FixMyStreet… Wallonie: encore 9 mois de patience

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Par · 15/02/2019

Il y avait déjà BetterStreet, initiative d’une start-up locale, et FixMyStreet, une réalisation bruxelloise développée par le CIRB. Dans neuf mois, si l’agenda est respecté, une nouvelle appli de signalement d’incivilités dans l’espace public fera ses débuts: FixMyStreet… Wallonie.

Il s’agira d’une copie quasi conforme de la solution bruxelloise, avec quelques aménagements locaux, qui sera proposée – gratuitement – aux communes wallonnes par l’asbl Be Wapp (Wallonie Plus Propre).

Parmi les modifications apportées, citons un volet cartographique correspondant au territoire wallon ou encore une “caractérisation plus précise et détaillée du type d’incivilité signalée”.

Pour le reste, le principe est le même: l’agent communal – ou le citoyen – prend un cliché du problème (poubelle qui déborde, éclairage défectueux, dépôt illégal…). Automatiquement géolocalisé et accompagné d’un éventuel commentaire, le message est envoyé à l’agent communal responsable qui en assure la réception et le suivi et tiendra (idéalement, du moins) le signaleur informé de la prise en charge et de la résolution du problème.

L’appli mobile se double, à cet effet, d’un volet à finalité administrative, géré sur le PC de l’agent communal.

Un proto encore à valider

La solution FixMyStreet Wallonie, même si elle correspond largement à une appli bruxelloise utilisée depuis plus de cinq ans, ne fera pas ses débuts opérationnels tout de suite. Il lui faut en effet encore franchir plusieurs étapes.

En mars et avril, elle sera tout d’abord testée par quelques agents du BEP (Bureau Economique de la Province de Namur), notamment pour signaler des problèmes aux abords des bulles à verre. En mai, “deux ou trois communes”, sélectionnées par le BEP, en doteront quelques agents communaux, toujours à des fins de tests et d’apport éventuel d’idées ou critiques.

Fin mai ou courant juin, les premiers exemplaires, toujours pour phase-pilote, arriveront entre les mains d’“ambassadeurs propreté” – lisez des citoyens engagés qui participent activement à des actions propreté dans le cadre des campagnes de sensibilisation et d’activation de Be Wapp.

Les communes pourront commencer des tests (mais uniquement en interne, en équipant leurs agents) à partir de septembre.

Enfin, dernière étape, l’appli pourra être utilisée par les citoyens lambda habitant dans les communes qui auront adopté la solution.

Todi les ptits k’on spotche ? (1)

(1) Pour ceux qui ne “causent” pas le wallon: expression typique signifiant que ce sont toujours les plus modestes qui sont écrasés par plus puissants qu’eux

Pourquoi Be Wapp a-t-elle choisi de recourir à la solution bruxelloise plutôt que de se tourner vers BetterStreet, qui annonce déjà une bonne quarantaine de communes wallonnes clientes? “Nous sommes une asbl, sans finalité commerciale”, explique Benoît Bastien, directeur général de Be Wapp. “A ce titre, il n’y avait aucune raison pour nous de prendre contact avec une société commerciale.”

Autre raison: la volonté de proposer aux communes, en ce compris les plus modestes, une solution gratuite.

Alban Bouvy (Be Wapp): “Les petites communes n’ont souvent pas les moyens de s’offrir une solution commerciale de gestion des incivilités. C’est par contre la mission de Be Wapp de proposer des innovations permettant à tous d’améliorer la propreté publique. Le fait par ailleurs de disposer de notre propre outil nous donne plus de faciliter pour l’adapter aux besoins.”

Du côté de BetterStreet, on estime tout naturellement que c’est là concurrence pure et simple, pas très loyale de surcroît dans la mesure où l’un des principaux arguments utilisés est la gratuité.

Jean-Marc Poncelet: “La moitié des signalements d’incivilités via BetterStreet concernent par ailleurs des problèmes de propreté.”

“Nous ne sommes évidemment pas ravis”, réagit à chaud Jean-Marc Poncelet, initiateur de BetterStreet. “L’arrivée de cette solution supplémentaire va ajouter du flou sur le marché et dans la perception qu’ont les collectivités ou les citoyens des outils auxquels ils peuvent faire appel.

Rien ne justifie que l’on vienne ajouter quelque chose qui se pose en concurrent et qui soit financé par les pouvoirs publics. D’autant que la fonction de signalement BetterStreet est déjà opérationnelle pour tout le territoire wallon et est gratuite. Nous ne faisons payer que pour des services supplémentaires que veulent déployer des communes qui veulent aller au-delà du seul service de signalement [Ndlr: voir plus loin].

La moitié des signalements d’incivilités via BetterStreet concernent par ailleurs des problèmes de propreté.

L’arrivée de cette nouvelle solution risque de faire du mal à tout le monde. Et on a l’impression que c’est de la récupération par des acteurs publics après que nous ayons fait le travail de sensibilisation.”

Jean-Marc Poncelet (BetterStreet): “C’est à croire qu’on veut certes des “champions digitaux” mais pas dans le secteur public.”

Aux yeux de Jean-Marc Poncelet, c’est un coup de plus porté aux start-ups et à ceux qui veulent initier des innovations. “Contrairement à Bruxelles où les autorités travaillaient sur FixMyStreet avant de connaitre l’existence de BetterStreet, dans le cas de figure présent, il y a une véritable volonté de concurrencer le secteur privé en sortant une solution identique et en mettant en péril notre société.

C’est à croire qu’on veut certes des “champions digitaux” mais pas dans le secteur public. Veut-on conduire une politique via laquelle, au bout du compte, ce sont seulement les sociétés bien établies, bénéficiant d’un quasi-monopole, qui survivront sur ce marché?”

Gratuit, réellement?

L’appli de signalement d’incivilités dans l’espace public FixMyStreet Wallonie sera donc gratuite pour les utilisateurs – communes, agents communaux et “citoyens-signaleurs”.

Mais cela ne concerne que la fonction “signalement” (envoi de messages, de photos signalant un problème et réponses de l’administration informant le citoyen que le problème a été pris en compte et/ou résolu). Une fonction, souligne Jean-Marc Poncelet, initiateur de BetterStreet, qui est également gratuite avec son appli. La société, par contre, propose bel et bien un service à l’année, payant.

Du côté de FixMyStreet Wallonie, on ne peut pas réellement parler de gratuité pour ce qui est de l’intégration de la solution dans le back-office des communes. En effet, le développement des nécessaires connecteurs et API devra être pris en charge “moitié-moitié par Be Wapp et par l’équipe IT ou le prestataire de service de la commune”, précise Alban Bouvy, chef de projet chez Be Wapp.

Par ailleurs, autre élément important, si Be Wapp n’a pas dû ouvrir son portemonnaie ou une quelconque enveloppe-subside pour obtenir le code (open source) du côté du CIRB, le projet d’adaptation aux quelques spécificités des pouvoirs locaux wallons (par un développeur indépendant) a, lui, fait l’objet d’un budget. Hauteur: 100.000 euros. Facture financée par les entreprises privées qui sont les co-initiatrices, avec les acteurs publics, de l’asbl Be Wapp (à savoir, plusieurs sociétés du secteur des emballages).

Quid de l’évolution de la solution et de ses fonctionnalités?

L’évolution de l’appli FixMyStreet Wallonie sera le fait de Be Wapp, “mais avec partage d’informations et concertation sur les fonctionnalités avec le CIRB”, déclare Benoît Bastien.

Le coût de développement de ces futures évolutions et la maintenance de l’appli seront à la charge de Be Wapp: “la gestion sera considérée comme faisant partie intégrante du coût global de gestion des différentes applications que propose Be Wapp” (rappelons que l’asbl a par exemple récemment lancé une solution de gestion de poubelles connectées – solution développée par ThinksPlay, dont nous vous parlions récemment).