Digital Wallonia 4 IA. Le copié-collé – dans l’intitulé – est quasi parfait par rapport à AI 4 Belgium. On savait que la Wallonie voulait mettre sur la table de premiers éléments d’actions en matière de stratégie (ou d’initiatives) Intelligence Artificielle. Non seulement dans la foulée du rapport publié au niveau fédéral mais aussi pour embrayer sur l’appel du pied effectué par le Réseau IA.
Dans une large mesure, les demandes ou recommandations du Réseau IA ont été prises en compte dans le “plan alpha” entériné ce jeudi 11 avril par le gouvernement wallon mais sa mise en oeuvre échappe dans une certaine mesure à ce même Réseau IA.
D’une part, la coordination sera assurée par l’AdN. Coordination “en collaboration avec les parties prenantes”. Au rang desquelles, bien entendu, le Réseau IA et les membres de son comité de pilotage (Agoria, AdN, l’Infopole, un représentant des Centres de compétence).
D’autre part, l’équivalent temps plein demandé est certes octroyé, avec pour mission “le pilotage de l’ensemble des mesures prévues et de la collaboration de toutes les parties prenantes.” Toutefois, cette personne sera active… du côté de l’Infopole, “pour plus de cohérence et de lisibilité”.
A redécouvrir, notre dossier au sujet de la création et du rôle que veut jouer le Réseau IA ainsi que le contenu du rapport AI 4 Belgium remis, voici quelques semaines, par le groupe d’experts au gouvernement fédéral.
C’est du moins ce qui transparaît dans la note présentée et approuvée par le gouvernement. Sauf que… Une certitude subsiste à ce stade sur le point d’ancrage (l’hébergeur) réel de cette personne-pilote. “La désignation de cette personne imposera d’en passer par un marché public”, précise Christophe Montoisy, l’un des initiateurs du Réseau IA. “En tant que Réseau IA, nous ne pouvions recruter nous-même. Il nous faut donc sous-traiter et en passer par un appel d’offres. Le tout est de savoir qui répondra… Sera-ce via l’Infopole ou d’autres répondants, tout est possible…”
A ses yeux, cela va à la fois compliquer les choses et permettre davantage de stabilité, du moins si cette personne s’inscrit dans le cadre d’un organisme dont l’animation des activités et projets IA wallons ne serait pas la seule activité. “Le tout est donc de trouver le bon partenaire avec lequel travailler à long terme.” L’AdN aurait pu être ce nid d’hébergement. Mais un holà aurait été mis lors de l’incontournable contrôle financier…
Comment les actions vont-elles réellement prendre forme entre Réseau IA, à qui est confié “la mise en oeuvre opérationnelle du plan”, l’AdN, chargée de la “coordination des actions entreprises et de la validation des actions menées”, et cette personne tierce, “attachée” virtuelle au Réseau IA mais “hébergée” auprès d’un autre organisme? “La bonne nouvelle”, déclare Christophe Montoisy, “est que nous savons désormais de quels moyens nous disposons pour la première année. Mais nous ne savons pas encore quelles méthodes seront utilisées. Cela reste à peaufiner.
Pour ce faire, notre comité de pilotage va se réunir pour définir les axes et débloquer les fonds en fonction des actions qui seront décidées.”
Plan “Alpha”
Les esquisses du prochain plan stratégique IA wallon et les premiers moyens alloués portent sur l’année en cours – à charge du prochain gouvernement de prendre le relais et de déployer une stratégie éventuelle plus large, plus holistique et détaillée. Le plan Digital Wallonia 4 IA est d’ailleurs présenté comme une “amorce des développements à venir”, une première action justifiée par l’“urgence qu’il y a à mener une action rapide en vue de stimuler l’adoption de l’IA en Wallonie.”
Budget débloqué: 875.000 euros, puisés dans le budget prévu cette année pour le plan Digital Wallonia.
Digital Wallonia 4 IA: “Se positionner sur le secteur de l’IA, c’est se positionner sur le levier de l’évolution numérique, sur l’augmentation de la productivité et, donc, de la compétitivité, mais aussi sur des pans tout entiers de secteurs extrêmement porteurs tels que l’automobile, l’énergie et la santé.”
A quoi serviront ces fonds? Le plan Digital Wallonia 4 IA identifie trois actions initiales devant “répondre à des manques identifiés comme étant autant de freins au développement de l’IA en Wallonie”. Quels sont ces freins, lacunes et carences? Un manque de use cases sur le terrain (tous secteurs confondus), un manque de compétences – techniques et pratiques, un manque de sensibilisation – à la fois du grand public et des entreprises, un déficit de “structuration et lisibilité des initiatives menées”. Sur ce dernier point, le Réseau IA appréciera, lui qui s’est justement constitué pour jouer précisément les amorces et dégoupilleurs.
Côté plus positif, le fait de replacer les actions du Réseau IA – à condition qu’elles soient réellement supportées et amplifiées via de nouveaux moyens – sous la coupole Digital Wallonia devrait en effet lui donner plus de visibilité et de potentiel d’action. Reste à déterminer le rôle précis, concret, que jouera l’AdN, la manière dont un maillage cohérent d’acteurs – en formation, sensibilisation, développements, accompagnement… – se mettra en oeuvre.
Les premières actions
Pour s’attaquer aux différents “freins” évoqués ci-dessus, le plan Digital Wallonia 4 IA mise, pour démarrer, sur quatre types d’actions.. A commencer par des activités orientées information et sensibilisation.
Un forum devrait être organisé, comme le proposait d’ailleurs le Réseau IA (son intention était de le programmer en novembre). D’autres événements devraient s’y ajouter, sous la forme de conférences, d’ateliers ou encore de “démonstrations à destination des entreprises”.
Une vaste campagne de sensibilisation était aussi l’un des leviers que préconise Pierre Rion, président du Conseil du Numérique, qui, lors du lancement d’AI 4 Belgium [relire notre dossier à ce sujet] avait répété son intérêt, au niveau wallon, pour une “conscientisation de la population” qui pourrait, selon lui, prendre la forme d’événements à grande visibilité, “pourquoi pas une grande soirée télévisée, pour démythifier l’IA pour le grand public mais aussi pour les entreprises?”
Deuxième axe du plan-amorce Digital Wallonia 4 IA: accompagner les entreprises dans leur adoption de l’IA pour leur propre “transformation” et/ou pour la création de nouveaux services et produits.
L’idée est de les “accompagner pour le développement de prototypes de services, produits et/ou processus.
Cela semble rejoindre l’idée du Réseau IA qui proposait de procéder par financement de proof-of-concept collectifs réalisés sur une période restreinte (60 jours) et mettant autour de la table plusieurs entreprises réunies par une problématique commune. “C’est une approche win-win”, explique Christophe Montoisy. “Un win pour l’entreprise qui reçoit un délivrable sur une problématique précise, et un win pour la Région dans la mesure où cela alimentera les uses cases nécessaires à la sensibilisation et aux besoins de communications vis-à-vis des entreprises.”
Est-ce là la piste qui sera suivie dans le cadre du plan Digital Wallonia 4 IA? Cela reste à déterminer. Le texte de la note au gouvernement parle de “prototype” là où le Réseau IA imaginait plutôt des “POC”. Or, les deux concepts ont des implications différentes. “50 ou 60 jours, c’est trop peu pour développer des prototypes”, confirme Christophe Montoisy.
A suivre… : Des graines à faire germer
Les actions et modalités de mise en oeuvre du plan stratégique IA wallon doivent encore être précisées mais l’AdN en précise déjà certains contours….
Par ailleurs, la notion de “collectif” n’apparaît pas dans la note au gouvernement (inspirée par l’AdN). “Peut-être ont-ils considéré que tous les POC ne pourraient pas impliquer plusieurs sociétés, en raison de leur spécificité…”.
Troisième axe d’action de Digital Wallonia 4 IA: la formation à l’IA, pour deux publics distincts. D’une part, “les personnes inactives et sans formation particulière”; de l’autre, les managers et chefs d’entreprise.
Enfin, quatrième type d’action: l’activation d’un “réseau d’acteurs nationaux et internationaux”. Ici, le gouvernement wallon s’accroche tout simplement au train de AI 4 Belgium, pour des “actions en partenariat avec le hub belge”.
Pendant ce temps aux Etats-Unis (et ailleurs)…
A découvrir dans la suite de cet article [suite réservée à nos abonnés Premium], un récapitulatif de ce que d’autres pays (et l’Europe) ont annoncés comme investissements en matière d’intelligence artificielle.
En février de cette année, un décret américain esquisse la future stratégie des Etats-Unis en matière d’IA. Son nom: “Maintien du leadership américain en intelligence artificielle”.
L’“American AI Initiative” est censée “veiller à ce que les progrès de l’intelligence artificielle demeurent nourris par l’ingéniosité américaine, reflètent les valeurs américaines et soient appliqués dans l’intérêt du peuple américain”.
Un ensemble de mesures (ou recommandations) et d’objectifs à atteindre a été défini, prévoyant notamment “l’allocation de ressources aux secteurs-clé de la recherche (calcul haute performance, cloud computing) et aux applications IA. l’ouverture des données et modèles fédéraux aux chercheurs pour favoriser l’innovation, l’amélioration de la qualité et de l’accès aux systèmes d’IA fédéraux.”
Si la volonté est donc clairement exprimée d’“allouer des ressources” spécifiquement à l’IA, le décret ne chiffre pas précisément l’effort (l’Administration Trump ne mène pas une politique d’extension des investissements consacrés à la recherche, préférant réorienter vers des secteurs jugés prioritaires des fonds dont elle prive d’autres domaines). Mais les Etats-Unis auront sans doute à coeur d’au moins mettre sur la table un pactole aussi important que celui annoncé par la Chine – pour rappel, 150 milliards de dollars sur dix ans. Voir notre encadré ci-dessous pour quelques chiffres éclairants sur les budgets dédiés par différents pays à l’Intelligence Artificielle.
Sans compter bien évidemment les milliards de dollars que les GAFA et autres ténors privés américains investissent de leur côté, indépendamment de moyens fédéraux (ou plus locaux).
Les agences et départements fédéraux, eux, sont priés de définir et de déployer toute une série d’actions et de moyens pour y parvenir:
– “orienter en priorité leur budget R&D vers l’IA en privilégiant des innovations de pointe ayant des applications directes pour le peuple américain”
– “rendre leurs données et ressources IT davantage accessibles […] afin de favoriser la confiance du public et l’innovation de la part des chercheurs, experts et industriels”
– “définir des normes de régulation de l’IA ainsi que des lignes directrices pour le développement et l’utilisation des systèmes d’IA par type d’industrie […] afin de favoriser la confiance et la sécurité” (le NIST -National Institute of Standards and Technology – se chargera de définir des normes techniques “garantissant la sécurité, la robustesse, la fiabilité et l’interopérabilité des systèmes d’IA”)
– “donner la priorité à des programmes de bourses et de formations aidant les étudiants et travailleurs américains à développer des compétences relatives à l’IA, à l’informatique et aux autres disciplines scientifiques (STEM)”
– “protéger au niveau international l’avantage américain en matière d’IA, […] soutenir la recherche en IA au niveau international, principalement pour assurer sa conformité avec les intérêts américains, et soutenir l’entrée des entreprises américaines de l’IA sur les marchés étrangers.”
Quelques sommes mises sur la table
Chine: 150 milliards de dollars sur dix ans.
Etats-Unis: pas de budget chiffré fédéral pour la stratégie. Par contre, le département de la Défense a réservé 10 millions de dollars, sur deux deux ans, dans le cadre de son National Defense Authorization Act pour la création et le fonctionnement d’une Commission de sécurité nationale pour l’intelligence artificielle, qui conseillera notamment l’exécutif américain. Selon de documents officiels, les Etats-Unis auraient investi 1,5 milliard de dollars en projets de recherche IA en 2015. Source: Research and Development Strategic Plan. Ce budget aurait depuis lors été augmenté de 40% (mais sans certitude, l’Administration Trump ayant plutôt tendance à plafonner les moyens R&D et de redistribuer le budget global en supprimant certains axes). La Défense, par contre, continue d’investir largement en AI et en IT. Selon une source Govini, le Pentagone “dépenserait environ 7,4 milliards de dollars en IA et dans des domaines connexes tels que le big data et le cloud computing.”
Union Européenne: 2,5 milliards d’euros pour “favoriser la diffusion de l’intelligence artificielle dans l’ensemble de l’économie et de la société européennes”. Cadre: le programme 2021-2027 pour une Europe numérique, doté d’un budget total de 9,2 milliards d’euros.
France: 1,5 milliard d’euros en 5 ans.
Danemark: l’IA est incluse dans un plan global Digital Growth qui a été financé à hauteur de 75 millions de couronnes danoises (près de 10 millions d’euros) pour 2018, 125 millions en suite chaque année jusqu’en 2025 (16 millions €), auxquels s’ajoute un budget fixe de 75 millions de couronnes (9,75 millions €) pour l’“implémentation d’initiatives stratégiques”.
Canada: plan quinquennal Pan-Canadian Artificial Intelligence Strategy de 125 millions de dollars canadiens (près de 94 millions de dollars US). Voté en 2017. Il vise notamment à financer et promouvoir la collaboration entre centres de recherche et à augmenter le nombre de chercheurs actifs en IA (programme CIFAR – Canadian Institute for Advanced Research). Sur cinq ans, 86,5 millions de dollars canadiens (65 millions de dollars US) sont ainsi alloués au programme Canada CIFAR AI Chairs.
Russie: pas de chiffre “officiel” mais une évaluation de 700 millions de roubles (environ 12,5 millions de dollars), en budget annuel alloué à l’IA. Source: Defense One.
Israël: 280 millions de dollars pour un plan lui aussi quinquennal.
Corée du Sud: environ 1,7 milliard d’euros sur 5 ans.
Singapour: 109 millions de dollars sur 5 ans (stratégie annoncée en 2017).
Australie: 29,9 millions de dollars australiens (budget voté en 2018) pour un plan sur 4 ans.
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