Désormais, le fonds d’investissement wallon W.IN.G ajoutera une nouvelle dimension à son champ d’action: outre le financement de projets portés par des scale-ups numériques (jeunes pousses en phase de croissance), il se donne en effet pour mission d’aider à faire décoller des projets “deep tech” répondant à des contraintes technologiques, commerciales et financières plus élevées.
Objectif: susciter un nouvel élan high-tech pour la Région, d’un poids et d’une ampleur plus importants pour l’économie et l’empreinte des acteurs concernés sur le marché – intra ou extra-frontalier.
Pour mieux situer les raisons de cette extension de rôle, commençons par un petit rappel du positionnement de W.IN.G.
A ses débuts, en 2016, la raison d’être de ce fonds public Wallonia Investment and Growth, doté de 80 millions d’euros sur 5 ans (50 venant de la Région et 30 des invests) dans le cadre du programme Digital Wallonia, était de fournir aux jeunes pousses numériques “à fort potentiel” une source de financement dont elles manquaient souvent cruellement pour franchir le stade du “pre-seed”.
Les montants dont elles pouvaient espérer bénéficier allaient de 50 à 250.000 euros.
En 2018, un premier tournant avait été pris afin de réorienter les aides financières vers des sociétés “à technologie avancée”. Autrement dit, proposant des solutions numériques ou informatiques plus “sérieuses” que les projets souvent orientés B2C ou économie collaborative (qui avaient fleuri dans un premier temps) et présentant des bases déjà relativement solides (solution plutôt mature, technologie brevetable, etc.).
“En l’espace de deux ans”, justifie PIerre Rion, président du comité de sélection des dossiers examinés par le fonds W.IN.G, “d’autres acteurs régionaux, notamment les incubateurs, ont repris ce rôle à leur compte. Les écosystèmes régionaux suppléent désormais à ces besoins en pre-seed. D’où la décision de nous réorienter vers les scale-ups numériques et/ou technologiques.”
Et ce, avec octroi de moyens plus importants, l’investissement consenti pouvant aller de 50.000 euros à 2,5 millions, l’investissement passant par le “véhicule” W.IN.G mais étant pré-validé par la SRIW. C’est ainsi que, ces derniers temps, les sociétés Osimis et e-Peas ont pu bénéficier d’un apport assez substantiel. La première a par exemple récolté 400.000 euros en capital et 150.000 euros en prêt convertible auprès de W.IN.G au printemps 2009.
Cette nouvelle orientation est maintenue mais se double désormais d’un autre axe d’interventions financières. Cible: les “deep tech”.
Deep tech. Kesako?
L’élargissement de la mission du fonds W.IN.G s’inscrit dans le cadre de l’extension du champ d’actions de la SRIW dont il dépend. La Société Régionale d’Investissement de Wallonie a en effet décidé d’inclure de nouveaux paramètres et contextes d’investissement à son panel d’activités pour les cinq années à venir. Nous vous en parlions récemment. Parmi les axes thématiques nouveaux figurent les “deep tech”, un domaine pour lequel le relais d’intervention sera donc W.IN.G.
“Deep tech”, un concept (buzz word?) qui, comme beaucoup, se prête à des définitions et contours potentiellement flous. La définition qu’en donne et à laquelle se tiendra W.IN.G est celle imaginée par BPI France (Banque Publique d’Investissement). A savoir, “des projets portés par des start-ups [ou scale-ups] qui proposent des produits ou des services sur base d’innovations de rupture afin de s’attaquer à la résolution des grands défis du 21ème siècle”. Voir la petite vidéo réalisée à ce sujet par BPI France.
On parle donc ici de technologies numériques novatrices, voire disruptives, afin de relever et de solutionner les défis fondamentaux de la planète et de l’humanité – maladies, changement climatique, pollution, crise alimentaire, mobilité… Le champ d’application est vaste, voire infini, tant en termes de domaines d’activités concernés – transports et logistique, industrie, aéronautique… – que de technologies – capteurs, réalité virtuelle et augmentée, intelligence artificielle, cybersécurité, technologies spatiales, medtech, objets connectés, micro-électronique…
D’un point de vue économique, la motivation derrière ce focus sur les deep tech est de favoriser la montée en grade, en quelque sorte, de projets et sociétés wallonnes et le développement de secteurs de pointe.
Des projets triés sur le volet
Par définition, les projets qui entreront en ligne de compte auront un potentiel et seront de nature “sérieuse”. Parmi les critères entrant en ligne de compte: le recours à des technologies innovantes ou disruptives, un lien avec la recherche, une capacité à faire foncièrement évoluer un secteur ou une solution, un caractère clairement différenciateur, un parcours développement-commercialisation long.
La hauteur des mises de fonds potentielles est similaire à celle qu’octroie W.IN.G depuis un an – entre 50.000 d’euros et 2,5 millions. “Le but est de donner aux projets basés sur des technologies et des potentiels de rupture importants de pouvoir se lancer ou évoluer. Nous voulons ainsi supprimer les barrières à l’entrée, lever les verrous technologiques”, déclare Pierre Rion.
Un comité de sélection spécifique a été constitué, incluant trois profils d’ingénieurs – Muriel De Lathouwer (ex-EVS), Fabien Defays (Citius Engineering) et Emmanuel Bois d’Enghien (Yamabico, anciennement Belrobotics) – , en plus des quatre autres membres qui sont Pierre Rion, Olivier Vander Elst (SRIW), Marc Melviez (Luciad) et Christophe Demain (Belfius).
Les dossiers seront étudiés et sélectionnés par ce jury six fois par an. Au-delà de l’aspect purement financier, W.IN.G mettra également à disposition, à la demande, des “mentors” pouvant épauler les start-ups dans différents domaines: gestion de projet, gestion RH, gestion et démarches financières, marketing…
Une équipe opérationnelle virtuelle, incluant des personnes compétentes venues de sociétés telles que Qualifio, Odoo…, pourra prester des missions de conseils et d’accompagnement. Gratuitement dans un premier temps, avec possibilité d’en passer à un stade contractualisé par la suite.
L’espoir est de financer quelques dizaines de start-ups au cours des 4 ou 5 prochaines années. Un petit travail d’évangélisation et de promotion va démarrer pour attirer des dépôts de dossiers. Des contacts et collaborations seront ainsi tissés avec le réseau LIEU, l’incubateur WSL, différents fonds privés (Partech, Serena…), le réseau IA wallon mais aussi, au-delà de la frontière linguistique, avec l’IMEC.
Les “réserves” du fonds W.IN.G permettent l’activation de ce nouvel axe puisque sur les 60 millions passant par la SRIW prévus au départ (sur cinq ans), il n’en a encore été ponctionné qu’environ 8 millions pour les interventions décidées à ce jour. Un total de 12 millions d’euros ont été “promis”, en réalité, mais un certain nombre de dossiers attendent encore que les fonds privés devant être injectés en parallèle soient confirmés ou libérés.
Petit détour du côté des statistiques de W.IN.G à ce jour: 543 dossiers reçus, 59 interventions financières décidées.
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