En 2024, la totalité des parcs d’activité économique (PAE) de Wallonie seront connectés à la fibre optique, et donc au très haut débit (THD). Engagement ferme – et désormais financé – pris par la Région. Le chemin fut et reste long mais, Plan de Relance et de Résilience européen aidant, les 35 derniers PAE qui n’avaient pas pu être inclus dans le plan stratégique THD de la Région seront desservis. Ils avaient, jusqu’ici, été oubliés (ou négligés) pour des raisons de coût trop élevé (parfois plusieurs dizaines de kilomètres de fibre à tirer entre le backbone de la Sofico et l’entrée du zoning) et de non-rentabilité de l’investissement à consentir. Un calcul de non-rentabilité qui avait été fait non seulement par la Sofico mais aussi, à plus forte raison encore, par les opérateurs commerciaux.
“A quelques exceptions près, ces 35 PAE se situent en zone blanche ou grise, relativement, voire très distante de notre backbone”, confirme Frank Chenot, directeur à la Sofico.
Des contacts avaient certes été maintenus entre les autorités régionales et les opérateurs privés pour tenter de les pousser à investir mais c’était cause perdue. Tout au plus avaient-ils laissé entendre qu’ils envisageraient éventuellement de desservir ces zonings éloignés “à terme”. Un “terme” qui se chiffrait généralement à minimum 10 ans.
“Aucun opérateur ne voulait les câbler dans un avenir plus ou moins proche. C’était inacceptable de laisser ainsi des dizaines de PAE et toutes les entreprises qui s’y sont établies, ou qui envisageraient de le faire, sans connexion THD pour une si longue durée”, déclare Frank Chenot. “Il y va de la compétitivité de nos PME. Les laisser sans accès haut débit pendant 10 ans était impensable.” Et le cercle est évidemment vicieux pour les PAE “oubliées”: si les opérateurs ne les trouvent pas attractives, parce que ne garantissant pas un ROI suffisant, leur situation ne s’améliorera certainement pas puisque sans l’argument du (très) haut débit, elles n’attireront pas plus de PME et n’attireront pas les investisseurs. Où est la poule? Où est l’oeuf?
La situation était également kafkaïenne pour les intercommunales voulant développer ou construire de nouveaux PAE: “Pour pouvoir ouvrir tout nouveau PAE, l’intercommunale doit désormais disposer d’un engagement ferme d’un opérateur à la câbler. Sans quoi, la Région n’octroiera pas de subside pour la création de ce parc. Tout cela contribuait à rendre indispensable le déblocage d’un budget…” Que l’on a donc trouvé du côté du Plan de Relance européen…
103 + 154 + 35
Où en est-on actuellement? La pose de la fibre pour desservir les parcs d’activité économique se fait, depuis déjà quelques années, selon un agenda de déploiement progressif. Un agenda qui a connu des soubresauts (notamment politiques – rappelez-vous le coup de Jarnac du cdH en 2017) et des retards successifs. Nous vous invitons à relire nos articles de 2017 (“Zonings wallons: le Très Haut Débit est annoncé avec un retard de…”)
Il fut tout d’abord décidé d’équiper 103 zonings. Cette première phase, sur le terrain, est encore en cours. Quelque 70 parcs sont entièrement câblés – lisez: la “pénétrante” (connexion entre le backbone de la Sofico et l’entrée du PAE) a été posée, ainsi que la boucle locale qui irrigue le zoning jusqu’à front de rue des bâtiments. La trentaine de PAE non encore complètement équipés attendent que la boucle locale soit réellement bouclée – le taux de couverture actuel, selon les cas, oscille entre 20 et 80%.
Après ces 103 premières destinations, le gouvernement a décidé, voici déjà plusieurs années, de financer la connexion de 154 PAE supplémentaires dans le cadre du plan stratégique THD. Connexion complète: pénétrante + boucle locale “pour la totalité des sociétés ainsi que des parcelles non encore construites”. Décision prise mais déploiement encore à démarrer.
La troisième et dernière “vague” qui a récemment fait l’objet d’une annonce par le ministre Willy Borsus concerne les 35 derniers PAE laissés, jusqu’ici, en rade. Ils seront donc, eux aussi, connectés à la fibre et équipés d’une boucle locale au plus tard en 2024, grâce aux financements obtenus dans le cadre du Plan de Relance et de Résilience européen. Budget: 15 millions d’euros.
La carte de l’équipement, en trois vagues, des PAE wallons. Source: Sofico
Et donc, le calendrier?
Depuis 2020, la Sofico s’attèle à compléter le câblage des 103 premières PAE inscrites à son agenda. Les travaux continueront en 2022.
Le déploiement des phases 2 (154 PAE) et 3 (les 35 dernières) se fera en parallèle, entre 2022 et 2024. Pour boucler le travail, la Sofico et la Région n’ont d’ailleurs pas le choix: le caractère européen des subsides impose de respecter les délais impartis.
Comment la Sofico va-t-elle organiser son planning? Des priorités de déploiement ont-elles été fixées et, dans ce cas, selon quels critères?
“Nous avons, au départ, défini un seul critère théorique”, explique Frank Chenot. “Nous avons procédé à un classement des PAE encore à équiper selon leur degré d’“attractivité” [c’est-à-dire le rapport entre la hauteur de l’investissement et le potentiel de développement du zoning]. Le scénario le plus logique consistait à commencer par les PAE les plus rentables, présentant le plus haut potentiel. Et ce, afin de générer davantage de revenus que ne l’auraient fait les moins attractifs. Ces revenus [tombant dans l’escarcelle de la Sofico] serviraient à financer l’équipement des suivants. Nous avons ainsi calculé que la durée totale des travaux de déploiement serait réduite de deux ans.”
Ce critère “déploiement par degré d’attractivité” doit toutefois composer avec certaines contraintes de terrain. A savoir… l’obligation consignée dans le décret PoWalCo (“coordination et organisation, dans le temps et dans l’espace, des travaux sous, sur et au-dessus des voiries ou des cours d’eau”) visant à optimiser les agendas de travaux par divers impétrants et à concentrer les travaux pour minimiser les temps de nuisance.
“Il se peut donc que si un opérateur prévoit d’effectuer des travaux en 2022 dans un PAE que nous avions prévu d’équiper en 2023, la Sofico doive anticiper le chantier de pose de la pénétrante et de la boucle locale”. Le scénario inverse est évidemment également possible…
Résultat: impossible d’annoncer un calendrier de déploiement plus précis que “entre 2022 et 2024” pour les PAE encore à desservir.
Tous égaux
La Sofico ouvrira sa fibre, “en équité”, à tous les opérateurs intéressés par une offre de services à destination des sociétés établies dans les PAE de Wallonie.
La Sofico dit avoir préparé une offre de services, à destination des opérateurs et, par ricochet, aux occupantes des PAE, qui rendra la fibre et le THD nettement plus abordables financièrement. Sans préjuger évidemment des tarifs pour services à valeur ajoutée supplémentaires qu’appliquera chaque opérateur.
Frank Chenot (Sofico): “L’offre dédiée PAE de la Sofico vise à assurer un prix de connectivité accessible pour toute PME. La problématique, jusqu’ici, était que l’accès au THD était très cher, impayable pour une PME, obligée de débourser 600 à 800 euros par mois pour la simple connexion – auxquels viennent encore s’ajouter les tarifs de services à valeur ajoutée…”.
Le principe de base, stipulé contractuellement par la Sofico, est que “toutes les PME doivent être traitées en équité, quel que soit le PAE dans lequel elles sont établies”. Autrement dit, interdiction faite aux opérateurs qui utiliseraient la fibre de la Sofico de proposer des tarifs plus élevés dans les zones “moins rentables” par exemple. “Pas question de désavantager le sud Luxembourg par rapport aux bords de Meuse ou de Sambre”. Par exemple… “Nous imposons aux opérateurs qui seraient clients chez nous de s’engager par écrit à ne pas discriminer. Ce qui n’exclut toutefois pas qu’ils puissent proposer des offres temporaires attractives…” Mais, donc, limitées dans le temps.
L’offre “dédiée PAE” imaginée par la Sofico prévoit la mise à disposition d’une paire de fibres noires pour chaque opérateur qui voudrait contracter avec elle. Pour la PME cliente, le coût estimé de la connectivité fibre (hors services à valeur ajoutée, dépendant de chaque opérateur) sera de l’ordre de 100 euros par mois. L’opérateur achète un droit d’accès PAE moyennant un fee sur 15 ans. A lui de s’arranger pour rentabiliser ce “prix d’entrée” en desservant un maximum de PME. “Plus il aura de PME clientes, plus il pourra potentiellement réduire ce tarif de 100 euros par mois tout en rentabilisant son investissement.” S’il dépasse son quota de rentabilité (en termes de nombre de PME clientes), le coût de la connectivité pourrait donc baisser. S’il n’atteint pas son quota… à lui d’en assumer la charge. Convention Sofico oblige. “Nous avons préféré ce type de convention, où l’opérateur prend ses responsabilités, plutôt que de prévoir des contrats hyper-complexes, avec contrôle des objectifs, chose toujours difficile à mettre en oeuvre”, souligne Frank Chenot.
Le tarif mensuel estimé de 100 euros n’est évidemment pas parole d’évangile. Quid si l’opérateur, malgré tout, alourdit la facture (connectivité “brute”)? “S’il fixe un prix trop élevé, il n’attirera pas les clients. Ce qui impactera son ROI…” A lui, dès lors de bien penser son plan tarifaire!
Pour l’heure, aucun contrat n’a encore été passé entre la Sofico et un opérateur privé (Proximus, Orange, Telenet, Eurofiber…) mais la première signature entre la Sofico et un opérateur devrait être annoncée fin de ce mois ou début décembre. “Et deux autres se sont déjà dits très intéressés…”
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