Source: HELMo Gramme, Jobs@Skills
Une “Académie” dédiée à la technologie des jumeaux numériques est en passe de voir le jour du côté de Liège, mais avec la volonté de couvrir l’ensemble des besoins et demandes wallons et en partenariat étroit avec plusieurs acteurs (formation, recherche, industrie) de l’Euregio Meuse-Rhin (Wallonie, Flandre, Allemagne, Pays-Bas).
Son inauguration officielle se tiendra en mai (ou juin). Hébergé au WSL, il est le fruit d’une alliance objective entre trois acteurs qui veulent combiner trois leviers majeurs: formation (initiale ou continue), création/réinvention d’emploi, entrepreneuriat – que ce dernier soit nouveau ou plus traditionnel. Ces trois acteurs sont: WSL, Jobs@Skills et Technifutur.
Pourquoi une implantation au WSL plutôt qu’en un autre point d’ancrage – plus proche par exemple de Jobs@Skills? Outre le fait que l’incubateur pour techno-entrepreneurs soit l’un des co-fondateurs et soit pleinement inscrit dans le champ thématique des deep tech et, notamment, de l’exploitation des données, le WSL présentait l’avantage d’être le voisin immédiat (une simple porte à franchir) de Technifutur et, dès lors, du démonstrateur (physique et virtuel) industrie 4.0 qui y a trouvé place depuis quelques mois.
Cette hyper-proximité permettra d’organiser aisément des séances de sensibilisation et de formation, alliant ou faisant se succéder découverte physique et virtuelle des potentiels de la simulation avancée de données.
Besoin transversal
L’“Académie” Jumeaux numériques – DTA, ou Digital Twin Academy, de son nom officiel – ne se limitera pas à un simple axe pédagogique. Ses activités brossent large: sensibilisation, organisation de séminaires, de conférences et d’ateliers, formations (pour élèves du secondaire et du supérieur, pour personnes actives – du col bleu jusqu’au niveau executive –, formation initiale et continue), recherche fondamentale et appliquée, mise en condition réelle et projets via des proof of concept avec des partenaires industriels, incubation de projets, brainstorming et POC entre industriels et start-ups…
François Strykers (Jobs@Skills): “Le but de la Digital Twin Academy est de créer une zone d’excellence sur des problématiques-clé et, de ce fait, d’être un levier de création de valeur. Le but est également d’explorer et de faire émerger de nouveaux métiers, de pouvoir anticiper par rapport à certains éléments pour détecter des carences et opportunités en termes de compétences et métiers nouveaux”.
Pourquoi lancer cette initiative sur une thématique à la fois spécifique et multi-facettes (de par la multitude de contextes d’application qu’elle laisse présager)? “Les jumeaux numériques représentent une étape suivante par rapport à la simulation 3D. C’est l’étape ultime de la numérisation, au service de l’évolution de processus-clé”, souligne François Strykers, directeur de Jobs@Skills.
Les jumeaux numériques permettent en effet d’instaurer une “boucle vertueuse” entre monde réel et monde virtuel: la simulation de concepts, de processus, de scénarios se fait en virtuel, sur base de données collectées dans le réel, parfois même temps réel.
Les résultats de calcul et simulation sont immédiatement réinjectés dans l’environnement réel d’origine. Qui a son tour peut procéder à un nouveau “feedback” pour enrichir ou réorienter le jumeau numérique. Le tout à vitesse grand V. Pour des gains de temps, en termes de développement et de conception, qui peuvent ramener des projets hier long de plusieurs mois en des délais se comptant en jours ou heures. Et avec la possibilité de tester une multitude de scénarios et d’hypothèses en simultané. Ou quasi.
Face à cette nouvelle “dimension” de la simulation, le constat est clair aux yeux des initiateurs du DTA: si les promesses sont grandes, les aptitudes actuelles sont encore aux abonnés absents. “Tout au plus compte-t-on quelques chercheurs qui maîtrisent ces technologies”, explique François Strykers. “La technologie, par ailleurs, évolue très rapidement. Il y a clairement un déficit de connaissances chez nous, que ce soit au niveau des cursus en simulation ou du côté de compétences pour création et gestion de projets. Nous ne disposons pas des ressources humaines pour déployer ces technologies de manière ambitieuse.”
L’industrie et au-delà
Si l’industrie – au sens large – et sa transformation de processus, de compétences, de fonctionnement, est l’une des destinations de choix pour des implémentations de jumeaux numériques (conception, prototypage, simulation de produits et de processus, optimisation, maintenance, intégration…), la Digital Twin Academy ne veut en rien restreindre le champ des domaines et des secteurs qu’elle veut desservir.
L’énumération serait trop longue mais François Strykers épingle notamment plusieurs cibles et domaines vers lesquels la DTA compte porter son attention – parfois même a commencé à conclure des partenariats. Allons-y… “Logistique, spatial, pharmaceutique, construction… Voire même le domaine de la restauration. Avec la Maison liégeoise, nous étudions même l’intérêt de jumeaux numériques pour l’aménagement de parcs de bâtiments pour logements sociaux.
Dans le domaine spatial, les jumeaux numériques peuvent permettre de simuler et d’analyser des écosystèmes sur base des données satellite. Par exemple, pour étudier et gérer l’entropie d’une forêt.
“Digital twin”: une boucle et interaction continues entre virtuel et réel. Source: Digital Twin Academy, Jobs@Skills
En recherche médicale, les potentiels sont énormes. Les sciences du vivant peuvent par exemple se saisir des digital twins pour accélérer le développement de vaccins. Nos partenariats avec GSK et Eurogentec nous ouvrent des perspectives dans ce domaine.”
Dans le cadre du projet Euregio, des partenariats de recherche, notamment avec la Flandre, exploreront également des pistes réellement innovantes, telles que l’intérêt que pourrait représenter l’interconnexion de digital twins déployés dans différents secteurs. Objectif: une fertilisation croisée de bonnes pratiques, d’enseignements tirés, et une auto-amélioration des jumeaux numériques…
Des ressources sans frontières
Même si la DTA aura son pied-à-terre au WSL – un espace dédié de quelque 60 m2 – où seront installés plusieurs îlots de simulation et de travail sur des jumeaux numériques – et si des démos “en vrai” auront donc lieu sur site (au WSL et chez Technifutur), l’essentiel des ressources et des contenus de formation, ainsi que des jeux de données et outils de simulation et d’analyse prendront une forme virtuelle, pour des cours et des travaux en distanciel.
Côté cours et formations, un mini-MOOC dédié aux fondements de la technologie des jumeaux numériques a d’ores et déjà été réalisé par HELMo Gramme. Ce MOOC gratuit est ouvert à tout curieux potentiel. Il fait le tour des concepts de base des jumeaux numériques, de la conception assistée par ordinateur, du principe d’enrichissement des modèles par la cinématique, etc. Il inclut en outre démos, quiz et test d’utilisation de logiciel. Voir la bande-annonce de ce MOOC sur le site de Jobs@Skills.
L’inscription à ce MOOC se fait également via le site de Jobs@Skills.
Un cours, plus approfondi (“Digital Twin Prerequisites”), est en cours de développement à la HE de la Province de Liège.
Par ailleurs, dans le cadre de la convention Euregio, deux chantiers ont été ouverts. D’une part, la création d’une “twin community”, qui proposera des conférences, webinaires et ateliers, conçus et animés par des experts. Démarrage: dès ce printemps.
D’autre part, le développement d’un cours complet, en principe disponible d’ici la fin de l’année. Pour ce volet, ce sont les partenaires allemands qui s’y attèlent. Ce cours et les autres contenus fournis par les partenaires de l’Euregio seront conçus en anglais et ensuite sous-titrés ou doublés en français.
Des technologies de virtualisation et simulation pour réaliser des “jumeaux numériques” des formations “en dur” sur le démonstrateur du Sart Tilman. Source: Technifutur
Les contenus de formation seront volontairement conçus afin de répondre potentiellement aux besoins ou spécificités de tous les publics-cible – étudiants, professionnels, personnes en recherche d’emploi ou de réorientation de carrière, dirigeants, développeurs, logisticiens, techniciens… “Nous avons choisi de ne pas concevoir des contenus par type de profil. Un test en-ligne sera proposé afin que chacun puisse se tester, et tester son niveau de connaissances préalables ou de besoins en connaissances. Selon les résultats que produira automatiquement le test, l’apprenant sera aiguillé vers les ressources qui lui conviennent.”
Et François Strykers d’ajouter: “Notre volonté est d’aller aussi le plus possible vers les profils les moins qualifiés. Même pour ceux qui ne sont pas porteurs d’un CESS (Certificat d’Enseignement Secondaire Supérieur), rien ne devrait les empêcher de découvrir les potentiels des digital twins. Il faut en effet aussi susciter des vocations. Pour certaines choses, les jumeaux numériques exigent certes des profils plus pointus, par exemple pour de la conception. Mais dans certains domaines ou spécialités, on peut fort probablement prévoir différents échelons d’expertise…”
La DTA peut également compter sur la participation active des chercheurs des diverses écoles d’ingénieurs de la région (HELMo Gramme, HE Robert Schuman, Henallux…) et du Sirris.
Par ailleurs, côté use cases, les industriels entreront dans la danse. “Dans une première phase, ce sera un peu une période de découverte et d’apprentissage pour toutes les parties concernées mais à terme, ces use cases serviront également de sources de matière pour les cours et formations.” Les partenaires industriels embrigadés s’y sont engagés, moyennant respect, bien évidemment, de la destination de la matière. “Ils nous font confiance et savent qu’on ne diffusera pas les contenus en dehors de ce qui a été convenu. Ils participent d’ailleurs à la définition de ces contenus”, souligne François Strykers.
Ces use cases sont bien entendu indispensables pour les travaux de recherche, les exercices de simulation, de test et de scénarisation. Pour ce volet espaces de travail sur Jumeaux numériques, notamment pour les besoins des POC (proof of concepts), la DTA pourra donc compter sur les jeux de données et scénarios proposés et mis à disposition par les partenaires industriels que Jobs@Skills a d’ores et déjà embrigadés ou ajoutera à terme. Parmi les industriels qui se sont d’ores et déjà engagés, citons Siemens, GSK, Eurogentec, Engie, la FN…
Espace physique, espace virtuel
Pour les besoins des projets de Jumeaux numériques, hyper-gourmands en puissance, débit et espaces de stockage, Jobs@Skills a créé une infrastructure virtuelle (70 PC virtualités proposant toute la puissance de calcul et l’espace de stockage nécessaire), hébergée sur le cloud Horizon.
A terme, l’espoir est également de pouvoir aller piocher du temps système et des potentiels du côté du supercalculateur Tier-1 wallon qui sera hébergé à l’A6K-E6K à Charleroi (la génération actuelle du supercalculateur, en passe d’être “upgradée”, est encore localisée chez Cenaero).
Sébastien Assouad (WSL): ““Industriels, start-ups, chercheurs, organes de formation. Capteurs, échanges de données, création d’applications, déploiement sur le terrain. Nous avons la chaîne complète à notre disposition. Servons-nous-en.”
Comme indiqué, l’espace physique de la DTA sera aménagé au WSL. Pas de puissance de calcul sur ce site, tout se passant dans le cloud (données, simulation, calcul…). L’équipement qu’on pourra y voir se composera donc essentiellement de plusieurs îlots de coworking, pour travail en (petite) équipe, dotés d’écrans de belle taille. “Le but est de toujours permettre aux participants de “s’attaquer” à un jumeau numérique en duo”.
Avec aussi d’autres écrans permettant le travail hybride, de quoi collaborer à distance avec d’autres centres, avec les industriels, voire même avoir une “ligne directe” vers les environnements de production. Jusqu’a 6 flux vidéo distanciels pourront ainsi être concentrés sur les écrans collectifs au WSL.
Les logiciels de simulation sont mis à disposition par Siemens, partenaire de Jobs@Skills et de la Digital Twin Academy. Les écrans et équipements multimédia, quant à eux, viendront essentiellement du parc existant de Jobs@Skills.
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