Glané au fil de la “AI Week”…

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Par · 18/03/2022

Celle semaine était tout entière placée sous le signe de l’intelligence artificielle. AI4Belgium en était en effet à la deuxième édition de son “AI Week”. Avec une panoplie de thématiques: IA et santé, blockchain, compétences et formations, IA “de confiance”…

Voici, récoltées au fil de la semaine, quelques réflexions ou déclarations de l’un ou l’autre participant qui méritent d’être citées ou qui méritent réflexion…

L’“opportunité” de la santé

Que peut espérer la petite Belgique sur la scène mondiale de l’IA? Quels domaines sont potentiellement les plus porteurs, ceux où la Belgique, ses chercheurs et entrepreneurs, ont le plus de chances de marquer leur empreinte? C’était la démonstration que voulait faire l’atelier AI4Health, arguant que la Belgique a en mains des arguments probants: des compétences pointues en biotechnologie, la présence de grands acteurs du pharma sur le territoire, des chercheurs réputés, des start-ups somme toutes nombreuses sur le terrain de l’e-santé, le fait que la Belgique soit parmi les trois premiers pays européens à s’être engagés dans un processus de remboursabilité de dispositifs médicaux/e-santé (même s’il faut encore franchir une étape – majeure – en la matière)…

Autant d’ingrédients qui peuvent servir de socle et de tremplin pour une stratégie IA en santé. En principe. A condition toutefois de faire évoluer les choses, de structurer encore davantage l’“écosystème”, d’accélérer du côté sensibilisation et formation (que ce soit celles des professionnels de santé ou des simples citoyens).

Ce sera l’un des objectifs du projet “Lighthouse” du groupe de travail AI4Health de la coalition AI4Belgium. Parmi les chantiers auxquels ce projet devra s’attaquer, le Dr Giovanni Briganti, coordinateur du groupe de travail AI4Health énumérait les suivants: “Coordonner le développement de solutions, en favorisant notamment les tests et la coopération entre hôpitaux afin de démontrer la valeur ajoutée des projets IA en santé. Accélérer l’implémentation de l’IA notamment par les hôpitaux et, d’une manière générale, par les institutions de soins. Ce qui suppose d’évoluer en matière de remboursement, un élément qui demeure l’un des défis. 

Jeter les bases d’une gouvernance des données de santé, en la faisant évoluer en fonction des défis sociétaux rencontrés. C’est là un élément essentiel pour passer à l’étape de projets concrets.

Apporter un support structuré aux institutions de soins. Former les professionnels de santé, en Belgique mais aussi à l’échelle européenne, pour les sensibiliser aux potentiels de l’IA en santé. Résoudre les problèmes éthiques et légaux liés à l’IA médicale”.

 

Dr Giovanni Briganti (AI4Health): “L’AI4Health Lighthouse doit baliser le chemin, déterminer les finalités, la manière dont, ensemble, l’écosystème peut monter des projets-pilote, pionniers.”

 

Pour Thierry Geerts, directeur général de Google Belgique, notre pays a en effet en mains de nombreux arguments mais l’approche demeure trop ancrée dans les réflexes du passé, dans l’alignement d’arguments qui freinent les avancées. A ses yeux, il faut se défaire de cette “old fashion way” de concevoir les solutions de santé. “Nous devons revoir nos batteries, notre approche”. Et, ajoutait-il, il faut aussi attirer les talents venus de l’étranger.

De son côté, Sébastien Deletaille, co-fondateur de la start-up Rosa, soulignait qu’“il faut savoir quel type d’IA on veut [en santé]. Veut-on s’en servir uniquement pour optimiser les systèmes existants ou pour de réelles transformations? C’est là un élément essentiel pour déterminer comment la Belgique compte “viser la lune”. Autres conditions sine qua non à son avis: “briser les silos de données santé et imaginer des systèmes d’incitants pour récompenser l’utilisation de l’IA.”

La nécessaire collaboration entre hôpitaux (ou institutions de soins) qu’évoquait le Dr Giovanni Briganti figurait également dans les conditions évoquées par Kevin Françoisse, directeur de la start-up Sagacify (spécialisée en IA): “en matière d’IA en santé, il s’agit d’évoluer vers du federated learning en mettant plusieurs hôpitaux ensemble – même s’il est difficile de rendre ou de disposer de données interopérables…”

Un écueil que relevait également Frédéric Lambrechts, directeur en charge du développement commercial chez Osimis. A ses yeux, l’interopérabilité et, surtout, l’intégration des données et des systèmes ou solutions d’IT médicale sont plus que jamais essentielles au vu de la multiplication des solutions et dispositifs, en ce compris ceux basés sur l’IA. “Avec l’augmentation sensible du nombre de nouvelles solutions, les risques de fuite ou de vulnérabilité des données augmentent, de même que les problèmes d’intégrité des données”. Ce qui, évidemment, au-delà des problèmes de sécurité et de confidentialité, n’augure rien de bon pour l’efficacité et la pertinence des résultats générés par les algorithmes…

Autre défi à relever, selon lui, une “intégration en profondeur” des solutions IA – notamment dans le domaine de l’imagerie médicale, qui est la spécialité d’Osimis – avec les flux cliniques, afin d’éviter que ces solutions impliquent une surcharge de travail pour les professionnels de soins, les privant de temps alors qu’elles sont justement sensées leur en faire gagner…

Compétences et formations

Conditions sine qua non d’une bonne “appropriation” de l’intelligence artificielle, par ses concepteurs et par ses utilisateurs : les compétences, de différents niveaux selon le profil de la personne concernée.

En la matière, une série de paramètres à améliorer ont été identifiés: la formation des jeunes, la reconversion ou spécialisation de personnes actives, l’offre de stages de longue durée aisément accessibles, la sensibilisation du citoyen lambda pour l’inciter à aller puiser dans les resources de formation (en ligne ou non).

 

Question fondamentale: quelle qualité intrinsèque à l’Intelligence Artificielle? En la matière, Raphaël Weuts, directeur général du Leuven AI Forum, rappelait une vérité première qui nous ramène à notre condition humaine: “L’IA ne fait jamais que ce qu’on lui demande de faire. Le problème, c’est que nous ne sommes pas bons lorsqu’il s’agit d’exprimer ce que nous voulons…”

La blockchain comme levier de progrès?

Différents acteurs, voire embryons de sous-écosystèmes, dans le domaine de la blockchain ont inauguré la coalition Blockchain4Belgium. L’espoir est d’en faire une dynamique de coopération et de mutualisation des compétences à la manière d’AI4Belgium.

Sous le concept-gigogne de “blockchain”, une multitude de réalités et de tendances technologiques nouvelles sont à l’oeuvre – en ce compris les NFT (non fongible tokens), les DAO (decentralised autonomous organisations), le Web 3.0, l’identité, les crypto-actifs et les multiples champs potentiels d’application… et de disruption (économiques, financiers, sociétaux, civiques….).

“On a besoin en Belgique d’un plate-forme qui favorise la collaboration. Nous avons besoin d’un écosystème cohérent, notamment pour procéder à des tests et validations de technologies”, déclarait Nicolas Van Zeebroeck, membre du comité de pilotage d’AI4Belgium et par ailleurs professeur en économie numérique à l’ULB. “Il est par ailleurs nécessaire que cette coalition couvre la totalité de la pile de technologies… Et cela inclut notamment l’intelligence artificielle. Mais les autres “couches” doivent également s’y imbriquer – IoT, 5G…”.

A l’occasion de l’un ou l’autre exposé inscrit au programme, on a aussi entendu passer ce message – une vieille connaissance: si on laisse la réglementation européenne, plus stricte, brider le mouvement, on s’apercevra d’ici quelques années qu’en Europe, le terrain est occupé et dominé par les futurs équivalents des GAFA (à moins qu’il ne s’agisse – en partie – des mêmes…). Allusion même pas voilée à l’effet provoqué, selon certains, par la réglementation RGPD en matière d’exploitation des données…

Marc Toledo, directeur de Bit4You et de BAx (Blockchain Association of Exchanges and Custodians), plaidait par exemple pour l’élaboration d’un cadre législatif en Belgique qui permette aux acteurs locaux d’avoir la maîtrise de leur destin. Un destin qui, sinon, serait capté par d’autres pays, d’autres acteurs, “non soumis aux règles que doivent respecter les acteurs locaux”.

Argument-miroir également entendu: “investir dans la blockchain, c’est le moyen de garantir notre souveraineté numérique”. En partant du principe que les concepts d’identité garantie et de propriété distribuée (ou décentralisée) seraient les garants d’une souveraineté retrouvée, libérée des carcans d’acteurs dominants ou d’autorités cadenassantes…

Médias “augmentés”?

Autre annonce de la semaine: un nouveau groupe de travail AI4Belgium avait choisi le cadre de la AI Week pour se lancer officiellement et dévoiler un début d’agenda. Son thème: media and live entertainment.

Parmi les thématiques auxquelles les membres du groupe de travail s’attaqueront potentiellement, après filtrage des idées et établissement des priorités, citons : l’IA pour l’information (automatisation, vérification de production d’informations journalistiques…), l’IA dans le contexte des métavers (identification d’opportunités pour les médias, impact économique pour les créateurs), l’IA pour la production de contenus d’informations, pour la recherche d’informations, ou encore pour la personnalisation de contenus.

Les travaux démarreront effectivement au mois de juin.