Rareté = cherté. L’équation est bien connue. Et aujourd’hui, sans doute plus encore que lors de certaines périodes antérieures, cela se vérifie du côté des salaires appliqués pour des profils IT.
C’est en tout cas l’une des conclusions que tire Robert Half de sa traditionnelle Enquête Salaires, effectuée via analyse de sa propre base de données Recrutements.
Non seulement les profils sont en pénurie (et ce n’est pas neuf) mais les exigences des recruteurs évoluent – complexification du paysage technologique, accélération de la “transformation numérique”, impulsée et gonflée (en partie artificiellement) par la crise sanitaire récente, recherche de nouvelles compétences (en ce compris humaines, comportementales et collaboratrices)…
Autre face de la médaille, elle aussi influencée par la situation et par la succession des générations: les attentes des futurs embauchés évoluent aussi. Puisqu’ils savent qu’il y a rareté et peut-être aussi parce qu’ils sont davantage (ou différemment) conscientisés face aux enjeux (climat, économie…), les chercheurs d’emploi ou de nouvelle carrière ont des exigences ou des attentes reconfigurées.
Résultat de cette “perfect storm”? L’analyse de Robert Half le caractérise au travers d’une série de symptômes…
L’appât salaire
“Les candidats se trouvent dans une position de luxe, où un bon salaire pourra souvent être décisif lorsqu’ils feront leur choix”. Et la demande, voire la pénurie, est telle que cette position de force joue également pour les débutants: “dans un environnement où le numérique est de plus en plus crucial, les offres salariales avantageuses sont même proposées aux profils junior”.
Un employeur “dans le vent”
“Attirer et retenir les talents passe par des salaires élevés mais également par d’autres stratégies”. Il s’agit, ici, pour les entreprises qui recrutent, de prouver qu’elles relèvent les défis grâce à des technologies de pointe – notamment l’analytique ou le décisionnel basé sur l’Intelligence Artificielle ou encore la mise en oeuvre de solutions à la hauteur des cyber-risques. Autre “stratégie” : faire miroiter des possibilités de formation et de gestion de carrière.
La dimension “soft skills”
Parmi ces compétences davantage comportementales, Robert Half cite des désormais “classiques”: “compétences en communication, capacité à transmettre des connaissances techniques à des personnes non formées, empathie, sens commercial, capacité à traduire besoins et potentiels en stratégie…”
Les entreprises qui veulent se démarquer, sortir du lot dans la pêche aux talents, y voient des ingrédients indispensables à exiger sur le CV ou lors de l’entretien d’embauche.
Les profils les plus demandés et en pénurie
La demande la plus importante, selon l’étude de Robert Half, vise des fonctions telles que manager IT, support applicatif, business analyst, ingénieur support, ou encore tout ce qui touche au décisionnel et à l’analyse de données…
Autre demande croissante – en pénurie : des collaborateurs certifiés. Dans ce registre, les certificats parmi les plus recherchés sont les suivants: CISA (certified information systems auditor), CISSP (certified information systems security professional), ITIL, PMP (project management professional) ou encore des certifications Microsoft Azure et “cloud practitioner” Amazon AWS (accélération du passage au cloud oblige).
Le BYOD n’était qu’une mise en bouche
Dans les constats posés par Robert Half, on trouve également cette phrase: “Les entreprises s’engagent à fournir l’infrastructure nécessaire pour permettre au personnel informatique de travailler avec les dernières technologies.”
Autrement dit, le NWOW, dans ses désinences contemporaines (avec notamment l’importance des outils distanciels), a remplacé ou, plus exactement, vient se juxtaposer et réactualiser ce bon vieux (et suranné) BYOD (bring your own device) qui fut considéré, pendant assez longtemps, comme la promesse-miracle.
Nous avons souhaité poser quelques questions à Cédric Desmet, directeur adjoint de Robert Half, au sujet de certains aspects de son rapport.
Parmi les arguments d’attractivité que font valoir les entreprises recruteuses, au-delà de celui qui met en avant l’usage fait de l’IA ou les intentions de le faire, qu’en est-il d’autres « arguments » tels que le green IT, les procédures et outils IT « durables », respectueux des enjeux climatiques et environnementaux? Pèsent-t-ils déjà dans les choix et les preuves que veulent communiquer les futurs employeurs?
Cédric Desmet (Robert Half): La tendance générale est que les employés se sentent effectivement plus impliqués dans tous les aspects liés au développement durable, au climat et à l’environnement. Ils posent également des questions beaucoup plus précises à ce sujet à leurs futurs employeurs. En outre, nous constatons que nos clients sont également beaucoup plus engagés dans ce domaine, en général, mais aussi dans leur activité. Il est conseillé d’avoir une position claire à ce sujet. C’est en effet un élément qui pourrait rebuter les candidats potentiels s’il n’est pas pris au sérieux.
Toutefois, la thématique demeure assez neuve et nous avons actuellement peu d’expérience en matière de questions concernant le green IT ou les outils durables.
Qu’en est-il de technologies de pointe que l’entreprise qui recrute aurait déjà implémentés, ou planifierait d’implémenter – tels que le blockchain, le « zéro trust » et autres « buzzwords » du moment?
La technologie utilisée par l’entreprise joue aussi souvent un rôle important. Investir dans les nouvelles technologies est une priorité absolue. Cet investissement est essentiel pour permettre aux entreprises d’attirer les bons candidats. Les profils IT veulent en effet pouvoir travailler un maximum avec les dernières technologies afin de ne pas régresser.
Cédric Desmet (Robert Half): “Les entreprises ont compris que la digitalisation est nécessaire pour être et rester de la partie. Pour soutenir tout cela, des profils informatiques adaptés sont nécessaires.”
On peut lire dans votre rapport que les entreprises s’efforcent de “fournir l’infrastructure et les outils pour permettre au personnel IT de travailler avec les dernières technologies”. On est loin du différenciateur qui était hier le BYOD (bring your own device). Aujourd’hui, il y a le NWOW (new world of work) – par exemple… Qu’est-ce qui a fondamentalement changé à vos yeux – et cela s’inscrit-il dans la durée ou n’est-ce qu’une “mode” passagère?
Pourquoi cela ne pourrait-il pas être un mélange des deux? Le NWOW permet à de nombreuses personnes de travailler à domicile, et elles peuvent choisir d’utiliser ou non leur propre matériel à cette fin. Cependant, nous voyons surtout des entreprises offrir le matériel nécessaire à leur personnel. Pour les collaborateurs externes, consultants en intérim ou freelance par exemple, cela peut bien sûr être différent.
Ce qui a fondamentalement changé, c’est la digitalisation qui s’est soudainement accéléré à une vitesse sans précédent et qui est désormais bien implantée dans les entreprises. Les entreprises ont compris que la digitalisation est nécessaire pour être et rester de la partie. Pour soutenir tout cela, des profils informatiques adaptés sont nécessaires, et cela ne devrait pas changer dans un avenir proche.
Dans les stratégies d’attraction de talents, quels sont les “appâts” qui reviennent le plus (salaire élevé, perspectives de technologies avancées) selon qu’il s’agisse de grandes entreprises ou de PME, du secteur public et privé?
Il est difficile de le chiffrer avec précision, car toutes les entreprises ne disposent pas des mêmes moyens/ressources pour le faire. L’une sera en mesure d’offrir un salaire plus élevé, une autre se concentrera davantage sur les avantages sociaux.
Quatre bons exemples des avantages qui sont plus “matter of trust instead of matter of cost” pour les PME: le travail flexible et hybride, une focalisation sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une bonne culture d’entreprise et la confiance.
D’autres études confirment ce mouvement haussier pour les salaires dans le monde numérique et technologique. Ainsi peut-on lire dans un rapport deHudson que les projets de numérisation ont tendance, d’une manière transversale (dans l’industrie technologique) à tirer les salaires vers le haut: “La forte demande de numérisation et le potentiel de réduction des coûts ont conduit à l’attribution d’une rémunération variable plus importante que l’année dernière dans le secteur technologique.
La rémunération variable reste une partie importante de l’enveloppe salariale, et là aussi, la croissance (+2,5%) est substantielle cette année. En ce qui concerne les bonus individuels, les cadres supérieurs ont connu une amélioration significative, tant en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires que le montant médian des bonus versés. Le bonus CCT 90 continue également à prendre de l’importance. Sur le marché Tech, le nombre de bénéficiaires ainsi que le montant versé ont augmenté pour presque tous les niveaux de fonction.”
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