Spin-off de l’UCLouvain (voir encadré ci-dessous), EarlyTracks exploite les technologies NLP (traitement naturel du langage), d’analyse sémantique et d’intelligence artificielle pour améliorer la qualité et permettre la “valorisation” des informations médicales contenues, sous forme structurée mais aussi non structurée, dans les documents générés par les professionnels de soins, dans les DPI (dossiers patients informatisés) des hôpitaux ou encore dans leurs bases et entrepôts de données.
La société vient de lever 1,4 million d’euros afin de passer du stade de start-up, après l’étape de validation médico-fonctionnelle de l’efficacité de sa solution (en termes de pertinence pour l’aide à la décision médicale), au stade de scale-up. C’est en effet désormais de croissance dont rêve aujourd’hui EarlyTracks.
Nouveaux investisseurs
Petit retour en arrière. Le projet EarlyTracks, recentré vers l’univers des soins de santé, est la résultante d’un parcours déjà long et de la fusion de deux start-ups: Knowbel, spécialisée dans l’”extraction” d’informations avec dimension sémantique/ontologique, et EarlyTracks, davantage orientée vers le traitement de l’information (business intelligence à connotation sémantique).
Le tout premier projet est né au départ au sein du Cental (Centre de Traitement Automatique du Langage, UCLouvain). Il allait donner lieu à la création de la start-up Knowbel qui avait orienté ses regards et ses développements vers plusieurs secteurs – celui des médias, de la finance (ou monde économique) et de la santé – dans une optique d’analyse et d’exploitation de contenus non structurés.
Après fusion entre les deux start-ups qui adoptaient le nom d’EarlyTracks, une refocalisation eut lieu vers le seul secteur des soins. Entre 2009, année de création et 2015, le projet original avait obtenu deux financements successifs: 200.000 euros en capitaux d’amorçage, venus de business angels et dl’IRSIB (Institut d’encouragement de la Recherche Scientifique et de l’Innovation de Bruxelles), qui allait devenir Innoviris. En 2011, une augmentation de capital était intervenue, à hauteur de 200.000 euros, venus des business angels de départ.
Une levée de fonds d’un montant de 150.000 euros est ensuite intervenu en 2015, après la refocalisation exclusive vers le secteur médical.
Lors de ses tours de table précédents (voir notre encadré), la start-up avait majoritairement pu compter sur des fonds publics (Innoviris) et des apports de business angels pour financer ses étapes de R&D, de développement, de projets-pilotes en hôpital et de processus de validation médicale.
Pour passer à l’étape de la croissance et de l’expansion géographique – premiers objectifs: la Flandre, la France et les Pays-Bas -, il lui fallait attirer des investisseurs pouvant mettre des moyens plus importants sur la table et, potentiellement, repasser les plats à un stade ultérieur.
Deux fonds viennent ainsi de monter à bord: le White Fund, fonds de placement privé spécialisé dans l’amorçage de projets et de jeunes pousses dans le secteur médical, qui apporte 500.000 euros, et Finance & Invest.Brussels qui injecte pour sa part 350.000 euros.
Des investisseurs privés – “belges et français” – interviennent pour leur part à hauteur 290.000 euros. Le solde, pour atteindre le total de 1,4 million, prend la forme de dette financière. A noter que les intervenants des précédents tours de table n’ont plus remis de l’argent lors de ce dernier tour. Mais aucun ne s’est pour autant retiré.
14 hôpitaux au compteur
Pendant la phase de développement et de validation médico-fonctionnelle de sa solution de traitement, d’analyse et d’“interprétation” d’informations médicales (structurées ou non), EarlyTracks a réussi à convaincre plusieurs hôpitaux de procéder à des projets-pilote voire à adopter sa solution pour mieux structurer et pour améliorer la qualité des informations contenues dans leurs dossiers et bases de données et en faire des sources de décision plus efficace – que ce soit à des fins médicales, cliniques et thérapeutiques ou à des fins opérationnelles et administratives.
Parmi les premiers établissements ayant fait confiance à EarlyTracks, citons le CHR La Citadelle à Liège et le CHU de Liège, l’Institut Jules Bordet, le CHU Saint-Pierre et les cliniques Saint-Luc à Bruxelles.
Aujourd’hui, la start-up annonce avoir pris pied, à des stades et dans des scénarios divers, dans 14 hôpitaux du pays. En ce compris de premiers hôpitaux en Flandre (le seul pouvant être cité, dans l’état actuel des choses, étant Sint Lukas à Gand). “Des projets avec d’autres hôpitaux flamands, pour l’intégration de nos outils à des fins de gestion de leurs informations, sont très avancés mais nous ne pouvons pas encore en dévoiler l’identité”, déclare Brice de Behault, directeur général d’EarlyTracks.
Côté francophone, même précaution oratoire, pour un projet “majeur” réalisé avec les Cliniques Saint-Luc, projet qui a abouti lors de la mise en exploitation récente du DPI Epic par l’établissement.
Dans les autres hôpitaux francophones, la solution avec laquelle EarlyTracks s’intègre est le DPI Xperthis Care de Xperthis (société récemment rebaptisée Zorgi, à la faveur de la fusion intervenue avec Infohos).
“L’intégration avec Xperthis Care et avec Epic a focalisé la majorité de nos efforts en 2020. En raison de la crise du Covid, les projets ont pris un peu de retard. Nous avons par ailleurs travaillé à rendre nos outils intégrables en fonction de l’évolution fonctionnelle d’Xperthis Care. Aujourd’hui, nous sommes techniquement prêts. 2021 sera essentielle pour la mise en production.“ [sans doute au second semestre de l’année].”
Pour sa pénétration du marché flamand, c’est moins du côté des DPI qu’EarlyTracks a jusqu’ici fait porter ses efforts (on sait que les choix DPI en Flandre sont quelque peu différents de ceux faits du côté francophone). La stratégie commerciale flamande de la société passe plutôt par le partenariat intervenu en 2019 avec la filiale locale d’Iqvia (société américaine née de la fusion de Quintiles et d’IMS Health).
“Iqvia met à notre disposition une solution de datawarehouse [Forcea HealthReport Clinical] à destination des hôpitaux. Nous travaillons avec leurs clients pour les questions de migration de contenus mais aussi pour la mise en place d’un Clinical Data Warehouse. Les travaux d’intégration sont en cours. Au stade actuel, les contenus sont poussés vers nos outils. Cette année, les développements viseront à passer à l’envoi direct des contenus, traités, dans l’entrepôt de données.
La finalité actuelle est davantage d’ordre médico-administratif, avec extraction d’informations à partir des rapports de sortie d’hôpital en vue d’alimenter l’entrepôt de données, afin que l’hôpital puisse par exemple exploiter ces informations pour ses opérations de benchmark et de certification”.
2020, année de consolidation
Voici environ un an, la perspective d’une extension de la démarche commerciale au-delà du périmètre des hôpitaux belges francophones n’était pas encore envisagée comme étant une perspective à court terme. Brice de Behault déclarait alors que “l’extension à l’international et donc la recherche de nouveaux moyens financiers ne se feront que lorsque la base de clientèle locale sera consolidée”. Qu’est-ce qui a changé en l’espace d’un an de ce point de vue?
“Les évolutions qui sont intervenues ces derniers mois sont l’aboutissement des projets engagés avec les hôpitaux. 2019 a été très positive à cet égard et nous a servi de base pour 2020, qui fut davantage une année de consolidation.
Brice de Behault (EarlyTracks): “Les évolutions qui sont intervenues ces derniers mois sont l’aboutissement des projets engagés avec les hôpitaux. 2020 fut davantage une année de consolidation.”
En raison de la crise Covid et des retards du côté des projets avec les hôpitaux, nous avons préféré focaliser nos efforts sur un renforcement de notre technologie et de notre méthodologie fonctionnelle afin de mieux structurer notre croissance.
Le domaine qui est le nôtre [l’exploitation sémantique à des fins décisionnelles et opérationnelles, des informations médicales doivent non structurées] est un domaine complexe, où il n’existait pas de manière standardisée de procéder. Il s’agissait pour nous de formaliser un processus tout en tenant compte des spécificités de chaque hôpital, d’aboutir à une logique commune.
2019 et 2020 ont été consacrées à la validation médico-fonctionnelle, en collaboration étroite avec les hôpitaux, du processus de migration et d’extractions de contenus en listes et informations structurées et validées médicalement. Ce processus de migration des historiques est très complexe si on ne le fait pas de manière ciblée. Cela nous a pris beaucoup de temps.”
Des spécificités demeurent bien entendu dans chaque hôpital, voire même dans chaque solution DPI. “Les projets hospitaliers ne sont pas ultra-standardisés mais nous savons désormais que notre méthodologie est pertinente et que nous pouvons nous y aligner. La gestion terminologique est désormais industrialisable.” Bien entendu, moyennant prise en compte des spécificités des différents logiciels DPI. En Belgique ou à l’étranger…
Extension géographique
Quels sont les premiers objectifs d’EarlyTracks en termes d’élargissement géographique?
“La Flandre est déjà un marché sur lequel nous sommes actifs [via le partenariat avec Iqvia]. Les premiers marchés extra-belges que nous visons sont la France et les Pays-Bas, où nous désirons être davantage présents via des partenariats qui seront les relais de notre croissance.
Jusqu’ici nous avons beaucoup investi dans une présence et une compréhension du marché belge. Nous voulons désormais reproduire cette démarche, de manière rationalisée, en France et aux Pays-Bas. Le modèle commercial y sera donc proche de celui exploité en Belgique.
A ce stade, le reste de l’Europe fait davantage l’objet d’une approche de type market discovery, plus ciblée. Nous établissons donc des contacts afin de nous rapprocher des hôpitaux, plutôt que de passer par des partenaires. Nous verrons ensuite pour 2022 et au-delà sur quels pays focaliser nos efforts.”
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