ClinicalTrial.be : les essais cliniques expliqués et dévoilés au patient lambda

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Par · 29/05/2023

Un portail, trilingue dans un premier temps (français, néerlandais, anglais), baptisé ClinicalTrial.be, a fait son apparition sur la Toile belge. Son but: informer les patients et les associations de patients sur l’existence et les modalités d’essais cliniques et, ce faisant, faciliter le recrutement de patients pour de tels essais.

Porteur du projet: la société Esperity à laquelle on doit déjà un site et réseau communautaire dédié aux personnes souffrant d’un cancer (lancé dès 2013). 

Pourquoi cette initiative? Mitchell Silva, fondateur et directeur d’Esperity, s’en explique: “Au moment du diagnostic, les patients ne savent pas toujours qu’il est possible de participer à un essai clinique. De plus, les informations sur les essais cliniques ne sont souvent disponibles qu’en anglais et sont difficiles à comprendre. Clinicaltrial.be vise à fournir des informations sur les essais cliniques dans un langage adapté à tout le monde.

Dans cet article, le positionnement, les spécificités, les ambitions du portail ainsi que les partenariats recherchés ou envisagés.

Actuellement, il existe certes des sites répertoriant ou permettant de s’informer sur des essais cliniques mais ils sont essentiellement américains. Ou systématiquement en langue anglaise. En Europe, le portail CTIS (Clinical Trial Information System) est certes une source d’information mais il est réservé aux professionnels”. [Ndlr: ce portail est présenté comme destiné à opérer comme “unique point d’entrée des nouvelles demandes d’autorisations d’essais cliniques pour l’ensemble des 27 États-membres de l’UE”]

On manque donc clairement de sources fiables et faciles pour les patients, dans les langues nationales ou locales.”

A noter que non seulement le portail ClinicalTrial.be existe sous la forme d’un site autonome mais a aussi la particularité de pouvoir venir s’enchâsser, en totalité ou sous une forme adaptée et personnalisée, dans les sites ou portails Internet d’associations de patients, d’hôpitaux, voire de sociétés pharmaceutiques partenaires. C’est là une spécificité que Mitchell Silva veut différenciatrice par rapport à d’autres solutions d’informations sur les essais cliniques qui ont parfois vu le jour à l’étranger, souvent à l’initiative de start-ups. “Généralement, ces sites ne permettent qu’une interaction assez passive. L’internaute ou le patient peut uniquement indiquer ses coordonnées afin de recevoir par exemple des notifications d’essais cliniques pouvant lui correspondre. Ce que nous proposons va beaucoup plus loin. Notre plate-forme a ceci d’unique qu’il s’agit d’une solution centralisée, intégrable à d’autres sites…”, souligne Mitchell Silva.

Une info en partie alimentée par l’IA

Que trouve-t-on sur le site ClinicalTrial? Des informations génériques et explicatives sur ce qu’est et comment se déroule un essai clinique, sur son utilité et ses finalités (pour faire progresser la médecine, pour améliorer ou développer une nouvelle molécule ou une nouvelle solution…), la manière dont le patient participant est suivi, “monitoré”, tout au long de l’essai, des informations sur les risques, sur ce qu’est le “consentement éclairé”, condition sine qua non que doit respecter tout organisateur d’essai clinique vis-à-vis des individus participants.

Au-delà de ces informations contextuelles, le site – et c’est l’un de ses arguments majeurs – permet aussi d’obtenir la liste des essais cliniques effectués pour telle ou telle thématique médicale, par type de maladie, par pays ou ensemble de pays… De quoi permettre au patient non seulement de s’informer sur les recherches et essais en cours mais aussi de déterminer si l’un ou l’autre d’entre eux pourrait correspondre à sa situation, être intéressant pour y participer.

Une recherche par mot-clé permet ainsi d’obtenir une liste d’essais en cours ou déjà effectués, avec des informations sur l’hôpital, le centre de recherche ou la société pharmaceutique qui les réalise. L’internaute peut en outre entrer en contact avec un responsable afin de poser sa candidature pour participation si la sélection des patients est encore en cours.

Pour proposer une liste qui soit la plus pertinente possible, le requérant doit remplir quelques champs (type de maladie, genre et âge du patient intéressé…). A partir de là, un algorithme opère la sélection. En cliquant sur l’intitulé de l’essai, les informations plus détaillées ainsi que les coordonnées de contact s’affichent.

“Les algorithmes d’apprentissage automatique [Ndlr: qui ont été développés en interne par les ingénieurs d’Esperity] jouent un rôle essentiel”, souligne Mitchell Silva. “Le but est de s’assurer que les informations sont classées dans les bonnes catégories, que la sélection [des essais cliniques listés] soit la plus optimale possible, que les informations qui s’affichent à l’écran suite à une requête soient pertinentes.”

Par exemple, pour accéder et obtenir les informations et les études qui intéressent ses thématiques spécifiques, ou pour être mis au courant de l’existence de nouveaux essais cliniques, une association de patients dispose d’un log-in. L’autorisation d’accès aux pages d’informations est donc décidée par algorithme – avec toute la rigueur que cela peut supposer. Comme pour le développement des algorithmes, les procédures de leur entraînement sur données ont été effectuées par Esperity elle-même.

Développements planifiés

Le profil que dresse l’internaute pour spécifier la maladie ou le type d’essai clinique qui l’intéresse potentiellement est encore fort basique. L’un des développements que l’équipe d’Esperity dit avoir inscrit à son agenda est la création de questionnaires plus fouillés qui permettront d’affiner le degré d’éligibilité pour participation à un essai clinique. Là encore les algorithmes d’apprentissage automatique seront à la manoeuvre pour tirer les conclusions des renseignements encodés.

Une prochaine étape pour le site ClinicalTrial sera de proposer aux patients utilisant le portail un outil de type patient journey. En clair, un outil qui leur permettra de créer et d’enregistrer leur ligne de temps santé. Ils pourront y noter des informations supplémentaires (par exemple, les symptômes ressentis lors d’une participation à un essai clinique), de quoi permettre aux organismes qui l’organisent et aux médecins ou scientifiques qui en ont la charge de mieux suivre l’impact de l’essai clinique sur chaque individu et d’affiner l’exercice de mise en correspondance (entre type d’essai et profil patient).

L’évaluation de concordance et de sélection sur base de critères se fera, ici encore, via recours à des algorithmes d’apprentissage automatique.

Autre évolution que Mitchell Silva espère pas trop éloignée: la publication des résultats qu’ont donnés les essais cliniques déjà effectués.

“Certains résultats sont publiés sur certains sites, notamment le portail européen CTIS, mais ils ne sont pas encore nombreux. Et les API font encore défaut pour pouvoir les utiliser. Dès que ces API seront disponibles, nous ne manquerons pas d’inclure les résultats dans notre portail. D’ici là, une solution intermédiaire que nous envisageons est de procéder par web scraping.”

Modèle économique

L’utilisation du portail ClinicalTrial.be est gratuite pour les patients. De même que pour les associations de patients.

Pour se financer, le site comptera donc sur des accords passés avec des hôpitaux et des sociétés pharmaceutiques. “Les hôpitaux disposeront d’un accès gratuit pour les fonctionnalités et informations basiques du site. Mais une version payante leur permettra de bénéficier de fonctionnalités supplémentaires et d’un volet conseils”, indique Mitchell Silva.

Quant aux sociétés pharmaceutiques, elles devront en passer par l’achat d’une licence afin d’obtenir, de manière personnalisée, des informations sélectionnées correspondant aux études et essais cliniques qu’elles mènent.

A ce jour, Esperity dit avoir embrigadé 25 associations de patients, toutes belges (maladies concernées: cancer du poumon, diabète, maladies rhumatismales, maladie de Parkinson…). Des contacts sont d’ores et déjà en cours en vue de convaincre des associations étrangères.

Côté hôpitaux, trois établissements belges sont d’ores et déjà partenaires d’Esperity pour son nouveau portail. A savoir, Erasme, Bordet et l’Huderf (hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola). Tous trois ont notamment conclu une convention leur permettant d’intégrer le portail ClinicalTrial dans leur propre site, pour publication d’informations sur les recherches et essais cliniques qu’ils mènent, chacun à leur niveau. 

Des ambitions internationales

Comme indiqué, le site ClinicalTrial.be existe actuellement en trois langues (français, anglais, néerlandais) mais d’autres langues (également européenne) sont planifiées.

A terme et à l’exception de certains éléments de contenus standardisés et bacico-basiques, les traductions ne seront pas le fruit d’outils automatisés mais seront l’oeuvre de bureaux de traduction ou proviendront de contenus fournis via des contrats passés avec des sociétés pharmaceutiques (après validation des études par des comités éthiques).

Pour l’heure toutefois, nombre d’études répertoriées (près de 267.000 essais cliniques, portant sur plus de 76.000 maladies, réalisées dans plus de 210 pays) ne sont pas encore traduites en français et en néerlandais. L’internaute doit donc, pour en obtenir une copie traduite, se contenter d’une traduction automatique.

Comme indiqué également précédemment, des contacts sont et continueront d’être noués avec des associations de patients, des institutions hospitalières et des sociétés pharmaceutiques étrangères. “Nous pouvons d’ores et déjà faire état d’un intérêt pour notre initiative, en particulier afin que la poursuite des développements de nos algorithmes permette de couvrir la problématique spécifique des maladies rares et de l’importance d’essais cliniques dans ce domaine…”, déclare Mitchell Silva.