur son smartphone ou sa tablette. Modèles et efficacité de prédiction devraient s’affiner avec le temps, à mesure que la société collectera des données d’un nombre croissant d’utilisateurs et pourra en dégager des constantes et scénarios.
A l’avenir, la société espère pouvoir pousser plus loin la prédiction et le conseil afin de les “personnaliser” en fonction du profil de l’utilisateur: parents avec de jeunes enfants, segmentation par type d’allergie ou de problème respiratoire… “Nous voulons travailler divers aspects de la solution: utilisateur lambda, aspects médicaux, informations utiles pour les assurances…”, explique Jacques Touillon.
La société compte recruter un data scientist au printemps afin de plancher sur le volet big data et analyse statistique.
Autonome ou intégré
Le Foobot peut opérer en tant que dispositif autonome (isolé) mais la voie qu’explore activement la société est celle de son intégration dans ou avec divers dispositifs et systèmes existants, tels que purificateurs d’air, climatiseurs, systèmes de ventilation… L’objectif est de susciter le développement de solutions qui permettront au Foobot de prendre le contrôle de ces systèmes. “Nous nous sommes en effet rendu rapidement compte que le marché B2C n’était pas encore mûr. Nous avons dès lors décidé de nous adresser aux industriels et d’adopter un modèle B2B2C.”
Outre l’Europe, AirBoxLab vise en priorité les marchés américain et chinois. Pour cette phase d’extension internationale, la société effectuera sans doute une nouvelle levée de fonds (Series A) au deuxième semestre de cette année ou en 2016.
Outre le modèle B2B2C, le Foobot se vend toutefois aussi en-ligne, via Amazon. Cible: les fanas de gadgets et autres “early adoptors”. “Plus tard”, ajoute Jacques Touillon, “nous passerons aussi par des chaînes de distribution, du genre points de vente Boulenger [chaîne française de magasins d’électroménager et multimédia] ou encore Lick [qui vend exclusivement des objets connectés]”.
Modèle ouvert
Prix du système: 199 euros. Prix “tout compris” puisqu’il inclut les logiciels, leurs mises à jour futures et un accès illimité aux services.
Pour des raisons de coûts, essentiellement, AirBoxLab a choisi de faire héberger les données sur l’infrastructure AWS d’Amazon. Dans un premier temps, sur des serveurs situés aux Etats-Unis. L’un des avantages fut de pouvoir utiliser d’autres ressources, au fil des besoins, selon un budget le plus optimal possible (des tests furent par exemple effectués en Chine où le Foobot est d’ailleurs produit – par contre les capteurs sont d’origine européenne ou japonaise).
Ne plus rester otage de l’air qu’on respire…
Le but était de pouvoir offrir un prix le plus abordable possible: “dans l’état actuel des choses, le consommateur ne conçoit pas de payer un abonnement. Cette perception devrait toutefois évoluer avec le temps… Le fait par ailleurs qu’il ne paie pas pour l’hébergement des données était un autre facteur à prendre en compte par nous pour optimiser cet hébergement.”
“Les données que nous collectons sont anonymes et assez primaires”, souligne encore Jacques Touillon. “Leur intérêt réside dans leur consolidation et interprétation. Il n’y a donc pas à proprement parler de problème de confidentialité ou de sécurité mais nous pourrons à l’avenir effectuer des déploiements sur d’autres serveurs, plus proches des utilisateurs. Et ce, pour des questions de fluidité de l’information.”
A souligner au passage que l’utilisateur demeure “propriétaire” de ses données.
AirBoxLab compte essentiellement vivre de l’offre de services et de la vente de licences. L’intention est en effet de faire adopter le système par un maximum de fabricants d’équipements et de l’intégrer avec non seulement des systèmes mais aussi des applications. “Plus nous ouvrirons le système, plus vite le produit se vendra, plus nous pourrons travailler finement sur les éléments de pollution à analyser…”
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