Une toute jeune start-up liégeoise se lance sur le terrain de la “smartisation” de la mobilité douce via une appli résolument ludique pour usagers réguliers du vélo en milieu urbain ou péri-urbain, notamment – mais pas que… – à des fins professionnelles (trajet travail-domicile).
L’appli est disponible sous iOS et Android depuis ce 13 septembre. Elle n’existe encore qu’en français, l’intention est de la traduire “rapidement” en anglais “et dans toutes les langues” afin de miser sur une diffusion internationale.
Guillaume Kerckhofs, jusqu’il y a peu fonctionnaire à la Ville de Liège (service Tourisme), a eu l’idée d’une appli qui fasse joyeusement la promotion d’usage du vélo et permette de lui gagner de nouveaux adaptes.
Et quoi de mieux pour encourager les gens que de leur lancer des défis – avec des récompenses, bien réelles, à la clé?
Faites le plein de “cyclos”
Le principe des défis est simple. Tous les kilomètres que parcout un utilisateur sont pistés et comptabilisés, traduits en points – ou “cyclos”. Ces points ou crédits, l’utilisateur pourra les dédier à un ou plusieurs défi(s) imaginé(s) et programmés dans l’appli par une personne individuelle, une entreprise, une association, une ville ou que sait-je encore. Défis imaginés, selon le cas, afin de favoriser un désengorgement du centre urbain, d’attirer de nouveaux clients…
Comment ça marche
L’utilisateur enclenche le compteur kilomètre-cyclo-défi dès qu’il se met en route. Il peut choisir d’allouer tous ses cyclos à un seul défi pour un parcours déterminé, pour son utilisation de tous les jours ou distribuer les cyclos sur plusieurs défis auxquels il s’est inscrit.
L’idée, le concept et toutes les fonctionnalités et scénarios de gamification sont le fruit des cogitations de Guillaume Kerckhofs et de ses trois premiers comparses – un développeur (agence liégeoise N-Zone) et deux partenaires intervenant à la fois comme co-brainstormers et partenaires financiers (parmi ce duo, Antoine Safin, consultant indépendant spécialisé en SAP).
La start-up a été portée sur les fonts baptismaux en mai 2019 et attend ses premiers clients et contrats rémunérateurs pour s’en aller frapper à quelques portes pour récolter des financements. Notamment pour poursuivre les développements et viser rapidement l’international.
Une version 2.0 est déjà dans les têtes. Elle pourrait inclure des fonctions de communications (cryptées) entre utilisateurs et le concept de “badges”, qui seraient attribués aux pédaleurs les plus méritants, selon différents critères (gros rouleur, cycliste régulier, utilisation importante pendant des périodes peu propices – hiver, intempéries…). L’obtention de badges sera associée au gain d’un certain nombre de “cyclos”, de quoi pouvoir créer gratuitement de nouveaux défis…
Moyennant inscription, avec un minimum de détails, un quelconque quidam ou une organisation peut créer un défi.
On peut choisir de se créer un défi purement individuel. Se la jouer en équipe. Ou l’ouvrir à tous. Publier le défi (le rendre visible à tous) ou cibler un groupe de destinataires et participants potentiels (via liste de clients, de collègues par exemple). Organiser des défis entre voisins, entre amis, au sein d’une famille ou au sein d’une entreprise (entre départements ou pour tous les employés)…
L’auteur d’un défi détermine sa nature, sa durée, le nombre de participants pouvant y prendre part, s’il se joue en solo, en équipe, quel prix est à la clé…
La durée de validité du défi est modulable: court – quelques heures ou jours – ou nettement plus long – plusieurs mois, un an.
L’appli a été conçue de telle sorte à pouvoir donner libre cours à son imagination en termes de type de défi. Une galerie de curseurs permet de scénariser le défi – avec toutefois une vérification de pertinence à l’oeuvre en coulisses (voir plus loin).
Exemple de scénario: mettre une limite de kilomètres pouvant entrer en ligne de compte chaque jour, “afin d’encourager les petits trajets, mais selon un rythme à tenir pendant 30 jours ou plus, histoire de favoriser la régularité et la persévérance.”
C’est en effet là toute la philosophie du projet: promouvoir l’usage de la petite reine, désengorger les centres-ville, agir sur des critères bien-être (allusion ici aux bienfaits du vélo, par rapport à la voiture, dont font état diverses études – voir encadré ci-dessous).
Etudes, chiffres et statistiques
En 2011, une étude de Transport & Mobility Leuven, réalisée pour le compte de la Febiac, estimait que si 10% des conducteurs troquaient leur voiture pour le vélo, les embouteillages s’en trouveraient réduits de 40%.
Zone analysée: les trajets Louvain-Bruxelles. Les conclusions de l’étude peuvent être consultées en ligne.
En 2010, une étude co-signée Ingrid Hendriksen du groupe de recherche indépendant TNO Quality of Life de Leiden aux Pays-Bas estimait que “parcourir 3 kilomètres par jour, trois jours par semaine, permet de réduire d’un jour par an le taux d’absentéisme en entreprise.”
Etude intitulée “The Association Between Commuter Cycling and Sickness Absence”, publiée dans Preventive Medicine.
Le site Internet de ProVilo aligne, lui aussi, une série de vertus attribuées à la pratique du vélo.
“Nous voulons encourager et fidéliser les personnes à l’utilisation du vélo, susciter l’émulation via la création de communautés autour de défis. Les “vélotafeurs” s’associent, se confrontent, s’évaluent, l’idée étant d’utiliser l’appli dans un cadre ludique et pédagogique plus que dans un cadre concurrentiel. L’idée n’est pas de favoriser, de mesurer ou de récompenser les performances sportives”, insiste Guillaume Kerckhofs.
Le côté “intelligent” de l’appli vient du fait que lors de la scénarisation d’un défi, elle émet des messages signalant au créateur que son scénario ne tient pas la route ou ne pourra être relevé. Par exemple, un nombre total de kilomètres trop élevé par rapport à la durée et au nombre maximal de kilomètres pouvant être comptabilisés chaque jour…
Pour l’instant la fonction Création de défi n’est pas encore active mais Bike&Win promet sa mise en-ligne d’ici 15 jours. Dans l’intervalle, les lanceurs de défis intéressés doivent s’adresser à la jeune pousse pour les faire configurer.
Autre particularité de l’appli: elle n’autorise pas la comptabilisation de “cyclos” au-delà d’une vitesse de 40 kilomètres/heure.
Chaque utilisateur pourra visualiser ses distances parcourues mais aussi la quantité de CO2 – ou d’euros – économisés par rapport à l’usage d’une voiture.
L’organisateur du défi, lui, a accès aux statistiques individuelles (ne voyant toutefois que les pseudos des participants) mais également globales de son défi. Avec possibilité de les publier directement sur les réseaux sociaux – à des fins d’auto-promotion.
Les prix à décrocher peuvent être de tous ordres, définis par les lanceurs de défis: pièces de théâtre, réduction sur un produit ou un service, don qui sera versé à une oeuvre caritative par l’organisateur du défi…
A noter que le ou les gagnants d’un défi imaginé sur base individuelle seront désignés, non pas, à la performance (le premier à atteindre l’objectif) mais par sélection entre participants avec départage par question subsidiaire. Ils seront avertis par courriel, invités à prendre contact avec l’organisateur du défi pour recevoir leur prix. “A aucun moment, les organisateurs de défi ne connaîtront l’identité et n’auront les coordonnées des participants”, insiste Bike&Win, bien consciente des règles de respect de la vie privée.
Les garde-fou
Il y aura peut-être (sans doute) de “petits malins” pour tricher, pour utiliser l’appli et enregistrer les kilomètres parcourus alors qu’ils ne sont pas en selle.
L’appli, via les capteurs du smartphone, enregistre certes les distances parcourues, le temps passé et la vitesse de déplacement, mais pas le moyen de transport utilisé. Un conducteur au volant de sa voiture roulant en zone 30 urbaine pourrait donc se faire passer pour un cycliste. Idem pour le passager d’un bus ou d’un tram.
A terme, dans les versions suivantes, la start-up envisage de développer des outils qui, sur base de l’analyse des données captées, pourraient repérer des comportements peu compatibles avec le vélo: trop grande régularité de déplacement, vitesse anormale pour un vrai cycliste sur certains tronçons, “voire même repérer un bot qui génèrerait de faux parcours”.
Mais Bike&Win ne veut pas jouer les cerbères intransigeants: “il y aura sans doute de la triche. Si elle demeure limitée, elle ne dénaturera pas l’appli et son objectif. Les créateurs potentiels de défis que nous avons déjà rencontrés, dans le monde associatif ou du côté des entreprises, ne s’en formalisent pas. Pour eux, de toute façon, ce sera souvent leur visibilité sur la Toile et auprès de leur public qui importera.”
Une fonctionnalité qui pourrait être développée à l’avenir consisterait à ne pas comptabiliser les cyclos le week-end pour éviter que des kilomètres parcourus lors d’escapades temps libre ne viennent “polluer” l’objectif premier qui est de promouvoir et encourager l’usage du vélo à des fins de durabilité vertueuse pendant la semaine.
“Nous n’avons pas prévu cette restriction au départ parce que nous voulons d’abord savoir quel accueil est réservé à l’appli, comment elle sera utilisée”, indique Guillaume Kerckhofs.
Le modèle économique
Le tarif imaginé par l’équipe de Bike&Win repose entièrement sur la “rentabilisation” des défis. Pour chaque défi, l’initiateur paiera un euro par participant. L’appli, par contre, restera gratuite pour les participants “ainsi d’ailleurs que pour les asbl et les acteurs du non-marchand.”
Guillaume Kerckhofs (Bike&Win): “Nos premières cibles seront les grandes entreprises mais aussi les villes et les acteurs du tourisme.”
De premières entreprises et organisations ont été séduites ou se disent intéressées. Premiers adopteurs: des Auberges de Jeunesse, Néobulles (la société de Philippe Stassen) ou encore ProVelo Liège qui voit dans l’appli “un outil très complémentaire de nos propres services en matière de vélo d’entreprise en leasing. Il nous manquait encore ce côté ludique qui permet d’inciter les entreprises et leurs responsables mobilité à adopter des programmes de mobilité optimisée pour leurs employés”, déclare Sébastien Biet. “L’appli Bike&Win a aussi l’avantage de favoriser la création et l’animation de communautés de cyclistes.”
A Liège, des sociétés telles que BioWanze, Lampiris et Voo ont déjà passé des contrats avec ProVelo. Un projet est également envisagé avec le CHC (centre hospitalier) en cours de déménagement vers un nouveau site.
“Nous visons en premier les grandes entreprises, qui disposent par exemple d’un mobility manager”, déclare Guillaume Kerckhofs. “Elles sont en principe prêtes à payer et sont susceptibles d’être intéressées par l’organisation de défis pour leurs employés. Les villes sont également une cible, tous comme les commerçants ou associations centre-ville qui voudraient encourager l’usage du vélo par leurs clients afin de lutter contre l’effet dissuasif de la circulation urbaine pour les clients motorisés.”
Guillaume Kerckhofs ajoute encore d’autres cibles potentielles: les acteurs du tourisme, des enseignes qui voudraient mieux se faire connaître, doper leur image…
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