En 2008, le gouvernement wallon dénonçait le contrat qui le liait à un GIEI pour les prestations de services destinées à l’informatique administrative de la Région. Une transition de trois ans était destinée afin de permettre la reprise en mains de certains processus et solutions et l’ouverture de marchés selon des critères libéralisés.
Un an après la “sortie du GIEI”, nous avons rencontré Thierry Bertrand, directeur du DTIC (Département des Technologies de l’Information et de la Communication) pour dresser un premier bilan et déterminer les axes forts de 2012.
Régional-IT: Le préavis, pour tourner réellement la page du GIEI, est venu à échéance en mars 2011. On a pourtant l’impression que certains pans du contrat jouent les prolongations…
Thierry Bertrand
La stratégie définie par la Région a été celle du lotissement de l’ensemble des activités et une remise large en concurrence sur le marché là où cela avait du sens. Trois dates-cible avaient été fixées pour les échéances des contrats existants:15 mars 2011 pour le GIEI et l’informatique administrative, 1er avril 2012 pour le contrat WIN (infrastructure de données et services de gestion de cette infrastructure) et 31 décembre 2012 pour la téléphonie. l’objectif, pour cette dernière, étant d’opérer une convergence entre la gestion de la téléphonie fixe et mobile (contrat passé dans le temps avec Belgacom/Proximus) et celle de l’infrastructure de données par fusion des deux types de trafic sur les mêmes infrastructures.
Pour ce qui est du GIEI, nous avons respecté à la lettre ce à quoi le Ministre [lisez: Rudy Demotte, dont relève l’informatique administrative] s’était engagé, à savoir: assurer, au 15 mars 2011, le phasing out du GIEI selon un planning défini et en faisant intervenir un certain lot de prestations. Tout s’est terminé le 15 mars. Nous n’avons plus de relation avec le GIEI, avec toutefois deux petites réserves. Une liée à des difficultés réelles d’obtention de ressources nécessaires à la gestion d’une telle transition, à savoir le transfert immédiat de la gestion des connaissances. Nous avons donc maintenu la relation contractuelle jusqu’au 31 décembre 2011 pour une partie des activités. Notamment pour les activités de fournitures de PC, de service desk ou de bureautique.
Deuxième réserve: l’entretien du parc historique, où le gouvernement a estimé que ce ne serait pas une bonne idée, d’un point de vue économique, de faire un simulacre de remise en concurrence pour des activités pour lesquelles les opérateurs présents disposaient indiscutablement d’un avantage sur d’autres, pour assurer, à la marge, la maintenance du parc applicatif existant dans la mesure où ils avaient une connaissance de l’existant, du code… Il valait donc mieux conclure un contrat pour préserver le maintien de ce service pendant une durée nécessaire pour assurer le remplacement naturel de ce parc applicatif par turn over. Le parc applicatif sera progressivement basculé dans un contexte de marché-cadre ouvert à la concurrence, pendant une période de transition qui sera de l’ordre de 2 à 3 ans.
Où en est le dossier de la téléphonie?
Le phasing out arrive à échéance fin décembre. L’adjudication doit intervenir au plus tard fin du premier semestre 2012. Nous tiendrons le planning. Le cahier de charges a été publié mi-avril. Si la cadence de décision au niveau du Cabinet et du gouvernement est la même que celle que nous avons connue jusqu’ici, la publication devrait intervenir avant fin mars. Le planning, pour attribution du marché vers la mi-juin, devrait être tenable.
Que comporte ce cahier de charges?
Nous ne poursuivrons pas avec des contrats séparés mais téléphonies mobile et fixe seront unifiées, tous les opérateurs pouvant répondre à cette demande. Nous avons aussi prévu de centraliser les connexions en passant à la téléphonie sur IP. Nous voulons augmenter la couverture de la voix-sur-IP et réduire celle de la téléphonie analogique. Cela nous offre des perspectives de réduction forte des coûts puisque nous serons sur le réseau de données pour une bonne partie du trafic téléphonique et que nous monterons sur le réseau opérateur que pour le trafic extérieur. Pour ouvrir réellement le jeu à la concurrence nous avons opéré une scission entre, d’une part, abonnements et communications téléphoniques fixes et mobiles et, de l’autre, toutes les lignes de connexion qui, de manière plus naturelle, vont faire l’objet d’une soumission de la part de Belgacom qui reste, quand même, l’opérateur qui a la main sur le capillaire du réseau le plus étendu. Si nous avions globalisé les deux, il n’y avait pratiquement qu’un seul opérateur qui pouvait se voir octroyer l’ensemble.
Quel sera le degré de réduction de coûts?
La réduction de coût espérée est de l’ordre de quelques pour-cents. L’essentiel pour nous est de pouvoir bénéficier d’une richesse fonctionnelle plus grande,de mieux organiser le travail. Nos objectifs de réduction de coûts sont en outre modestes parce que cela dépend en partie de l’offre du marché. Si le marché n’est guère concurrentiel, on ne peut espérer de grosses réductions de coûts. Nous ne nous attendons pas à des réductions dépassant de beaucoup les 5%. Il y a des réductions mécaniques qui viendront de la réduction du trafic via le SIP Trunk (1). Les bénéfices viendront à terme, mais, au départ, nous sommes plutôt dans une phase d’investissement- déploiement d’infrastructure, d’appareils téléphoniques…
Quelles applications et fonctions exigez-vous du futur fournisseur?
Nombre de fonctions ont déjà été ajoutées. L’objectif premier est de pouvoir rendre les fonctions accessibles à un public beaucoup plus large dans la mesure où, jusqu’à présent, la téléphonie sur IP n’est accessible qu’à environ 25% de nos utilisateurs téléphoniques. Après déploiement, nous visons 70 à 75% de téléphonie sur IP. Nous allons également renouveler la messagerie et passer à Microsoft Exchange pour développer le travail collaboratif et favoriser une meilleure utilisation des PDA et smartphones, voire des tablettes… qui ne bénéficient pas encore d’une connectivité idéale.
Le réseau Wifi est insuffisant?
C’est là un autre projet qui consistera à augmenter progressivement la couverture WiFi. Il s’aligne notamment sur l’un des objectifs assignés par le Master Plan TIC du ministre Marcourt qui vise à développer le travail mobile et à étendre la couverture WiFi dans les bâtiments publics. Nous avons commencé à augmenter la couverture WiFi sur les sites principaux (cabinets du gouvernement, sites implantés dans les grands centres urbains comme Namur…) en commençant par les salles de réunion et en augmentant ensuite la couverture mais nous ne nous sommes pas fixés une couverture à 100% de tous les bâtiments. L’investissement ne serait pas raisonnable parce que nous avons une énorme dispersion géographique, beaucoup de petit bâtiments. 75% du personnel est concentré dans de gros bâtiments mais les 25% restants sont excessivement dispersés. Nous avons fixé un plan progressif qui tient également compte du déploiement de terminaux mobiles. Cela ne sert à rien de faire du déploiement WiFi dans des sites où les utilisateurs n’ont pas de PC portable ou de smartphone…
Quelle est la politique en matière de terminaux mobiles?
C’est un dossier dont nous ne nous sommes pas encore occupés. Nous avons actuellement un contrat de fourniture avec Proximus. Un nouveau marché devrait remettre ce marché de fournitures en concurrence. Pour l’instant, nous nous fournissons en terminaux sur base d’opportunités, en fonction de l’évolution du catalogue de modèles. Pour ces terminaux mobiles ne servant qu’à la téléphonie vocale, nous allons laisser la variété se développer en termes de modèles. Par contre, pour les smartphones et les tablettes avec connectivité, nous allons imposer des normes. C’est ingérable, en termes de sécurité, en particulier avec le réseau WiFi, que de laisser se développer la possibilité pour tous ces terminaux de se connecter au réseau. On a essayé de fonctionner autrement pendant un petit moment mais la variété des modèles, les interfaces, les systèmes d’exploitation est telle que c’est impossible. Apple iOS, Symbian, Nokia, Microsoft, Android…
Quelle plate-forme allez-vous privilégier?
Les tests sont en cours. Les critères de choix seront liés à notre parc. L’objectif n’est pas de désigner la meilleure des technologies mais le meilleur produit dans notre environnement technique et de pouvoir assumer la charge de support aux utilisateurs. Un critère déterminant est que le système d’exploitation choisi soit supporter par toute la gamme des applications de notre parc. Ce qui est un élément qui ne plaide pas en faveur d’Apple puisque nous avons un environnement qui est très PC/Microsoft.
Quelle attitude adoptez-vous dans le registre BYOD (Bring Your Own Device)?
La stratégie qui a été définie au sein du SPW est de mettre en place des Directions générales et des organismes para-régionaux à qui on confie une certaine autonomie. La prise de décision d’achats de smartphones n’est donc pas centralisée. Chacun dispose d’une certaine autonomie dans un cadre financier. Tant qu’on reste dans les limites de l’enveloppe budgétaire établie, le DTIC n’a pas à dicter les choix de terminal. Par contre, si un directeur général souhaite connecter son téléphone à l’infrastructure réseau et exploiter toutes les fonctions de son terminal, nous lui signalons qu’il doit choisir son téléphone dans un nombre limité de modèles dont nous assurons le support. Le choix lui appartient donc en toute connaissance de cause. Le rôle du DTIC est de proposer un marché permettant un accès différencié aux services de téléphonie afin d’offrir un catalogue dans lequel les directions générales puisent selon leurs besoins.
Pour en revenir à la poursuite de la maintenance du parc applicatif existant, quel panel d’applications est-il concerné par la prolongation du rôle du GIEI?
Les applications historiques, qui n’ont pratiquement aucune charge d’entretien. Au terme du contrat passé, le GIEI s’engage à assurer le support, la petite maintenance, du debugging de nouvelle version. Les intervenants historiques doivent s’engager à résoudre tous les problèmes de fonctionnement sur ce parc: entretiens mineurs, essentiellement du debugging, de la documentation, de l’adaptation de fonctions à la marge, des modifications de type ergonomique mais pas de modifications importantes de l’application. Pour des modifications importantes, on tombe dans un contexte de remise de l’application sur le marché.
Quid de Walcomfin [la future application de gestion budgétaire]? Est-ce là une exception?
En fait, pour la maintenance des applications, on a fait trois lots. Dont deux portant sur des applications à héritage lourd, représentant des durées de vie différentes- gestion ressources humaines, gestion budget/finances- dont on ne peut pas se permettre qu’elles ne fonctionnent plus, sans quoi l’activité s’écroule. Le troisième lot regroupe les applications qui ne répondent pas à ce critère. Pour ce qui est de Walcomfin [rebaptisé entre-temps WBfin- “WB” pour Wallonie-Bruxelles], on ne remet pas une application de gestion budget/finances sur le marché à la légère… C’est l’exemple-type d’investissement historique très lourd. Avec de très gros risques de rupture de fonctionnement en cours de route et des transitions d’une solution à une autre qui réclament souvent un temps de coexistence entre applications assez long.
Où en est le dossier?
Le pré-requis pour le démarrage de la phase de mise en oeuvre était d’avoir une réglementation qui fixe le cadre des processus. Le décret a été adopté en décembre 2011. Ce fut le fruit d’une collaboration entre la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne. Le planning devra être réaliste. Il est prématuré pour moi d’en dire plus. Pour démarrer un chantier informatique, nous devons disposer d’orientations claires sur les objectifs au niveau business.
Qu’appelez-vous ou que considérez-vous être un planning “réaliste”?
Je crois qu’il ne descendra pas en-dessous de 4 ou 5 ans. C’est pour moi la vision minimale. En fonction du dynamisme, des trajectoires qui seront suivies pour les choix de mise en oeuvre, on pourra s’inscrire dans cet agenda ou être éventuellement confronté à un planning un peu plus long. J’espère que la date la plus longue, pour la totalité de déploiement du projet (définition des objectifs fonctionnels et implémentation informatique) restera en-dessous des 8 ans. Mais l’intention de tout le monde est de travailler en parallèle avec de forts points de coordination pour pouvoir avancer. La structure de pilotage de projet, discutée en gouvernement, prévoit cette coordination forte des équipes issues des différents cabinets concernés et des décideurs des deux administrations, responsables des aspects finances et informatique. Les conditions sont réunies pour qu’on puisse travailler en parallèle et maintenir le projet dans un espace-temps raisonnable.
L’application existante pourra-t-elle assurer les tâches demandées en se limitant à des adaptations “à la marge”?
D’un point de vue technique, l’environnement peut assurer le travail. Maintenant dire qu’on pourrait faire face à tout ce dont le gouvernement aura besoin au cours des prochaines années, pour faire face par exemple aux phases de réforme institutionnelle et à leur impact sur l’organisation de la région, je suis incapable de le dire. Quand ces problématiques fonctionnelles se présenteront, on verra comment on peut y faire face. En matière informatique, tout est une question d’effort. Pratiquement, tout est possible. Parfois, il est vrai, avec des efforts effectivement importants…
Or, en matière de comptabilité, il y a de nouvelles exigences…
La compatibilité budgétaire évoluera certainement mais les principales modifications seront plutôt introduites en matière de comptabilisation en partie double, proche de celle des entreprises. C’est le réel point de difficulté.
Qu’est-ce qui a été convenu avec le prestataire historique?
Le prestataire historique doit assurer la continuité de fonctionnement de l’environnement existant. C’est-à-dire de l’exploitation, de la maintenance (debugging) et des adaptations fonctionnelles dont le gouvernement aurait besoin pour organiser son activité, notamment en fonction des contraintes imposées par l’Europe… Le prestataire assure l’entretien pour nous permettre de travailler. C’était une nécessité absolue. Continuité avant tout.
Il y aura donc d’éventuelles modifications, voire un “enrichissement” de l’application?
Si la nécessité de fonctionnement du gouvernement conduit à devoir enrichir l’application de fonctions nouvelles, on enrichira l’application des fonctions nouvelles.
Est-ce que ce n’est pas alourdir la balance en termes de moyens à mettre en oeuvre puisque de toute façon, un jour ou l’autre, il faudra passer à WBfin, ou quel que soit le nom que l’application portera au final?
S’en référant à son expérience passée (passage à l’euro, bascule de l’An 2000), je peux affirmer qu’il n’est jamais bon de ne considérer ce genre de projet que sous le seul angle technique. Tellement d’autres éléments entrent en jeu: projet global de changement, procédures à prendre en considération, formations du personnel, manière différente de travailler, objectifs fixés politiquement, moyens humains et financiers à mettre en oeuvre)… Il faut savoir faire preuve de patience et se placer dans une perspective à long terme. Il ne faut jamais geler les investissements de l’application, sous prétexte que ce seront autant d’investissements qu’il faudra faire dans un environnement parallèle, car sinon toutes les fonctionnalités dont on a besoin pour travailler sont négligées et on en arrive à travailler à l’âge de la pierre… Cela étant dit, si des évolutions majeures se profilent dans les 5 ans qui viennent, oui, il faudra que la Région investisse deux fois. J’espère que cela ne se présentera pas mais…
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(1) SIP Trunk : connexion redondante haut débit pour canaliser l’ensemble du trafic du réseau vers le réseau de l’opérateur.
deuxième partie de cette interview
Dans un deuxième volet de l’interview, Thierry Bertrand abordera la problématique des compétences. A la fois celles qui sont ou seront dévolues au DTIC en raison des nouvelles réformes institutionnelles, et celles qui concernent directement ses équipes. Les effectifs sont-ils au complet, manque-t-il de bras, de profils pour faire face à la masse de travail? D’autres thèmes seront également abordés, tels ceux du Master Plan TIC annoncé en 2011 par le ministre Jean-Claude Marcourt, des open data, ou encore celui de la Banque Carrefour d’échange de données authentiques.
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