Le programme “Ecole Numérique” de Digital Wallonia, qui vise à (co-)financer l’équipement numérique (ordinateurs, dispositifs numériques divers, logiciels de gestion…) des écoles du primaire et du secondaire, fait peau neuve.
Gros marqueurs pour la version 2022 : une enveloppe sensiblement revue à la hausse et l’abandon du principe, jusqu’ici traditionnel voire sacro-saint, de l’appel à projets pour passer à une formule davantage structurelle et “lissée” dans le temps et en termes de procédures de sélection.
Commençons par l’aspect financier: là où les derniers budgets ne dépassant pas les 9 millions d’euros par an, le budget annuel, pour la période 2022-2026, passera à 24 millions par an.
Merci au Plan de Relance (régional) et au Plan pour la Reprise et la Résilience (national, aidé par l’Europe) qui ont permis de débloquer des fonds plus plantureux.
Au fil des ans, le programme Ecole Numérique a permis d’octroyer des équipements à quelque 2.440 bénéficiaires (équipes d’enseignants ou P.O. ayant au préalable préparé un projet pédagogique).
Total côté ordinateurs et dispositifs divers (tablettes, écrans connectés, logiciels de gestion…) ainsi financés et livrés: 48.000.
En dix ans, le budget total alloué s’est monté à 34 millions d’euros.
Pendant ces quatre ans, le Plan de Relance permettra de fournir des équipements informatiques et numériques pour quelque 2.500 projets pédagogiques et de financer le déploiement de 1.650 réseaux WiFi.
Quant au Plan pour la Reprise et la Résilience, il permettra de financer respectivement 650 projets pédagogiques et 1.350 réseaux WiFi.
La fin des appels à projets
Jusqu’ici, la sélection des établissements scolaires pouvant bénéficier du plan Ecole Numérique dépendait de l’introduction d’un projet pédagogique. Les candidatures étaient analysées par une cellule composée d’universitaires. L’enveloppe annuelle était alors divisée entre les projets retenus (jusqu’à 500 par an), dans les divers niveaux d’enseignement – fondamental, secondaire, promotion sociale.
Lors de la dernier édition (2021), la sélection avait plus spécifiquement privilégié des établissements d’enseignement qui n’avaient encore jamais bénéficié de l’aide publique régionale. Par ailleurs, depuis quelque temps, la méthode avait fait l’objet de critiques et de réanalyses – notamment pour cause de lourdeur, de lenteur, de processus qui désavantageait des établissements moins versés dans l’art de la constitution de dossiers ou ne parvenant pas à monter des projets pédagogiques (la finalité concrète d’usage sur base des équipements espérés) qui soient suffisamment valables ou novateurs.
Voilà donc qu’à partir de cette année, le principe des appels à projet est remisé au placard en faveur d’une planification sur cinq ans et de l’attribution d’un “portefeuille de points”, alloué à chaque établissement. Portefeuille de points dans lequel il pourra puiser, à son rythme, tout au long de ces cinq ans, à condition d’avoir malgré tout identifié, monté et argumenté un projet pédagogique d’équipement et d’usage du numérique.
L’importance de ce portefeuille de points variera en fonction de la taille de l’établissement. Mais, insiste-t-on du côté de la Région, tous les établissements disposeront donc d’un budget d’équipements en solutions numériques (avec seuil minimal et maximal).
Le schéma d’attribution des points est en cours de finalisation mais les paramètres pris en compte seront notamment la taille de l’établissement, sa nature, le degré de maturité numérique acquis, le taux d’équipements pré-existants…
Selon la nouvelle approche, la maturité des projets sera toujours évaluée (il faudra toujours justifier d’une finalité pédagogique pertinente) mais un manque de maturité n’impliquera plus un renvoi aux calendes grecques pour pouvoir retenter sa chance. Chaque établissement pourra retravailler un projet jugé insuffisamment mature et le reproposer plus rapidement (commandes possibles; via la centrale d’achats, à trois périodes en cours d’année.
Un état des lieux pour objectiver les besoins
Condition sine qua non toutefois avant que chaque établissement puisse exposer son projet (sur la plate-forme en-ligne) et passer commande de l’équipement désiré: avoir franchi une étape “cadastre”, avec obligation de remplir un questionnaire qui vise en fait à déterminer sa situation en termes d’équipement (ordinateurs et dispositifs divers), de configuration de son bâti (pour le déploiement d’une connectivité interne, comme on le verra plus loin), d’existence de ressources humaines internes (personnes-ressource IT).
Nom de baptême de l’opération Cadastre: Incor 2022. A la manoeuvre; l’AdN et le SPW.
Objectif: “connaître de manière précise l’état actuel des équipements numériques, de la couverture en réseaux de données et des ressources (matérielles et logicielles) disponibles dans chaque implantation d’enseignement située en Wallonie”. L’évaluation portera également sur “les stratégies et pratiques numériques des établissements”.
Les quelque 3.200 établissements d’enseignement situés en Wallonie sont donc invités à remplir ce questionnaire (qui leur sera fourni, en-ligne, en décembre). Cela permettra aux pilotes du programme Ecole Numérique (l’AdN et le SPW) de dresser un état des lieux le plus précis possible de l’existant et des besoins. “Les appels à projet précédents et divers coups de sonde réguliers nous ont déjà permis de nous faire une idée assez précise du taux et de la nature des équipements numériques des écoles”, déclare Sébastien Reinders, en charge du programme Ecole Numérique à l’AdN. “Mais il en va tout autrement de la structure du bâti.”
Ce “cadastre” sera dressé tous les deux ans (prochaines opérations en 2024 et 2026). “Cela nous permettra de savoir plus précisément qui a investi en quoi et, surtout, cela devrait éviter que des écoles perdent pied ou soient des “décrochées” du numérique. On pourra ainsi déterminer quels établissements ont besoin de l’assistance d’un expert, mis à disposition par la Région, pour les aider.”
Du WiFi pour tous
Si le montage de dossiers pédagogiques demeure donc une condition sine qua non pour pouvoir passer commande de lots d’équipements numériques, en puisant dans un budget alloué pour cinq ans, l’autre volet majeur du plan Ecole Numérique 2022 prévoit un équipement systématique en connectivité interne via déploiement de réseaux WiFi.
Le budget débloqué, toujours pour une période de cinq ans, a pu l’être pour une partie non négligeable grâce au Plan pour la Reprise et la Résilience d’origine européenne.
Tous les établissements scolaires de Wallonie pourront donc bénéficier d’une aide financière et d’une procédure d’installation et de déploiement du WiFi – un réseau qui couvrira la totalité de la surgave de l’école (classes, ailes administratives…). Toutefois, pour porter le fer là où il en est le plus besoin, la priorité et la préférence seront données aux établissements de petite taille, ne disposant pas de moyens propres, et aux écoles n’étant pas encore équipées en connectivité intérieure.
C’est à cela aussi que servira le cadastre dont il a été question plus haut: déterminer qui en a réellement (ou le plus) besoin. “Pas question d’accroître encore davantage la fracture [d’équipement] entre ceux qui avancent et ceux qui n’en ont pas les moyens…”
Si vous vous reportez aux chiffres cités en début d’article, vous constaterez toutefois que le nombre de projets WiFi visés est de 3.000 (1.650 financés par le Plan de Relance wallon, 1.350 par le Plan belgo-européen pour la Reprise et la Résilience).
3.000 établissements alors que l’on compte 3.200 établissements d’enseignement en Wallonie. Autant dire qu’en dépit – du moins apparemment – de cette préférence donnée à ceux qui en ont nettement plus besoin que d’autres, tous pourraient en bénéficier. Mais le chien de garde du cadastre entrera en jeu. Et, dit-on à la Région, on imagine mal des établissements s’étant déjà équipés sur fonds propres ou à l’aide d’autres sources de financement venir quémander leur part du gâteau.
Le nombre de projets d’installation pourrait donc être inférieur à ce total théorique de 3.000 mais le budget, estime-t-on, sera aisément consommé, compte tenu des coûts élevés que certains contextes de bâti ou de disposition des lieux exigeront (bâtiments classés ou disposition particulièrement complexe des lieux, par exemple).
Et si le budget WiFi n’est pas totalement dédié à cette fin de connectivité interne, le solde pourrait être reversé dans la grande enveloppe du programme Digital Wallonia 4 Edu (nouveau nom en perspective pour le programme Ecole Numérique). “L’Europe nous impose certes des critères à respecter et nous demande de justifier de l’utilisation qui aura été faite des fonds mais ne nous dicte pas comment apurer notre budget.”
L’agenda. La question qui fâche?
L’aspect calendrier de la nouvelle mouture du programme Ecole Numérique a de l’importance. Non seulement pour la manière dont les établissements vont pouvoir soumissionner mais aussi du point de vue des délais de déploiement des réseaux WiFi. L’Europe (via le Plan pour la Reprise et la Résilience) impose d’atterrir d’ici 2026. Mais pourquoi ne pas accélérer le mouvement et équiper les écoles en WiFi plus vite? Une critique souvent exprimée sur le terrain et jusque dans les rangs du Conseil du Numérique…
La cartographie 3D à la rescousse…
Pour accélérer un tant soit peu les choses, le travail préparatoire de cartographie des bâtiments où déployer le WiFi se fera en ayant recours à des repérages et relevés 3D. De quoi générer des plans numériques à l’échelle précis et pouvoir procéder à la phase d’analyse de site sans devoir envoyer des techniciens sur site.
Installation possible dans les six mois suivant cette phase préparatoire…
A l’AdN et à la Région on se défend de traîner les savates: “imaginez qu’il faut prendre en compte quelque 4.700 bâtiments. Avec des équipes techniques à envoyer sur le terrain. Voir l’encadré ci-contre à cet égard.
“Il n’existe pas en Belgique, ou d’ailleurs à l’échelle européenne, de société qui permette de le faire en l’espace de deux ou trois ans”, affirme Sébastien Reinders. “Nous nous sommes pour l’instant fixés l’objectif de 50 implantations par mois.”
Le marché public pour le choix de la société chargée de réaliser la cartographie 3D sera lancé “sous peu”. Suivra, courant décembre, le marché pour désigner le soumissionnaire qui sera chargé de coordonner l’action des installateurs et intégrateurs opérant sur site (on verra en effet probablement se constituer des groupements temporaires de sociétés présentant ce genre de profil “vu l’inexistence d’une société pouvant tout assumer elle-même…”).
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