Si j’étais Ministre de l’Economie (pour autant que j’aie accepté cette lourde responsabilité, vu l’importance capitale de ce poste dans le contexte de la 6ème réforme de l’Etat et l’impact socio-économique de celle-ci pour la Wallonie!), je commencerais par exiger que la compétence sur les TIC me soit dévolue, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les précédentes législatures!
Une de mes mesures concernerait certainement le déploiement économique lié aux TIC. Les Pôles de Compétitivité sont une excellente initiative, qu’il faut maintenir, en les aidant par des structures transversales leur apportant des services TIC et produits IT qui peuvent booster leur développement, réduire leurs coûts, optimiser leurs processus, etc.
Je continuerais donc à soutenir “l’union” des entreprises TIC régionales (pour mémoire: 3.000 emplois), comme vecteur de croissance du tissu économique, avec focus sur les Pôles, que ce soit sous forme d’un Cluster ou autre, peu importe!
Fil rouge transversal (*)
Découlant de cela, je soutiendrais la promotion du secteur TIC local auprès de tous les donneurs d’ordre locaux, sans tomber évidemment dans un protectionnisme aveugle, voire illégal. Il existe évidemment de nombreuses compétences TIC ailleurs qu’en Belgique, et le secteur TIC belge ne couvre probablement pas tous les besoins hyper spécifiques de nos entreprises. Mais ne pourrait-on pas maximiser les chances que notre tissu d’entreprises TIC soient un peu plus prophètes en leur région? Que ce soit auprès des entreprises, mais aussi et peut-être surtout auprès du secteur public, potentiel gros donneur d’ordre!
À ce sujet, les avantages sont évidents pour les institutions publiques:
- Tout en gardant en interne un noyau minimum, une externalisation raisonnable d’une partie des compétences, avec mise en concurrence, augmente la qualité des services prestés (sans remettre en cause les compétences internes). C’est l’effet d’émulation.
- Cela permet aussi d’optimiser les plans de charges, en gérant les pics et les creux générés par une demande souvent variable.
- En outre, l’hyperspécialisation que connaît le secteur TIC est impossible à maîtriser totalement en interne, surtout vu l’évolution fulgurante des métiers de l’IT.
L’impact est aussi capital pour le développement des entreprises TIC. Comme le souligne régulièrement Agoria, les entreprises plus fortes grâce à plus grand volume d’affaires atteignent plus facilement la masse critique offrant un meilleur potentiel de croissance et de positionnement sur d’autres marchés, notamment privés, belges ou étrangers.
20% des emplois TIC wallons, soit 600 personnes, prestent actuellement pour des missions dans le secteur public, et je prendrais des mesures susceptibles d’augmenter ce nombre! Et je serais d’autant plus heureux si cela ne changeait pas le ratio de 20%, car cela prouverait l’effet indirect positif sur la taille moyenne des entreprises TIC wallonnes.
Ma mesure suivante viendrait tout naturellement: la compétitivité salariale. Certes, il s’agit d’une matière (encore) largement fédérale, mais le Ministre de l’Economie ne peut pas rester insensible à ce problème!
A titre anecdotique, je rappellerai l’injustifiée tempête dans un verre d’eau (début 2013) au sujet de l’externalisation au Maroc d’une partie du call center du Forem: 2,5 équivalents temps plein (ETP)… représentant le coût de… 1 ETP belge! Et ce, alors que d’autres organismes publics belges utilisent bien plus largement des compétences étrangères à faible coût salarial! Le phénomène ne fait que s’amplifier, car c’est de la bonne gestion que de choisir le meilleur rapport qualité/prix, et il ne faut plus courir en Extrême-Orient pour trouver d’excellents techniciens et développeurs.
Le nearshore est là, régulièrement avec les avantages de la langue et d’un faible décalage horaire, et de plus en plus de prestataires TIC y recourent.
“Face à la menace potentielle du nearshore, je veillerais à susciter une évolution positive des coûts salariaux (charges patronales notamment), le cas échéant avec des mesures sectorielles.”
Menace pour les fournisseurs et/ou opportunité pour les donneurs d’ordre? Poser la question, c’est y répondre. Je veillerais donc non pas à mettre en place des mécanismes protectionnistes, mais à susciter une évolution positive des coûts salariaux (charges patronales notamment), le cas échéant avec des mesures sectorielles, au vu de la menace planant sur l’emploi dans un domaine où la combinaison contacts clients locaux (commerciaux, analystes, chefs de projet, support premier niveau) / équipes back office délocalisées (développeurs notamment) est largement possible, et facilitée… par les TIC
Sensibilisation massive
La quatrième mesure concernerait la sensibilisation de masse à l’impact des TIC sur notre vie! Que d’évolutions pour ce Web qui vient de fêter ses 25 ans! Que de changements dans notre comportement personnel, dans nos relations sociales, et dans la vie des entreprises. Avec une évolution qui ne fait que s’accélérer: big data, open data, objets connectés, voitures intelligentes (pourrais-je m’asseoir avant la fin de mon mandat à l’arrière de ma voiture pilotée automatiquement et non par le chauffeur mis à ma disposition?)
Mais la Région wallonne se doit d’encore accentuer ses efforts de promotion de l’usage des TIC (via l’AWT notamment).
Promotion (et subsides efficaces) vers les entreprises, afin qu’elles prennent davantage de parts de marché – ou risquent d’en perdre moins – grâce à l’e-commerce, aux réseaux sociaux, à la veille concurrentielle, à l’utilisation des outils de co-création, de partage, d’intelligence stratégique, d’e-marketing.
“La Région wallonne se doit d’encore accentuer ses efforts de promotion de l’usage des TIC.”
Promotion vers les citoyens, afin qu’ils soient de meilleurs usagers de ces technologies et de plus grands consommateurs en ligne, achetant si possible dans les e-shops locaux.
Promotion vers le secteur public, pour accentuer les bonnes pratiques de simplification administrative et d’e-governement.
Idem pour les secteurs de la santé et du tourisme.
Et enfin, je mettrais un focus important sur l’enseignement (équipement et formation), en tentant de convaincre mes collègues de la Fédération Wallonie Bruxelles qu’il est de plus en plus nécessaire d’accentuer l’utilisation efficace des TIC par les enseignants pour les élèves. Et par ceux-ci évidemment. Le tout afin de réduire l’écart entre école et maison, quant aux outils et aux usages, mais aussi de les préparer au mieux à la vie professionnelle qui fera souvent la part belle à l’ère numérique dans laquelle nous vivons.
Un accompagnement spécialisé
Et enfin, le cinquième axe de mon programme concerne le monde des startups TIC. De nombreuses initiatives ont été prises par le Ministre Marcourt, et on ne peut que s’en réjouir. Cette politique dynamique a permis de mettre en lumière le monde des startups, notamment TIC, et de structurer leur écosystème. Creative Wallonia et Nestup en sont des exemples. Il me semble cependant fondamental de ne pas s’en tenir à faire naître ces jeunes pousses, en leur donnant le statut de héros parce qu’ils ont eu une bonne idée!
Il ne faut pas que cette phase se résume à avoir créé son propre emploi, même si c’est déjà ça! C’est sur la croissance qu’il faut miser, en les accompagnant beaucoup plus, et en les aidant dans des domaines que ces jeunes créateurs créatifs maîtrisent moins: gestion, finances, commercial, marketing.
Les structures d’accompagnement existent, c’est le moins que l’on puisse dire, et il me paraît utile de les rationaliser, de les regrouper, de les spécialiser. On doit continuer de proposer aux entrepreneurs des incubateurs, mais on doit les coacher jusqu’à la croissance, afin d’éviter qu’ils ne partent à l’étranger uniquement pour ce besoin d’accompagnement (par contre, qu’ils partent à un moment à l’étranger, pour leur croissance, leur marché et leur valeur, cela fait partie du cycle possible et accepté du développement, notamment dans le secteur TIC).
Quant au financement des entreprises, nerf de la guerre, surtout dans une région de la taille de la Wallonie, il faut rationaliser aussi, en se basant sur des relais locaux mais des centres d’expertise et de décision verticaux (spécialisés) et communs, afin d’éviter de voir, comme c’est le cas actuellement, de nombreuses jeunes poussent choisir leur localisation après avoir fait le tour des invests publics et choisir “le plus offrant”.
Et bien entendu, je ne peux passer sous silence l’idée qu’il faut accentuer les partenariats public-privé dans le financement, étant parfaitement conscient que je termine en prenant le risque d’être taxé de subjectivité!
Olivier de Wasseige
directeur général de Defimedia,
administrateur délégué d’Internet Attitude
et vice-président de l’UWE
(*) Les inter-titres sont de la rédaction
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